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Les analyses de la rédaction :
Une armée africaine pourrait régler les problèmes de terrorisme
Comme toujours, Cheikh Tidiane Gadio ne cesse de dénoncer l’émiettement des forces africaines pour faire face aux urgences liées à la prise en charge des questions sécuritaires. Lors des 10 ans du Cheds célébrés jeudi et vendredi, il est revenu sur les menaces sécuritaires qui pèsent sur l’Afrique de l’Ouest.
« Nous n’avons pas de souveraineté en Afrique », assure Cheikh Tidiane Gadio. Pour le directeur de l’Institut panafricain de stratégie, qui faisait hier une communication sur la sécurité collective lors du colloque scientifique célébrant le 10e anniversaire du Centre des hautes études pour la défense et la sécurité (Cheds), « l’Afrique est tombée dans le piège de la souveraineté depuis l’indépendance en 1960 ». Il s’explique : « Premièrement, elles ont été octroyées avec les indépendances. Deuxièmement, elles ont été encadrées par les grandes puissances coloniales et troisièmement nous avons joué ce jeu pour nous opposer entre Africains et non pour être ensemble entre Africains. » Selon l’ancien ministre des Affaires étrangères, ce qui se passe aujourd’hui au Burkina Faso en est la parfaite illustration. « C’est une catastrophe pour l’Afrique de l’Ouest que chaque jour on massacre 50, 30 Burkinabè, et que cela ne fasse apparemment mal à personne. Tout le monde prend note et la vie continue. Aujourd’hui, on nous dit qu’en 3 ans d’attaques djihadistes, il y a dix mille morts au Burkina Faso. Pourtant, quand il y a 20 morts à Paris, tout le monde s’y rend pour manifester son soutien. Nos chefs d’État y vont pour présenter leurs condoléances », dénonce le député. Avant de se demander ce « qu’attendent nos chefs d’État pour se rendre au Burkina Faso où il y a 10 000 morts ». Et ce « qu’attendent nos Armées nationales pour avoir une approche régionale de la crise et aller apporter leur concours au Burkina Faso ».
Toujours dans son interrogation, Cheikh Tidiane Gadio déplore le mutisme des intellectuels par rapport à tout ce qui se passe en Afrique de l’Ouest. « Où sont ces étudiants révolutionnaires panafricanistes ? Où sont ces intellectuels, ces hommes politiques qui nous parlent tout le temps de changement de lutte antiterroriste. Qu’est-ce qu’ils vont faire pour le Burkina ? C’est le silence total », se désole l’ancien journaliste, qui pense qu’il faut entrer dans ce genre de débat pour trouver des solutions aux problèmes de l’Afrique. Et pour ce faire, il faut changer de paradigme.
Zéro pays émergent en Afrique après 60 ans d’indépendance
« Le paradigme de développement de l’Afrique est un paradigme erroné qui a non seulement montré ses limites, mais aussi ses échecs. C’est un échec total. Car, après 60 ans d’indépendance, il y a zéro pays émergent. Aucun pays en Afrique n’a réglé les fondamentaux du développement. Et nos dirigeants persistent à vouloir utiliser les mêmes paradigmes et pensent qu’à force de répéter une erreur, un jour, elle va devenir la vérité. Ce n’est pas vrai. Il faut dire la vérité, on est dans l’impasse », dit-il en réitérant sa volonté de rompre avec ce paradigme.
« Depuis 10 ans d’attaques terroristes, l’Union africaine n’a pas tenu un sommet sur le terrorisme. » Même s’il reconnaît « qu’il y a eu de petites réunions par-ci par-là, mais pas un sommet de chefs d’État pour dire que le terrorisme a quitté le sud de l’Algérie, le nord du Mali et qu’aujourd’hui, il est au Mozambique », assure l’ancien chef de la diplomatie sénégalaise. Pour lui, l’Afrique de l’Ouest traverse une crise sécuritaire sans précédent. « Le Nigeria a connu 40 000 victimes du terrorisme », informe-t-il en se demandant si la vie des Africains intéresse les gens.
Dans son analyse, le député trouve aussi que les moyens humains ne sont pas réunis pour sortir l’Afrique de l’Ouest de cette situation. « Autre chose, il y a 4 millions de jeunes pour défendre l’espace Cedeao. Je donne toujours l’exemple de Cuba : 12 millions d’habitants pour 2 millions de soldats dont un million de réservistes, mais ce sont des soldats formés, prêts à prendre les armes pour défendre Cuba. Nous, en Afrique de l’Ouest, on est 400 millions, on est incapables de régler les problèmes du terrorisme.
Que faire ? « Je pense qu’on doit arrêter de bloquer la mutualisation, la volonté de travailler ensemble et d’être solidaires. Mais chacun brandit sa souveraineté nationale. Les djihadistes viennent les attaquer et massacrent les populations, et nous continuons de dire que nous sommes souverains. L’Afrique de l’Ouest ne peut pas contrôler un territoire comme le Mali, avec plus d’un million de km2, avec une armée de 40 000 hommes. Il faut qu’on soit ensemble. Une Armée ouest-africaine peut aller au Mali», conseille le directeur de l’Institut panafricain de stratégie.
La RDC fait appel à la Russie ?
Félix Tshisekedi a fait preuve de prudence en abordant la possibilité d’établir une relation stratégique avec la Russie. Lors d’un entretien avec sa porte-parole Tina Salama ce samedi, le chef de l’État a évoqué les aspects économiques et militaires.
"La Russie est un partenaire. Cependant, la Russie n’a pas l’habitude de faire beaucoup de commerce en Afrique. Ce n’est pas seulement le cas en République démocratique du Congo. Souvent, il s’agit de coopération militaire, mais nous avons déjà suffisamment d’alliés dans ce domaine. Si nous avions des besoins, nous nous serions également adressés à eux", a-t-il déclaré.
Par ailleurs, à la fin d’octobre 2022, l’ambassade russe en RDC avait révélé que la Fédération de Russie avait fait une livraison gratuite d’armes et de munitions à l’armée congolaise en 2021, d’un volume de plus de 160 tonnes.
Sur le plan économique, Félix Tshisekedi a également constaté la réticence des investisseurs russes envers le Congo : "Rappelez-vous, en 2019, je crois, nous avons participé au sommet Russie-Afrique. J’y ai rencontré de nombreux hommes d’affaires qui semblaient intéressés par la République démocratique du Congo dans plusieurs domaines. Mais je ne vais pas les forcer à aimer le Congo ou à venir au Congo. La porte du Congo est ouverte, du moins pour tous ceux qui souhaitent y faire des affaires prospères, à la fois pour eux et pour nos populations. Donc je n’ai pas de préférence."
Et d’ajouter : « Quant à parler d’alliance stratégique, je ne sais pas exactement ce que cela signifie, mais il n’y a pas d’alliance stratégique qui ne soit pas définie. Il y a plusieurs orientations que nous pourrions prendre. Donc, lorsque cette demande est faite, il faut aussi préciser pourquoi les gens voudraient que nous établissions cette alliance et comment elle serait réglementée ».
L’ambassadeur de la République démocratique du Congo (RDC) en Russie, Ivan Vangu Ngimbi, lors de l’exposition industrielle internationale Innoprom, qui se tient du 10 au 13 juillet 2023, a indiqué que son pays rejette le diktat des pays européens, rapporte l’agence de presse TASS.
« Nous ne voulons plus de diktat de la part des pays européens et nous voulons tester notre nouvelle doctrine. Cette doctrine de l’Afrique repose sur l’idée que nous sommes un continent ouvert. Nous choisissons avec qui nous voulons coopérer, et nous ne voulons pas qu’on nous dicte notre politique. Nous ne voulons pas travailler uniquement avec l’Occident », a déclaré l’ambassadeur, cité par TASS.
Il a précisé que la situation internationale est en train de changer et que les autorités du pays soutiennent l’idée d’un monde multipolaire du président russe Vladimir Poutine. La RDC est donc intéressée par la tenue du forum et du sommet Russie-Afrique.
« Je dois dire que ce sommet est très important pour nous parce que nous comptons sur le pragmatisme russe. Nous avons été nourris de beaux discours pendant très longtemps, pendant 60 ans, nous n’avons entendu que de beaux discours. Nous voulons passer à des actions concrètes », a ajouté l’ambassadeur.
Le deuxième sommet et forum économique Russie-Afrique est prévu les 27 et 28 juillet à Saint-Pétersbourg. Le premier événement s’est tenu du 22 au 24 octobre 2019 à Sotchi sous la devise "Pour la paix, la sécurité et le développement".
Mali : que veut encore la CEDEAO ?
Au Conseil de Sécurité de l’ONU, il est désormais acquis que la mission de maintien de la paix de cette organisation au Mali, la Minusma, se doit de quitter définitivement ce pays.
Si dans l’ensemble, les Maliens sont satisfaits de cette décision, nombre de leurs voisins qui jouent « les étrangers qui pleurent plus fort que la famille du défunt », sont inquiets et prédisent pour bientôt l’effondrement du Mali. Ce fut la même rengaine quand le Mali avait obtenu le départ des troupes françaises.
Dans l’imagerie de ces voisins inquiets, avec le départ des troupes françaises, puis celles de l’ONU, le champ sera ouvert aux rodéos motorisés des terroristes, jusqu’à leur arrivée à Bamako, signant ainsi la fin de l’aventure du gouvernement de transition du Mali.
Cette projection pessimiste se justifie-t-elle ? Rien n’est moins sûr !
D’autant plus que depuis le départ des troupes françaises, l’armée malienne n’a montré aucun signe d’essoufflement, encore moins d’affaiblissement. Tout au contraire, elle a toujours su donner des réponses appropriées aux attaques des terroristes.
Ces derniers jours, circule sur la toile, un document qui émanerait de la Cedeao, envisageant de donner une trajectoire nouvelle à la force de maintien de la paix de l’ONU, dont le départ vient d’être obtenu par le peuple et le gouvernement maliens.
Ce document invite sans fioritures les dirigeants de la Cedeao à prendre pratiquement le contrepied de la résolution 2690-2023 du 30 juin 2023 de l’ONU, relative au départ des troupes de cette organisation du sol malien. Il préconise de ce fait le maintien de la Minusma sur le sol malien, sous une autre forme et sous une autre appellation.
Pour les concepteurs de ce document, le retrait de la Minusma aura pour conséquences :
– l’effondrement potentiel de l’accord d’Alger et partant, la reprise de la guerre entre l’armée malienne, Wagner et les groupes armés signataires de l’accord d’Alger.
– l’exacerbation des conflits intercommunautaires
– l’aggravation des violations des droits de l’homme, le déplacement des populations, etc.
Au regard de ce qui précède, et surtout au regard des problèmes internes à la Russie, suite à la mutinerie avortée de Wagner, la Cedeao envisage des alternatives au cas où Wagner ne serait plus de la partie au Mali dans la lutte contre le terrorisme.
Pour ce faire, il est proposé l’intégration des contingents ouest-africains démobilisés de la Minusma dans une nouvelle force qui serait celle de la Cedeao au Mali, pour combler le vide que laisseraient la Minusma et l’éventuel départ de Wagner du Mali.
À y regarder de près, si cette proposition est adoptée, rien ne changera fondamentalement. La Minusma part, sans partir.
Et c’est à ce niveau que se posent de nombreuses interrogations quant à l’objectif réel de la Cedeao.
En effet, si les autorités maliennes se sont résolues à demander le départ de la Minusma, c’est qu’elles ne sont pas satisfaites de l’interposition de cette force, qui n’a guère fait évoluer le recouvrement légitime du territoire par le pouvoir légal du Mali.
Et reconduire la même mission en « l’africanisant » ne saurait être plus opérant et en adéquation avec les attentes du peuple malien.
À quoi sert une interposition entre une armée légale et des groupes armés notoirement reconnus comme des terroristes ?
Pourquoi la Cedeao veut-elle décider de ce qui est bon en lieu et place du peuple et du gouvernement maliens ?
Et pourquoi la Cedeao veut-elle contourner une résolution qui émane d’une instance qui lui est supérieure ?
Mais objectivement, si les pays de la Cedeao n’envisagent pas d’aider le Mali en engageant leurs forces armées aux côtés de l’armée malienne dans sa lutte contre les terroristes, il serait bon qu’ils n’en rajoutent pas aux difficultés de celui-ci, par des actions et des projections aux inavouables funestes.
Mais on le comprend, après avoir tenté en vain d’asphyxier le Mali au travers d’un embargo inique, la Cedeao veut changer de fusil d’épaule, sous le couvert de bonnes intentions, mais qui cachent mal son désir réel : le départ des colonels de Bamako.
Elle (la Cedeao) donne également du grain à moudre à tous ceux qui estiment qu’elle est en réalité le bras séculier des Occidentaux en Afrique de l’Ouest. Ceux-ci voudraient bien reprendre la main, dans une région qui a commencé à leur échapper.
Au regard de ce qui est susmentionné, on se doit d’en appeler le peuple et le gouvernement maliens à la vigilance. C’est le lieu pour eux de faire accélérer le processus de retrait de tous les contingents de la Minusma (contingents africains y compris), à l’effet d’avoir une bonne visibilité pour la prise en main de la destinée de leur pays et de la trajectoire qu’ils entendent donner à celle-ci.
Car il est difficilement compréhensible, la « danse de crabe » à laquelle s’adonnent la Cedeao, l’Uemoa, la Bceao, etc. au sujet du Mali.