Au cours du mois dernier, plusieurs manifestations d’envergure ont eu lieu à Gwadar, une ville portuaire pakistanaise, dominée par les Chinois et située à 90 kilomètres de la frontière avec l’Iran.
Gwadar a longtemps été le théâtre des manifestations intermittentes et des attaques contre des ressortissants et des cibles chinois. Les manifestations ont été dirigées par un religieux local, membre du plus ancien parti politique islamique du Pakistan, Jamaat-e-Islami.
De plus, la rupture du cessez-le-feu entre le gouvernement pakistanais et Tehrik-i-Taliban Pakistan (TTP), mieux connu sous le nom de talibans pakistanais, fait planer le spectre non seulement des nationalistes baloutches, mais aussi des militants religieux pakistanais qui pourraient prendre pour cible davantage les intérêts chinois.
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En août, une attaque contre un bus qui transportait des ouvriers chinois dans le nord du Pakistan aurait été perpétrée par le TTP bien qu’il n’en ait pas revendiqué la responsabilité. Treize personnes ont été tuées, dont neuf ressortissants chinois. L’attaque s’est produite avant la conclusion d’un cessez-le-feu entre le TTP et le Pakistan.
Située au sommet de la mer d’Oman, Gwadar est au cœur du corridor économique Chine-Pakistan (CPEC), censé relier le Xinjiang à l’Indo-Pacifique et permettre à la République populaire de contourner le détroit de Malacca qui regorge de géopolitique, risque de rivalité entre grandes puissances.
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Avec un investissement entre 45 et 60 milliards de dollars, le CPEC, impliquant des projets d’infrastructure, d’énergie et de télécommunications, est le plus grand projet de la Chine le long de la nouvelle route de la soie.
Le mois dernier, des manifestations ont éclaté alors que les projets liés au CPEC semblaient ralentir et que des divergences ont commencé à apparaître concernant ce projet entre les gouvernements pakistanais et chinois. Dans le même temps, les questions sont soulevées à Pékin sur la viabilité du corridor.
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La population majoritairement baloutche de Gwadar a longtemps estimé qu’elle n’avait aucun intérêt dans le développement de la ville. Les pêcheurs, pilier de l’économie traditionnelle de la ville, ont été chassés de leurs eaux de pêche traditionnelle et remplacés par des chalutiers, dont certains appartiendraient à des Chinois.
Les habitants se sentent humiliés par les multiples points de contrôle et de sécurité auxquels ils doivent à plusieurs reprises s’identifier et s’enregistrer. Les points de contrôle ont été érigés pour protéger le port, les ressortissants et les actifs chinois et les responsables pakistanais. En outre, beaucoup craignent d’être encore plus marginalisés avec un afflux d’étrangers.
Pendant ce temps, le développement chinois a créé peu d’emplois locaux et n’a rien fait pour diversifier l’économie loin de la pêche, de la contrebande de diesel et du trafic de drogue. Les investissements chinois n’ont pas non plus contribué à améliorer les services dans une région où l’eau potable est rare.
À travers les manifestations, les habitants de Gwadar exigent la fin des contrôles de sécurité, la restriction de pêche par les chalutiers et l’amélioration des services.