Par Hoda Yaq
Le 28 février 2025, Mahdieh Esfandiari, universitaire iranienne vivant en France, a été interpellée par les autorités françaises.
Selon ses amis et sa famille, sa maison a été fouillée de fond en comble par les forces de sécurité, tournant ainsi la situation à ce qui ressemble étrangement à un enlèvement.
Pendant les deux jours qui ont suivi son arrestation, aucune information sur le lieu où elle se trouvait n’a été divulguée. Ce n’est qu’après de nombreuses démarches que ses proches ont appris qu’elle avait été placée en garde à vue. Puis elle a été transférée à la prison de Fresnes, située à 470 kilomètres de Paris. Cette distance considérable a rendu extrêmement difficile pour sa famille et ses amis de poursuivre son affaire ou de lui apporter une quelconque forme de soutien.
Linguiste diplômée de l’Université Lumière, elle vit à Lyon depuis huit ans. Elle est professeure, traductrice et interprète à l’Université Lumière.
Son cas a été comparé à celui de Bashir Biazar, compositeur et documentariste iranien, arrêté à Paris l’an dernier et transféré à Metz, à plus de 300 kilomètres de la capitale. Son crime : quelques publications critiques envers Israël sur les réseaux sociaux.
Dès lors, une question s’impose : pourquoi le gouvernement français semble-t-il si déterminé à maintenir ces détenus dans un isolement presque total, loin de leurs familles et hors de portée des médias ? Pourquoi ces arrestations sont-elles si secrètes ?
Pendant les cinq semaines qui ont suivi l’arrestation d’Esfandiari, son sort est resté dans l’ombre. Ce n’est que lorsque le magazine français Le Point a fait état de son arrestation que les autorités françaises ont été contraintes de la reconnaître.
Aucune information officielle n’a été communiquée concernant les faits présumés qui lui sont reprochés ni sur l’évolution de son dossier. Cependant, certains médias français rapportent que le parquet de Paris avait inculpé l’universitaire iranienne pour « apologie du terrorisme », en se fondant sur des publications critiques envers le régime israélien diffusées sur les réseaux sociaux.
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D’autres chefs d’accusation auraient été retenus contre elle, notamment « provocation en ligne au terrorisme », « offenses fondées sur l’origine ou la religion », et « refus de fournir les codes d’accès à ses comptes de réseaux sociaux ».
À ce jour, Esfandiari n’a pas reçu le moindre appel téléphonique de sa famille depuis près de deux mois, et personne ne dispose d’informations claires sur son sort ou sur les charges qui pèsent contre elle.
Malgré les tentatives répétées des autorités iraniennes et de sa famille pour établir un contact avec elle, le gouvernement français a rejeté toutes les demandes de visites consulaires, ainsi que toute forme de communication minimale, comme un simple appel téléphonique.
Cette absence de transparence suscite de vives inquiétudes concernant son bien-être.
Il convient de noter ici que le gouvernement français a adopté une position ferme contre certaines expressions, les qualifiant d’antisémites, tout en défendant, sous la bannière de la liberté d’expression, des publications controversées comme Charlie Hebdo.
Par exemple, lorsque Charlie Hebdo a publié des caricatures satiriques du Prophète de l’islam le très vénéré Mohammad (que le salut de Dieu soit sur lui et sur ses descendants), le gouvernement a défendu cette démarche comme un exercice de la liberté d’expression, malgré le traumatisme profond qu’elle a causé à des milliards de musulmans à travers le monde.
Un tel comportement contradictoire de la part du gouvernement français suggère une approche sélective de la liberté d’expression – une approche qui semble défaillir lorsqu’il s’agit de défendre les droits humains ou de soutenir les enfants opprimés et massacrés de Palestine.
Sur le même volet, Shahin Hazamy, un journaliste indépendant basé en France et qui suivait de près l’affaire Esfandiari, a lui-même été violemment interpellé par les autorités françaises le 22 avril 2025.
Hazamy aurait été enlevé devant sa famille, à son domicile à Paris. Bien que la raison exacte de son arrestation demeure floue, le gouvernement français a employé l’étiquette de soutien au terrorisme pour justifier ces arrestations agressives des partisans de la Palestine.
Il aurait été relâché jeudi, mais la procédure judiciaire se poursuit.
Hazamy, tout comme Esfandiari et Biazar, s’est exprimé ouvertement contre la guerre génocidaire israélo-américaine à Gaza, prenant fermement position en soutien à la Résistance. Les arrestations de Biazar, Esfandiari et Hazamy mettent en lumière les contradictions flagrantes dans les actions du gouvernement français et remettant indéniablement en question leur statut de défenseurs des droits de l’homme et de la liberté d’expression ou de violateurs éhontés de ces mêmes droits.
L’expérience montre que la liberté d’expression n’est protégée que lorsqu’elle s’aligne sur les discours politiques. Dans le cas contraire, le moindre geste de soutien à la Palestine ou toute déclaration sur les droits humains peut entraîner les conséquences juridiques les plus graves – et un destin incertain et silencieux qui se déroule derrière les murs des prisons et le black-out médiatique.
Hoda Yaq est une écrivaine et militante des droits de l’homme basée à Téhéran.
(Le point de vue exposé dans le présent article ne reflète pas nécessairement celui de Press TV.)