Nouveau scandale pour le géant de l’agroalimentaire Nestlé. Les produits pour enfant de Nestlé sont beaucoup plus sucrés en Afrique que sur les marchés occidentaux. Un an et demi après ses premières révélations sur les produits Nestlé pour bébés, l’ONG suisse Public Eye a effectué une nouvelle enquête sur les céréales infantiles Cerelac. Les résultats indiquent que la multinationale gave de sucre ses produits pour bébés destinés à l’Afrique.
L’an dernier, Public Eye a mis en lumière le double standard de Nestlé en matière de sucre dans les aliments pour bébés, suscitant une vague d’indignation à travers le monde. En Inde, où ce scandale a entraîné une chute du cours de son action, Nestlé a annoncé le lancement de 14 nouveaux produits Cerelac sans sucre ajouté. Une excellente nouvelle pour des dizaines de millions de bambins.
Mais cette volonté d’agir est-elle sélective ? Des analyses menées par l’ONG suisse Public Eye sur une centaine de céréales pour enfants du géant de l’agroalimentaire Nestlé, vendues dans vingt pays africains, et dont les résultats ont été publiés ce 18 novembre, ont révélé que plus de 90 % des produits de la marque Cerelac destinés aux bébés âgés de six mois et plus en Afrique ont une teneur élevée en sucre. Selon les résultats de l’enquête, la teneur moyenne en sucre est de 5,5 grammes par portion, soit l’équivalent d’un carré et demi de sucre, explique l’organisation. Ce taux est de 50 % plus élevé que la moyenne détectée lors d’une première investigation effectuée en avril 2024, portant principalement sur les produits vendus en Asie et en Amérique latine.
La première entreprise d’agroalimentaire dans le monde, selon Forbes, a affirmé que les taux de tous les types de sucres ajoutés dans ses céréales pour nourrissons étaient bien inférieurs à ceux fixés par l'organisme international de normalisation alimentaire, le Codex Alimentarius.
« Il est trompeur et scientifiquement inexact de qualifier les sucres provenant des céréales et naturellement présents dans les fruits de sucres raffinés ajoutés aux produits », a déclaré un porte-parole de Nestlé, qui a ajouté : « Si nous excluons les sucres provenant d'ingrédients tels que le lait, les céréales et les fruits, nos céréales pour nourrissons Cerelac ne contiennent pas les niveaux de sucres raffinés ajoutés mentionnés dans le rapport ».
Le Réseau international d'action pour l'alimentation infantile (IBFAN) et 19 organisations de la société civile de 13 pays africains, dont le Maroc, le Nigeria et l'Afrique du Sud, ont exhorté le directeur général de Nestlé, Philipp Navratil, dans une lettre ouverte ce 17 novembre, à mettre un terme à ce qu'ils qualifient de politique de deux poids deux mesures en matière de sucres ajoutés dans les aliments pour bébés vendus en Afrique.
« Tous les bébés ont le même droit à une alimentation saine – quelles que soient leur nationalité ou la couleur de leur peau », dénoncent les organisations africaines.
En avril 2024, Public Eye a rapporté que Nestlé ajoutait du sucre à ses aliments pour bébés vendus dans les pays à faible revenu, dont l’Inde, mais pas sur les marchés européens, ce qui a conduit à une enquête de l’autorité indienne de régulation alimentaire.
Le rapport de mardi réitère cette affirmation, en se concentrant sur l’Afrique.
L’OMS avertit depuis des décennies qu’une exposition précoce au sucre peut créer une préférence durable pour les aliments sucrés et représente un facteur de risque majeur d’obésité. Celle-ci progresse à un rythme alarmant sur le continent africain, provoquant une explosion du diabète, de l’hypertension et des maladies cardiovasculaires.
L’obésité infantile en Afrique est également une préoccupation croissante, le nombre d’enfants de moins de cinq ans en surpoids ayant presque doublé depuis 1990. La plupart des pays africains sont aujourd’hui confrontés à un « double fardeau » de malnutrition, où le retard de croissance, l’insuffisance pondérale et l’obésité coexistent.
L'obésité impose déjà des coûts importants aux systèmes de santé et à l'économie africains. Si les tendances actuelles se poursuivent, elle pourrait augmenter de plus de 250 % sur le continent africain d'ici 2050, avec un adulte sur deux qui serait en surpoids ou obèse.
Nestlé est bien consciente de ces risques, comme en témoignent les conseils qu’elle prodigue sur un site internet destiné aux parents en Afrique du Sud. « Les enfants peuvent s'habituer aux aliments sucrés », écrit Nestlé. « Une consommation élevée de sucre entraîne des risques à court et à long terme ». Elle conclut : « Il est donc préférable de limiter la consommation de tous les sucres ajoutés ».
Pourtant, Nestlé continue d’ajouter plus de sucre dans les produits pour nourrissons vendus en Afrique.