« La Chine pourrait poser un plus grand défi à l’hégémonie américaine au Moyen-Orient que la Russie », a déclaré Frank McKenzie.
Le haut commandant militaire des États-Unis pour les opérations en Asie de l’Ouest a déclaré que l’influence économique de la Chine dans cette région pourrait un jour représenter un défi plus important pour les intérêts stratégiques américains que la Russie, même si le Kremlin cherche une présence militaire plus large en Syrie et en Libye.
« Je m’inquiète beaucoup pour la Chine parce que c’est l’une de mes tâches principales », a déclaré mercredi 10 juin le chef du commandement central américain (CENTCOM), Frank McKenzie, lors d’une réunion du centre de réflexion Middle East Institute (MEI), dont le siège est à Washington.
« La Russie n’a pas les ressources économiques pour entrer dans la région comme la Chine », a déclaré McKenzie, en qualifiant les interventions du Kremlin en Syrie et en Libye d’« opportunistes ».
« Je ne fais pas partie de ces gens qui pensent que les Russes sont des maîtres des échecs et voient quatre, cinq, six pas en avant », a déclaré McKenzie.
McKenzie a exhorté les États-Unis à « faire face » aux interventions économiques croissantes de la Chine en Asie de l’Ouest ; sinon, « d’autres choses les suivront avec le temps ».
Pourquoi la Chine préoccupe-t-elle les États-Unis ?
L’envoi par l’Iran de cinq navires-citernes, chargés de carburant, au Venezuela est un signe flagrant de l’inefficacité des sanctions des États-Unis. Mais cela n’en reste pas là. Cette mission couronnée de victoire ressemble à un « pont d’or » stratégique qui ne profite pas seulement aux relations irano-vénézuéliennes.
Ce « pont d’or » assure, en effet, une importante liaison entre l’Océan indien et l’Amérique latine. D’où la tendance très croissante de la Chine et de l’Inde d’utiliser ce pont pour se connecter à l’ancienne arrière-cour des États-Unis.
La Chine, le grand rival des États-Unis sur les plans économique et politique et l’important allié de l’Iran et du Venezuela, s’intéresse beaucoup à ce corridor maritime est-ouest. Il existe des preuves montrant qu’elle en est même l’un des architectes.
Audacieux, l’Iran s’est lancé, le mois dernier, dans ce corridor est-ouest pour y mettre sur pied son propre pont d’or. D’autre part, il est fort probable que l’Iran décide d’élargir ce corridor vers l’Est, c’est-à-dire vers les côtes de la Chine, afin de vendre son pétrole, son gaz et ses produits pétrochimiques au marché de l’Asie du Sud-est.
Là, il est important de mettre en exergue le rôle majeur de la Chine pour contourner les sanctions des États-Unis.
Dans la foulée, Samir Madani, cofondateur du site web Tanker Trackers, a déclaré, 12 juin : « Au cours de l’année écoulée, la Chine a rapporté qu’elle achetait beaucoup moins de pétrole vénézuélien et iranien, mais nous pouvons voir comment le système fonctionne. Le pétrole vénézuélien arrive après les transferts STS [le transfert de navire à navire, le terme anglais “ship to ship transfert”, NDLR] dans le détroit de Malacca et il est finalement importé en tant que pétrole malaisien. Il semble que les graphiques pour [les importations chinoises de] pétrole vénézuélien et iranien soient en baisse et que le graphique pour le pétrole malaisien monte en flèche de nulle part comme si la Malaisie expédiait plus de pétrole vers la Chine qu’elle produit chez elle. Nous pouvons voir le brut vénézuélien arriver par transfert STS - c’est très transparent, mais les navires iraniens désactivent leurs transpondeurs ».
Mais les efforts de la Chine de devancer son rival américain n’en restent pas là, puisqu’elle est en train de créer un hub d’hydrocarbure dans l’est et le sud-est de l’Asie pour contourner les sanctions pétrolières des États-Unis.
En réalité, l’hégémonie militaire en déclin des États-Unis n’est pas la seule raison qui les a empêchés de barrer la route aux cinq pétroliers iraniens qui ont traversé le corridor est-ouest pour contourner les sanctions américaines. L’autre raison est que les Américains craignent des mesures de rétorsion de l’Iran ou du Venezuela visant leurs pétroliers et pipelines. Bref, les États-Unis ne sont pas en mesure d’entraver un marché dont les membres partagent les mêmes intérêts.