L’Arabie saoudite a arrêté huit personnes, dont deux personnes avec la double nationalité américaine et saoudienne, dans le cadre d’une nouvelle série d’arrestations dans le royaume ciblant les personnes favorables aux droits des femmes et celles ayant des liens avec des militantes emprisonnées, a déclaré vendredi une personne au courant de cette répression à la chaîne américaine CNN.
Il s’agit de la première série d’arrestations visant des personnes considérées comme des critiques du prince héritier Mohammed ben Salmane depuis l’assassinat du journaliste dissident Jamal Khashoggi au consulat d’Arabie saoudite à Istanbul en octobre. Ces arrestations ont lieu malgré le tollé général qu’a suscité le meurtre macabre de Khashoggi, perpétré par des agents saoudiens dans le cadre d’une opération dirigée par d’anciens conseillers du prince héritier.
Les personnes, qui ont presque toutes été arrêtées jeudi, ne sont pas considérées comme des activistes de premier plan. Ce sont des écrivains, des médecins et des défenseurs des droits de l’homme de tout poil, qui ont discrètement soutenu de grandes réformes sociales. La plupart avaient des liens avec le groupe de militantes des droits des femmes actuellement devant la justice.
Salah Haidar, citoyen américain et saoudien et fils de la célèbre militante des droits des femmes Aziza al-Yousef, était l’une des personnes arrêtées. Yousef a été libérée temporairement d’une prison de Riyad le mois dernier et est en procès avec 10 autres défenseurs des droits des femmes.
Aziza al-Yousef est une éminente militante des droits des femmes qui a passé près d’un an derrière les barreaux. Haidar a été arrêté le 4 avril, environ deux semaines après la libération provisoire de sa mère.
L’écrivain et médecin Bader al-Ibrahim, un autre citoyen saoudien et américain, a également été arrêté dans le cadre de cette nouvelle vague de répression.
L’organisation de défense des droits de l’homme ALQST au Royaume-Uni a annoncé que sept activistes avaient été arrêtés jeudi en publiant leurs noms.
Selon des sources, les sept détenus sont des écrivains et des usagers des médias sociaux liés à la famille de Yousef ou amis avec Haidar. Ils ont pris part à des discussions publiques sur les réformes et ont publiquement approuvé la reconnaissance de droits supplémentaires aux femmes, comme celui de conduire.
Deux des activistes arrêtés jeudi sont le couple saoudien composé de Thumar al-Mazouqi et de Khadijah al-Harbi. Harbi, qui a écrit et fait campagne pour les droits des femmes, est en fin de grossesse. Elle et son mari Thumar al-Mazouqi ont soutenu les militantes des droits des femmes arrêtées et actuellement en procès.
L’Arabie saoudite a procédé à une série de mesures de répression contre les dissidents depuis que Mohammed ben Salmane a été élu prince héritier en juin 2017. Les vagues d’arrestations lancées par ce dernier ont visé des religieux, des universitaires et des défenseurs des droits de l’homme.
En mai et juin 2018, plusieurs militantes des droits des femmes ont été placées en détention à la suite d’une série d’arrestations largement critiquées par la communauté internationale, notamment par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies.
Selon le Guardian, un rapport sur les arrestations a récemment été publié à la demande du roi saoudien Salmane ben Abdelaziz, dont une copie a été portée à l’attention du journal. Le rapport, préparé à l’intention du roi Salmane en personne, confirmerait l’existence de tortures et d’enlèvements de militants détenus dans les prisons saoudiennes.
Le célèbre blogueur saoudien Mujtahid vient quant à lui d’écrire à ce sujet que Ben Salmane tente de mettre ces tortures sur le dos de l’appareil sécuritaire du pays.
« Mohammed ben Salmane envisage de sacrifier une grande figure de l’appareil de sécurité nationale (un certain AH). Il va donc forcer cette personne à endosser la responsabilité des tortures et mauvais traitements infligés aux prisonniers, en particulier ceux infligés aux femmes. Ensuite, il va se débarrasser de cette personne, qui fait partie de la famille de Mohammed ben Nayef, de l’allégeance duquel Ben Salmane doute encore. Ainsi, il aura atteint un double objectif », a-t-il écrit sur Twitter.
Ben Salmane aurait mis en place aussi un comité médical chargé d’examiner un certain nombre de prisonniers et de publier un rapport ; action dont il a fait part à beaucoup de journaux et d’organisations de défense des droits de l’homme occidentaux.
Il a également chargé un second comité de mettre sur le dos de « AH » et d’autres individus devenues persona non grata à ses yeux, les mauvais traitements infligés aux prisonniers.
On voit d’ici qu’une fois le travail des deux comités accompli, des prisonniers seront libérés et certains même grassement dédommagés si tant que l’on puisse réparer financièrement des tortures physiques et morales.