« Tel-Aviv n’a pas d’option militaire contre l’Iran et trompe les Israéliens », a écrit Yossi Melman, analyste du renseignement et des affaires stratégiques dans un article publié jeudi 1er septembre sur le site du journal israélien Haaretz.
L’auteur souligne que depuis trois décennies, les dirigeants politiques et militaires d’Israël ont trompé le public en lui faisant croire qu’Israël a en fait une option militaire contre le projet nucléaire iranien. « La vérité est que si une telle option a jamais existé, c’était lorsque le programme iranien était à ses débuts », estime Melman.
« En 2008, un membre du cabinet de sécurité qui s’est occupé de la question m’a dit qu’Israël avait raté sa chance de détruire les installations nucléaires iraniennes alors qu’elles n’en étaient qu’à leurs balbutiements et que George W. Bush était à la Maison-Blanche », ajoute-t-il.
Pourquoi le cliché de l’« option militaire » contre l’Iran est-il encore entendu nuit et jour, surtout maintenant qu’une relance de l’accord nucléaire iranien avec six grandes puissances est à nouveau sur la table ? D’après le journaliste de Haaretz, c’est principalement pour la « consommation domestique », mais cela découle aussi de la tendance des personnalités publiques à s’attribuer des capacités qu’elles n’ont pas vraiment.
L’auteur évoque l’exemple de l’ancien Premier ministre du régime israélien, Benjamin Netanyahu, et de son chef du Mossad de 2016 à 2021, Yossi Cohen.
Yossi Melman explique : « Ils s’attribuent le mérite d’avoir entraîné la décision de l’ancien président américain, Donald Trump, de se retirer de l’accord sur le nucléaire iranien en 2018 et d’imposer des sanctions à l’Iran. Mais le président américain, qui a promis de se retirer de l’accord pendant sa campagne électorale, l’a fait pour ses propres raisons. »
Un autre exemple est Shimrit Meir, conseillère aux affaires diplomatiques de l’ancien Premier ministre du régime sioniste, Naftali Bennett. « Elle a tenté de s’attribuer le mérite du retard de Washington à revenir à l’accord nucléaire, affirmant qu’elle avait persuadé Joe Biden de ne pas y revenir », ajoute Melman critiquant les éditorialistes israéliens qui ont même répété les « affirmations insensés » de Meir, car selon Melman, il y a un problème mineur : « Les dirigeants qui ont pris la décision finale concernant l’accord de 2015 étaient à Téhéran, pas à Washington ! »
L’auteur écrit que depuis 2009, le Mossad a mené des dizaines d’opérations de sabotage contre des installations nucléaires iraniennes et assassiné au moins 10 scientifiques atomistes du pays. « Mais ces sites ont repris leurs activités et les personnels scientifiques qui ont succédé aux savants assassinés n’ont pas été moins talentueux », ajoute Melman en soulignant que même l’assassinat en 2020 de Mohsen Fakhrizadeh, le père du programme nucléaire militaire iranien n’a pas retardé le projet.
Le journaliste de Haaretz a rappelé les frappes israéliennes sur les installations nucléaires irakiennes et syriennes, et a affirmé qu’Israël n’a pas d’option réaliste pour détruire le programme nucléaire iranien.
Melman écrit : « L’Iran a appris les leçons de la Syrie et de l’Irak et a déployé ses actifs nucléaires dans son immense territoire. L’Iran dispose de dizaines de sites de traitement de la chaîne nucléaire : extraction de l’uranium, traitement et transformation en gaz, enrichissement et stockage. Certaines de ces installations sont enfouies dégradées sous terre comme les installations d’enrichissement d’uranium de Natanz et de Fordo. »
Mais Israël n’a pas de « bunker buster », des bombes massives larguées par d’énormes bombardiers américains. Israël a demandé de telles armes à l’administration Obama mais sa demande a été refusée. De plus, puisque le programme nucléaire iranien est étendu géographiquement, Israël a besoin de renseignements exceptionnels qu’il n’a pas en réalité.
Yossi Melman ajoute enfin qu’une autre difficulté pour Tel-Aviv est que toute opération israélienne contre l’Iran ne pourrait se faire qu’en plusieurs étapes pour espérer un quelconque succès. Dans ce cas, « quel prix Israël devra-t-il payer face aux ripostes de l’Iran et de ses alliés dans la région ? », s’interroge l’auteur.