Les titres de la rédaction :
État-major des armées en Guinée : des officiers promus à des postes de responsabilité
23 000 navires ont transité par le canal de Suez en 2022
Le Zimbabwe réalise l’autosuffisance en blé grâce à une récolte record en 2021/2022
Les analyses de la rédaction :
1. Mali-Abidjan : un rapprochement en vue ?
La libération des soldats ivoiriens détenus au Mali depuis juillet dernier serait-elle en voie de résolution ? En déplacement jeudi 22 décembre à Bamako, une délégation ivoirienne conduite par Bréhima Téné Ouattara, ministre de la Défense et frère du président Alassane Ouattara, a été reçue en audience par le président de la transition malienne, le Colonel Assimi Goïta. La rencontre a été sanctionnée par la signature d’un mémorandum visant à « promouvoir la paix » et à renforcer « les relations d’amitié, fraternité et de bon voisinage entre les deux pays », indique la présidence malienne.
Il s’agit, selon le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop d’aller ensemble vers « une dynamique positive de surmonter » le conflit né de l’arrestation en juillet dernier de 49 soldats ivoiriens inculpés pour « tentative d’atteinte à la sûreté de l’État » par le Procureur général au tribunal de grande instance de la Commune VI Bamako. Accusation réfutée par Abidjan, précisant que les militaires en question appartiennent à l’effectif de l’armée et se sont rendus au Mali dans le cadre d’une mission onusienne. À ce moment-là, il est tout de même important de rappeler que l’ONU avait également nié l’existence de l’envoi de militaires ivoiriens dans le cadre de la mission onusienne.
En septembre, la médiation togolaise avait obtenu la libération des trois femmes du groupe. Mais aussitôt après, le chef de l’État malien qui recevait le ministre nigérian des Affaires étrangères, avait exigé l’extradition de personnalités maliennes en exil en Côte d’Ivoire en contrepartie de la libération des 46 militaires ivoiriens. Abidjan a réagi, qualifiant la demande de Bamako de « chantage » avant de décider d’impliquer la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) dans la recherche de solution à cette crise diplomatique l’opposant à son voisin du nord.
En session extraordinaire à New-York, en marge de la 77e Assemblée générale des Nations-Unies, l’institution sous-régionale, sous l’impulsion de son président en exercice, Umaro Sissoco Embalo, a exigé la libération des militaires ivoiriens. À cet effet, une délégation de « haut niveau » s’est rendue à Bamako fin septembre pour rencontrer le président de la Transition malienne.
Ce voyage de quelques heures n’a vraisemblablement pas donné les résultats espérés par Abidjan et ses alliés, d’où la nouvelle demande de libération formulée par les dirigeants ouest-africains à l’occasion du 62e sommet ordinaire, tenu le 4 décembre dernier à Abuja, au Nigeria, sous peine de nouvelles sanctions. La semaine qui a suivi, le ministre togolais des Affaires étrangères, Robert Dussey, a été dépêché à Bamako pour transmettre le message au colonel Goïta. Jeudi 22 décembre, M. Dussey a accompagné la délégation ivoirienne à Bamako. Alassane Ouattara voudrait se rapprocher de Bamako ou est-ce encore une manœuvre avec la France qui se trouve derrière pour préparer un nouveau coup de déstabilisation du Mali ?
Une chose est sûre, Bamako est devenu la cible des États occidentaux comme la France et les États-Unis, non seulement parce que le pays ne courbe plus l’échine face à l’Occident, mais en plus, il rallie d’autres pays à sa cause nationaliste comme la Guinée et le Burkina Faso. Quasiment encerclée par des dirigeants qui prônent la souveraineté et l’intégrité de leur pays, la Côte d’Ivoire serait-elle en phase de capitulation ?
2. RDC : le M23 de Kigali gagne du temps ?
Après les nombreuses mises en gardes des États occidentaux à l’encontre de Kigali et du M23, le groupe rebelle tente visiblement de gagner du temps, mais ne compte absolument pas lâcher l’est de la RDC. Un pseudo retrait aurait dû avoir lieu très récemment, mais cela ne s’est pas passé comme prévu.
L'armée de la République démocratique du Congo a qualifié samedi de « leurre » le retrait des rebelles du M23 d'une ville stratégique située près de Goma (est), affirmant que la rébellion renforçait ses positions ailleurs.
Les rebelles du groupe M23 ont conquis au cours des derniers mois de vastes pans du territoire du Nord-Kivu, province congolaise frontalière du Rwanda, progressant jusqu'à quelques dizaines de kilomètres de Goma.
« Le désengagement annoncé avec pompe » par les rebelles du M23 « soutenus par les Forces de défense du Rwanda est un leurre et une simple publicité pour distraire les Congolais et la communauté internationale », ont affirmé les forces armées dans un communiqué.
Sous la pression internationale, les rebelles ont pris part vendredi à une cérémonie en vue de remettre la ville de Kibumba à une force militaire régionale de la Communauté d'Afrique de l'Est (EAC, ou East African Community en anglais).
Un porte-parole de la rébellion a annoncé accepter de « céder ses positions de Kibumba à la responsabilité » de la force de l'EAC afin de faire un « geste de bonne volonté (...) au nom de la paix. »
Mais selon l'armée de la République démocratique du Congo, « toutes les unités désengagées de Kibumba, au lieu de regagner leurs positions initiales de Sabinyo (...) prennent une autre direction pour renforcer les positions de Tongo, de Kishishe et le Bambu » avec l'intention d'occuper le territoire à l'ouest de Goma.
L'armée a également évoqué des affrontements qui ont éclaté vendredi dans le parc national de Virunga entre les forces armées et les rebelles.
La RDC a accusé à de multiples reprises le Rwanda de soutenir le M23, des allégations rejetées par le pays voisin.
Un rapport d'experts indépendants travaillant pour le Conseil de sécurité de l'ONU, vu jeudi par l'AFP, évoque le soutien supposé du Rwanda au groupe M23.
Kigali a déployé des troupes pour combattre aux côtés des rebelles et leur a fourni des armes, des munitions et des uniformes, selon le rapport.
Plusieurs initiatives diplomatiques ont été lancées pour tenter d'apaiser les tensions.
Mais le revirement de situation est assez surprenant, tout de suite après le sommet États-Unis- Afrique qui a eu le 15 décembre.
Le 20 décembre dernier, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté une résolution qui retire la mention exigeant que les pays informent ses 15 membres, de toute vente d’armes ou aide militaire à la République démocratique du Congo (RDC).
En rappel, le pays de Félix Tshisekedi fait l’objet d’un embargo sur les armes depuis 2000, afin de faire face à l’étendue des violences qui ont pignon sur rue dans cet immense eldorado minier de l’Afrique centrale. Alors que toutes les demandes de Kinshasa pour lever les restrictions consécutives à cet embargo, s’étaient butées au refus des États-Unis et de l’Allemagne, les choses semblent aller très vite sous l’égide de la France qui, entre-temps, s’est saisie du dossier et a bénéficié, chose rare, du soutien de la Russie, de la Chine, et des États africains siégeront au Conseil de sécurité. Pourquoi le Conseil de sécurité de l’ONU a-t-il alors enfin décidé de lâcher du lest et pourquoi maintenant ? Sans nul doute parce que le contexte sécuritaire dans le Nord-Kivu, a pesé lourdement dans la décision des grandes puissances mondiales qui dominent le Conseil de sécurité et que leur silence devenait trop suspect.
En effet, il n’est un secret pour personne que depuis quelque temps déjà, les rebelles du M23 soutenus par le Rwanda, sèment le désordre dans l’Est du pays, troublant ainsi le sommeil des autorités congolaises et de la population. Le dernier déchaînement de violence orchestré par la rébellion et qui a ému toute la communauté internationale est le massacre, à l’aide de fusils et d’armes blanches, de 131 civils (102 hommes, 17 femmes et 12 enfants) dans les deux localités de Kishishe et Bambou. Ce ne serait absolument pas la première fois, mais le seuil de l’horreur a sans doute été franchi par ces événements et il était difficile pour la communauté internationale, de garder le mutisme sans être accusée de complicité avec les bandes armées. L’autre explication au revirement du Conseil de sécurité de l’ONU sur l’embargo sur les armes en RDC, est la pression de l’opinion publique interne de la RDC. L’on se souvient, en effet, que l’Eglise catholique avait mobilisé ses ouailles dans la rue dans des cortèges qui se sont ébranlés en direction des chancelleries occidentales et des représentations onusiennes dans le pays, pour dénoncer justement le mutisme des grandes puissances et des institutions internationales dans la tragédie qui se joue à l’est du pays. La pression interne était d’autant plus forte que les populations, lassées de l’inefficacité de la MONUSCO, ont fini par développer un puissant sentiment anti-onusien qui a contraint les Casques bleus à décamper de l’est de la RDC avec armes et bagages. Enfin, la dernière explication est la prise du dossier en main par Paris dont la position a fortement évolué sur l’implication de Kigali dans l’insécurité au Nord-Kivu. Il faudrait d’ailleurs se demander si l’implication de la France ne daterait pas plutôt du début de l’invasion des rebelles du M23 dans l’est du pays. Car en effet, il est important de rappeler un point essentiel, c’est que depuis le départ de Joseph Kabila et l’élection de Félix Tshisekedi à la présidence, la France bat des pieds et des mains pour se faire une place en RDC. Le rapprochement avec le Rwanda faisait d’ailleurs partie de ce plan. La présidence de la francophonie, la déclassification des dossiers concernant le génocide, etc. Ce rapprochement n’était évidemment pas anodin. Sinon, outre les nombreuses condamnations de la part de ces États occidentaux, pourquoi n’y a-t-il toujours pas de sanctions mises en place contre le Rwanda. On parle quand même d’un grand massacre de civils. N’est-ce pas important aux yeux des défenseurs des droits humains à travers le monde ?
Mais que l’on ne se leurre pas, Paris n’a pas fait un cadeau de Noël aux autorités congolaises. Les autorités françaises n’ont fait que défendre les intérêts de leur pays en choisissant de prendre une partie des marchés des armes dans le monde face à des USA à qui bénéficie la guerre en Ukraine.
Cela dit, quelles peuvent être les conséquences de cet allègement des restrictions sur les importations d’armes en RDC ? Logiquement, l’on est en mesure d’attendre que, mieux équipées en armements, les forces armées congolaises repassent à l’offensive et reprennent le dessus sur les rebelles du M23. Alors que ce qui arrangerait le mieux la France, les États-Unis et l’Allemagne, ça serait que les Autorités congolaises ne prennent pas nécessairement le dessus sur les rebelles du M23, mais plutôt, qu’elles ouvrent le dialogue avec ces rebelles. Étonnant, mais vrai. Partout dans le monde, le fait de combattre des groupes rebelles est quasi normal, sauf quand il s’agit de l’Afrique.
Car évidemment, qui dit levée partielle de l’embargo pour la RDC, dit également envoi d’armes encore plus lourd pour les rebelles du M23. Car en plus de ça, l’Angleterre compte renvoyer ses migrants au Rwanda, pour apporter plus d’effectifs pour les rebelles et l’armée rwandaise.
C’est donc véritablement un couteau à double tranchant que représente cet allègement sur les importations des armes en RDC. N’oublions tout de même pas que la levée de l’embargo bénéficiera particulièrement aux États occidentaux marchands d’armes. En d’autres termes, cela ne change rien pour eux. Tant qu’il y a une guerre, cela rapporte gros et quand il n’y a pas de guerre, ils ont l’art d’en créer une rapidement.
En attendant, quelles sont les décisions qui ont été prises lors de ce sommet USA-Afrique concernant la RDC et l’Afrique ? Quelles sont les propositions ou plutôt les pressions qui ont été placées sur Tshisekedi pour qu’il accepte que la France s’en mêle aux côtés des États-Unis ?
3. Afrique : la fin de la franco-folie !
Par Mikhail Gamandiy-Egorov
Pendant que les réseaux françafricains s’inquiètent de la montée en puissance de la Chine, de la Russie ou encore de la Turquie sur le continent africain, tout en maintenant une posture ouvertement arrogante vis-à-vis des Etats d’Afrique, les amis anglo-américains de Paris la surclassent dans la tranquillité, sans que l’élite hexagonale soit capable d’y faire quoi que ce soit.
Alors que l’Elysée et le Quai d’Orsay s’obstinent à maintenir une ligne d’approche ouvertement arrogante et néocoloniale vis-à-vis des pays africains, Paris continue de se mentir quant aux véritables raisons du rejet de sa politique par les populations africaines, mais également de plus en plus par des gouvernements qui écoutent les aspirations de leurs citoyens.
Le récent exemple en date: l’interdiction par les autorités du Mali avec effet immédiat de toutes les activités des ONG françaises. Le tout après une énième provocation hexagonale, et toujours sur un ton condescendant.
Ce que Paris semble largement oublier, c’est qu’au moment où il tente de sauver son fameux projet de la Francophonie, l’avenir de la langue française se trouve précisément en Afrique. Sachant que plus de la moitié des locuteurs francophones à l’échelle mondiale habitent justement le continent africain et selon une étude de l’Organisation internationale de la Francophonie – l’Afrique représentera vers 2050 environ 85% des francophones du monde.
Il est donc évident que le maintien d’une posture qui provoque un large rejet populaire n’est certainement pas l’approche la plus intelligente, mais tellement caractéristique de l’élite hexagonale contemporaine, axée complètement sur Washington.
En parlant justement de Washington, mais également de Londres, pendant que les pseudo-spécialistes hexagonaux dans la pure arrogance qui les caractérise, tentent de se moquer des projets linguistiques et culturels russes comme chinois sur le continent africain – les « fidèles » alliés anglo-américains poursuivent activement le déclassement du français en Afrique.
Et cela, également dans la pure tradition d’arrogance qui caractérise l’élite politico-médiatique hexagonale qui oublie d’indiquer que la Chine est dans le Top 4 mondial pour le nombre d’étudiants étrangers accueillis sur son territoire, de trois places devant la France. Tandis que la Russie accueille un nombre de facto similaire d’étudiants étrangers que l’Hexagone…
Dans tous les cas et au lieu de chercher à nouveau les raisons de ses échecs dans la faute des Africains, des Russes, Chinois ou Turcs – l’élite française ferait bien mieux à changer de stratégie et surtout de mentalité. Et peut-être parfois regarder un tant soit peu les actions de ses amis anglo-américains. Peut-être alors que les échecs répétés diminueront, mais ce ne sera certainement pas pour demain.
En attendant et alors que les sentiments hostiles à la politique hexagonale en Afrique aient atteint le summum, l’obstination de Paris à se considérer « supérieur » aux autres en perdant des positions économiques, culturelles et stratégiques à l’échelle internationale n’arrangeront en rien les choses. Et fort probablement beaucoup plus rapidement même que prévu.