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Guerre en Ukraine : comment se positionne la France ?

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Volodymyr Zelensky et Emmanuel se rencontrent à Bruxelles, le 18 décembre 2024. ©MAXPPP

Par Ghorban-Ali Khodabandeh 

L'Ukraine au cœur du jeu diplomatique. Le président français Emmanuel Macron a appelé, jeudi, à accentuer la pression afin d'amener les Russes à revenir à la table des négociations et conclure un cessez-le-feu.

La stratégie de la France dans la guerre en Ukraine semble ainsi combiner un soutien déterminé à l'Ukraine avec une volonté de maintenir le dialogue avec la Russie, ce qui s’avère contradictoire. D’une part, la France fournit une aide militaire et financière significative à l'Ukraine et participe aux sanctions contre la Russie. D’autre part, la France dit maintenir des canaux de communication avec la Russie, notamment par des contacts directs entre le président Macron et le président Poutine, dans l'espoir de trouver une solution diplomatique et d'éviter une escalade du conflit.

Pour rappel, la France a augmenté son aide militaire à l'Ukraine, incluant la cession d'équipements, la formation de soldats ukrainiens, et des mécanismes financiers pour l'acquisition de matériel.

Dans le cadre d’une approche interprétée comme une forme d'ambiguïté stratégique, la France cherche à dissuader la Russie de poursuivre son agression en montrant sa détermination à soutenir l'Ukraine et en maintenant des capacités militaires crédibles.

Cette approche a été critiquée par certains comme étant trop conciliante avec la Russie, tandis que d'autres la considèrent comme une approche réaliste pour éviter une escalade du conflit.

Le président français cherche à accentuer la pression sur la Russie

Le président français et le Premier ministre britannique ont assuré, le jeudi 10 juillet, que les plans de la Coalition des pays volontaires pour garantir un futur cessez-le-feu entre Kiev et Moscou étaient prêts, tout en appelant à accroître la pression sur la Russie.

Emmanuel Macron, en visite d'État au Royaume-Uni, s'exprimait par visioconférence à l'ouverture d'une réunion de la Coalition des volontaires, un groupe de pays européens et non européens, composé à l'initiative de la France et du Royaume-Uni pour aider l'Ukraine dans la guerre qui l'oppose à la Russie.

« Il est extrêmement important, à très court terme, de maintenir notre soutien à l’Ukraine, car c’est évident, et cela a été clair à travers tous les retours que nous avons eus des Russes et ce que nous voyons sur le terrain », a déclaré le président français.

« C’est là que nous devons clairement faire quelque chose de nouveau et accroître la pression que nous exerçons sur la Russie. Il ne s’agit pas simplement d’un nouveau train de sanctions, mais de quelque chose qui peut complètement modifier l’impact sur l’économie russe et convaincre les Russes de revenir à la table », a-t-il soutenu.

Pour ce faire, le président français a proposé trois piliers d'action : « soutien à court terme ; cessez-le-feu et les garanties de sécurité ».

Il s'agit en somme, selon Macron, de « garantir au président Zelensky et à son peuple que le jour où nous aurons un cessez-le-feu, nous ne les abandonnerons pas et nous construirons tout ce que nous pourrons pour soutenir leurs capacités, aider à reconstruire et offrir des garanties de sécurité à long terme dès le lendemain du cessez-le-feu ».

Paris et Londres ont lancé en février le projet d'une « Coalition des volontaires », qui réunit une trentaine de pays engagés dans le renforcement des capacités de défense de l'Ukraine et dans la garantie d'un futur cessez-le-feu entre Kiev et Moscou.

Pour les dirigeants français et européens, ce partenariat « donne une crédibilité et une robustesse à ce pilier européen de l’Otan sur le plan opérationnel et crédibilise aussi l’autonomie stratégique » de l’Europe, a souligné Emmanuel Macron ce vendredi 11 juillet.

Mercredi, Londres et Paris avaient annoncé vouloir utiliser la force expéditionnaire conjointe franco-britannique déjà existante comme « socle » d'une future force déployée sous l'égide de « la Coalition des volontaires ».

Guerre en Ukraine : à quoi pourrait ressembler le déploiement d’un contingent européen ?

La force expéditionnaire conjointe franco-britannique (CJEF) va voir ses effectifs renforcés pour atteindre jusqu'à 50 000 hommes. Ils constitueront le noyau dur d’un contingent de l’Otan, qui pourrait être déployé dans l'éventualité d'un cessez-le-feu en Ukraine, pour dissuader la Russie de lancer une nouvelle offensive.

« Nous faisons passer cette force conjointe du niveau d’une brigade à celle d’un corps d’armée », a annoncé jeudi le président Emmanuel Macron, durant une conférence de presse conjointe avec le Premier ministre britannique Keir Starmer sur la base militaire de Northwood, au nord-ouest de Londres. Ces hommes et femmes pourront être mobilisés dans un engagement majeur et à disposition de l’Otan, a-t-il précisé.

Mais alors que les sources des médias britanniques — The Guardian, The Financial Times ou encore The Times — indiquaient une force d’au moins 30 000 militaires, Emmanuel Macron voit désormais bien plus grand.

Selon le président français, cette force sera susceptible d’être multipliée par cinq par rapport à son volume actuel, autour du noyau dur des troupes franco-britanniques. S’il indique que cette croissance drastique se fera par capacité d’agréger d’autres partenaires européens, peu de volontaires se font pour l’heure entendre parmi la trentaine de pays considérés susceptibles de déployer une force de garantie du cessez-le-feu. Il reste donc plus de questions que de réponses à la forme que pourrait prendre l’armée de maintien de la paix des alliés du nord.

Certains pays néanmoins n’ont pas fermé la porte à cette possibilité. Selon Bloomberg, l’Otan a demandé à l’Allemagne de fournir jusqu’à sept brigades de combat à l’alliance d’ici la prochaine décennie. La demande n’a pas encore été approuvée par le gouvernement, mais le ministre de la Défense Boris Pistorius a d’ores et déjà annoncé booster prochainement les troupes allemandes de près de 60 000 soldats actifs, à l’aune des demandes de l’Otan.

D’autres nations, comme l’Italie, ont catégoriquement rejeté toute implication dans ce projet. À la sortie du sommet virtuel consacré à la question du soutien militaire de l’Europe à l’Ukraine — et adressant spécifiquement la question de la création d’un contingent militaire de l’Otan — qui a réuni 30 dirigeants le 15 mars dernier, Giorgia Meloni a affirmé que l’Italie n’a pas l’intention de participer à une force de maintien de la paix sur le terrain en Ukraine.

Au Kremlin, cette confirmation d’un projet de déploiement de troupes occidentales en Ukraine est très mal reçue.

Le Kremlin a jugé vendredi que tout déploiement d'une force européenne en Ukraine était inacceptable, au lendemain de propos du président français Emmanuel Macron évoquant un potentiel déploiement d'une telle force en cas de cessez-le-feu. « La présence d'un contingent étranger près de nos frontières est inacceptable », a déclaré aux journalistes le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, dénonçant le militarisme antirusse des dirigeants européens.

La Russie voit la France comme son principal adversaire en Europe, selon le chef d’état-major français

Lors d’une conférence de presse exceptionnelle ce vendredi, le chef d’état-major des armées françaises, Thierry Burkhard, a révélé les intentions de la Russie à l’égard de la France. Une déclaration qui survient dans un contexte de tensions croissantes entre Paris et Moscou, sur fond de guerre en Ukraine.

La Russie considère désormais la France comme son « principal adversaire en Europe » selon lui. « C’est (Vladimir) Poutine qui a dit » que la France était sa cible prioritaire sur le continent, a insisté le général Burkhard lors d’une conférence de presse consacrée aux menaces qui pèsent sur la sécurité nationale ce vendredi 11 juillet. « Cela ne veut pas dire qu’il ne s’occupe pas des autres pays », a-t-il toutefois rappelé.

La France, puissance nucléaire protégée par sa dissuasion, ne fait pas l’objet d’une menace directe d’attaque « lourde » sur son territoire, a assuré le militaire. Mais Moscou disposerait d’« autres options », parmi lesquelles des actions hybrides : désinformation, cyber-attaques, actes d’espionnage, mais aussi opérations spatiales hostiles.

Il a également mentionné la présence de « sous-marins nucléaires d’attaque russes» en Atlantique Nord et en Méditerranée, cherchant à surveiller les zones sensibles pour Paris comme pour Londres. Dans les airs, enfin, les contacts entre appareils russes et français seraient « fréquents », y compris « au-dessus de la Syrie », « en mer Noire », « en Méditerranée » ou « assez loin en Atlantique Nord ».

Les relations entre Paris et Moscou se sont considérablement dégradées depuis le début de l’opération militaire russe en Ukraine en février 2022. Ces derniers mois, la Russie a été accusée à plusieurs reprises de mener des opérations de déstabilisation et de désinformation en France, tandis que Paris s’est vu reprocher son soutien militaire constant à Kiev. Peu après le déclenchement du conflit, la France avait expulsé 41 diplomates russes, accusés de mener des activités d’espionnage sous couverture diplomatique. En représailles, Moscou avait expulsé 34 diplomates français.

Fin février, Emmanuel Macron s'était interrogé d’un ton grave : « Qui peut croire que la Russie s’arrêtera à l’Ukraine ? » À la veille d’un Conseil européen extraordinaire à Bruxelles consacré au soutien à Kiev, le chef de l'État avait qualifié Moscou de « menace pour la France et l’Europe ».

Les dirigeants allemands, britanniques et français ont «oublié les leçons de l'Histoire»

Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a fustigé ce vendredi 11 juillet les « dernières déclarations et actions » de plusieurs chancelleries européennes, estimant que nombre de dirigeants de pays occidentaux avaient « oublié les leçons de l'histoire » et tenteraient de « soulever l'Europe » en vue d'un conflit contre la Russie.

« Les dernières déclarations et actions de Berlin, de Paris et de Londres montrent que la classe politique actuelle, qui est arrivée au pouvoir dans ces pays et dans un certain nombre d'autres, a oublié les leçons de l'Histoire, a oublié les conclusions que toute l'humanité en a tirées, et tente dans l’ensemble de soulever à nouveau l'Europe pour une guerre contre la Russie », a déclaré ce 11 juillet Sergueï Lavrov, commentant des propos du chancelier allemand Friedrich Merz.

« Monsieur Merz est un apologiste farouche de la confrontation en tout avec la Russie et de la mobilisation agressive de l'Europe », a pour sa part souligné Dmitri Peskov auprès de l’agence TASS. « Les Européens discutent de diverses options de soutien financier à l'Ukraine afin de l'encourager à poursuivre la guerre à tout prix. Ce que nous appelons une guerre jusqu'au dernier Ukrainien », a par ailleurs déclaré le porte-parole du Kremlin.

Selon les chiffres du think tank allemand Kiel Institute, Berlin a alloué entre fin janvier 2022 et fin avril 2025 près de 15,92 milliards d’euros d’aides à l’Ukraine, dont 11,27 au titre du seul volet militaire, faisant de l’Allemagne le troisième soutien de Kiev derrière les États-Unis et le Royaume-Uni (hors Commission et Conseil européens). Avec 7,36 milliards d’euros d’aides bilatérales, la France arrive quant à elle en 9e position de ce classement – toutes aides confondues et toujours hors institutions européennes – entre la Suède et la Pologne.

En conclusion, après le revirement américain dans le soutien à l’Ukraine, le président français est accusé de dramatiser volontairement la situation géopolitique pour redorer son blason auprès des Français et renforcer le projet fédéraliste européen.

Selon les observateurs, en prenant la tête de la horde belliciste, Emmanuel Macron ne sauve pas l’honneur du camp occidental mais tente de sauver les meubles de son double quinquennat désastreux – ou comment faire oublier les problèmes majeurs auxquels sont confrontés les Français, problèmes liés à la désindustrialisation, à l’écologisme, à la submersion migratoire, à l’insécurité, au narcotrafic, à l’endettement massif, à l’effondrement des services publics, etc…

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SOURCE: FRENCH PRESS TV