Le procureur adjoint de la Cour pénale internationale a vivement critiqué vendredi les sanctions américaines, affirmant qu’elles assimilaient de facto les hauts responsables de la juridiction à des « terroristes et des trafiquants de drogue ».
Dans un long entretien accordé à l'AFP, Mame Mandiaye Niang a également déclaré qu'il serait « envisageable » d'organiser une audience par contumace contre des personnalités visées par la CPI, comme le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.
Mame Mandiaye Niang, visé comme d'autres hauts magistrats de la cour de la Haye, par des sanctions de l'administration du président américain Donald Trump, en représailles aux mandats d'arrêt émis contre Netanyahu et l'ex-ministre israélien de la Guerre Yoav Gallant, dans le cadre de la guerre génocidaire à Gaza, a dénoncé l’administration Trump, déclarant : « On peut ne pas être d’accord avec ce qu’on fait, et ça arrive tout le temps. Mais même si on contrarie, on ne devrait jamais nous mettre sur la même liste que des terroristes ou des trafiquants de drogue. Et c’est le message à M. Trump. »
Le 21 novembre 2024, après avoir enquêté sur des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, la CPI a émis des mandats d'arrêt contre Netanyahu et Gallant pour avoir utilisé la famine comme méthode de guerre, et pour avoir commis d'autres crimes contre l'humanité, dont le meurtre et la persécution pendant le génocide à Gaza.
Les sanctions ont leur place dans les relations internationales, estime-t-il, mais s'attaquer à la CPI – la seule juridiction permanente au monde pour juger les suspects de crimes de guerre – risque de « délégitimer » cet instrument.
M. Niang déplore que les mandats d’arrêt émis contre Netanyahu et Gallant n’aient pas encore abouti à une comparution devant la cour. La CPI ne dispose pas de force de police et dépend des États pour arrêter les suspects et les transférer à La Haye.
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M. Niang souligne aussi que la CPI a récemment tenu une audience par contumace contre le chef rebelle ougandais Joseph Kony.
D’habitude, la CPI ne tient pas d’audience en l’absence de l’accusé. Une telle audience de « confirmation des charges » pourrait avoir lieu pour les responsables israéliens. « C'est quelque chose d'envisageable. Nous l'avons testé dans l'affaire Kony », a déclaré M. Niang. Les avantages sont de préserver les preuves et de donner la parole aux victimes, explique le procureur. Toute demande d’une telle audience nécessiterait l’accord des juges et ne constituerait pas un procès, mais une simple confirmation des charges retenues contre le suspect.
Malgré les pressions exercées sur la Cour, Niang a affirmé que la CPI est prête à relever ces défis, déclarant : « À l'heure où notre existence est menacée, le monde a plus que jamais besoin de nous. »
« Des atrocités de masse sont commises quotidiennement, et la justice est prête à poursuivre les responsables », a souligné le juriste sénégalais.
« Le tribunal existe et nous aimerions qu'il ne soit pas nécessaire. Malheureusement, le monde est ce qu'il est et nous avons encore du travail à faire. »
Depuis le lancement par Israël de son offensive génocidaire contre Gaza le 7 octobre 2023, plus de 70 000 Palestiniens ont été tués et quelque 171 000 autres blessés, principalement des femmes et des enfants.