Deux étudiants, ainsi que le propriétaire d’une imprimerie au Maroc, ont été placés en garde à vue, accusés d’avoir affiché des « slogans provocateurs ».
Ce qui est faussement appelé slogan provocateur n’est en fait qu’un message prônant la cause palestinienne et les revendications sociales des manifestants du mouvement de jeunesse GenZ 212, simplement venu orner deux maillots de l’équipe nationale de football. Deux étudiants de l’université de Rabat ont en effet acquis deux maillots des Lions de l’Atlas samedi dernier et se sont ensuite rendus dans un magasin, où ils ont fait imprimer les phrases « Palestine libre » et « L’éducation et la santé sont un droit pour tous ».
Ils ont été appréhendés peu après sur une avenue bien connue de la capitale et placés en état d’arrestation, tout comme le propriétaire de l’imprimerie.
Les trois individus ont été présentés au parquet près le tribunal de première instance de Rabat et sont actuellement poursuivis en détention pour « diffusion de slogans incitatifs ».
Ces arrestations interviennent dans un contexte de situation volatile dans le royaume d’Afrique du Nord, secoué depuis près de deux semaines par d’importantes manifestations sociales menées par la GenZ 212, réclamant des réformes dans les secteurs de l’éducation et de la santé ainsi que la fin de la corruption et un pouvoir judiciaire indépendant.
GenZ 212 a déclaré que ses revendications restaient inchangées, citant la « responsabilité des corrompus » et la responsabilité du gouvernement dans la détérioration des conditions sociales et économiques.
Les jeunes manifestants critiquent particulièrement les ressources financières considérables allouées à la construction de stades de pointe pour la Coupe d’Afrique des Nations 2025 et la Coupe du monde 2030, en contraste avec le grave sous-financement auquel sont confrontés les systèmes locaux de santé et d’éducation.
Créé fin septembre, GenZ 212 a cultivé une présence en ligne substantielle, comptant plus de 200 000 membres sur la plateforme Discord.
Les autorités ont initialement interdit les rassemblements et ont arrêté des centaines de personnes. À Rabat, 179 personnes ont été libérées sous caution, tandis que six sont toujours en détention provisoire, selon l’Association marocaine des droits humains.
Malgré l’insistance du mouvement sur son caractère non violent, des affrontements ont eu lieu en périphérie des manifestations pendant deux nuits consécutives la semaine dernière, causant la mort de trois personnes, abattues par la police lors d’altercations près d’une base de gendarmerie. Un diplômé en cinéma, venu filmer les événements, figurait parmi les victimes.
Alors que les manifestations pro-palestiniennes sont généralement autorisées et que le Maroc publie fréquemment des déclarations soutenant la cause palestinienne, les militants pro-palestiniens ont condamné la répression croissante exercée par les autorités du pays au cours des deux dernières années, ce qui a donné lieu à de multiples arrestations.
En mars, une cour d’appel a confirmé la peine de six mois de prison avec sursis prononcée contre 13 membres du Front marocain de soutien à la Palestine et contre la normalisation, qui avaient été arrêtés alors qu’ils participaient à un sit-in pacifique devant un magasin Carrefour dans la ville de Salé.
En réaction à une demande urgente formulée par MENA Rights Group au nom de six personnes, des experts de l’ONU ont contacté le gouvernement marocain pour lui faire part de leurs préoccupations concernant les détentions, concluant que « les actions entreprises par les défenseurs des droits de l’homme… représentent des actes de désobéissance civile conformes au droit international des droits de l’homme ».
GenZ 212 a lancé un appel direct au roi Mohammed VI pour la mise en œuvre de réformes.
Dans un discours prononcé vendredi, le monarque a appelé le gouvernement à accélérer les progrès dans les domaines de l’éducation et de la santé, sans toutefois aborder explicitement les manifestations.
Il a déclaré que le Maroc « ouvrait une voie stable vers une plus grande justice sociale et territoriale » et a appelé à accorder une attention particulière aux régions les plus pauvres du pays.
