Huit ans après le début d’une enquête tentaculaire, le géant français du ciment Lafarge comparaît à partir de ce mardi 4 novembre devant le tribunal correctionnel de Paris. L’entreprise est accusée d’avoir financé des organisations terroristes afin de maintenir ses activités en Syrie entre 2013 et 2014.
Le procès du cimentier français Lafarge accusé de « financement du terrorisme » et « non-respect de sanctions internationales » en Syrie, s’ouvre ce mardi 4 novembre à Paris et doit durer jusqu’au 16 décembre.
Le géant du ciment comparaîtra en tant que personne morale aux côtés de huit autres accusés, dont quatre de ses anciens dirigeants, deux anciens gestionnaires de la sûreté de l’usine Lafarge en Syrie, et deux intermédiaires.
L’affaire, qui a éclaté en 2016 après que le journal Le Monde a révélé l’existence de financements versés par Lafarge à des groupes terroristes pour maintenir ses activités en Syrie en pleine guerre, a été portée en justice par deux ONG, dont Sherpa et ECCHR (Centre européen pour les droits constitutionnels et humains), qui se sont constituées parties civiles, ainsi que onze anciens salariés syriens.
Au terme d’une instruction qui a duré huit ans, le cimentier et les huit autres prévenus ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel de Paris dans le cadre d’un procès très attendu.
Dans le détail, Lafarge est accusé de faits d’une particulière gravité. Alors que la Syrie était à feu et à sang, un accord a été passé de 2013 à 2014 entre Lafarge et des organisations terroristes dont Daech pour permettre au fabricant de ciment de se maintenir en Syrie et poursuivre ses activités économiques malgré une situation sécuritaire désastreuse.
Le Monde avait révélé dès 2016 l’existence de cet accord, qui violait l’embargo international en vigueur contre la Syrie et dont le montant était initialement estimé à treize millions d’euros. Sherpa et l’ECCHR se sont alors saisis de l’affaire et ont déposé une plainte fondée sur plusieurs chefs d’accusation.
Des documents révélés par Anadolu en septembre 2021 montrent par ailleurs que le groupe Lafarge, a régulièrement informé les services de renseignements français, des arrangements conclus avec trois groupes terroristes pour obtenir le maintien de ses activités en Syrie.
Par ailleurs, ces échanges ainsi que divers procès-verbaux d’audition démontrent que les services français ont utilisé la position de Lafarge pour obtenir des renseignements sur les activités de Daech, sans jamais avertir le cimentier des risques juridiques et des qualifications pénales potentielles liées à ses agissements.
Face à la justice américaine, Lafarge a été condamné à une amende de 778 millions de dollars en octobre 2022 dans le cadre d’une procédure de reconnaissance de culpabilité pour son soutien aux groupes terroristes en Syrie.