La bataille de pétrole Russie-alliés d'une part et Riyad-US de l'autre entre dans une phase aux manifestations particulièrement peu habituelles, les Américains l'ayant presque perdu avec un baril de pétrole qui risque de plonger à moins de 20 dollars. Une réunion d'urgence de l'OPEP plus prévue ce lundi a été reportée, réunion qu'avait dû diriger l'Arabie saoudite, et où les coupes pétrolières devaient être décidées. Dimanche, une source saoudienne de haut niveau a déclaré à Reuters que le royaume accueillerait désormais la réunion par vidéoconférence jeudi et que le retard devait laisser plus de temps pour faire participer d'autres producteurs, signe que Riyad a désormais perdu la foi en son propre influence et qu'il a besoin d'autres acteurs pour pouvoir peser face à la Russie.
Autre fait inhabituel cette fois visiblement signée USA : lundi 6 avril et alors que l'Irak traverse une phase économiquement difficile, due à la chute des cours, déclenchée dans la foulée d'une saturation "folle" des marchés par Riyad, cinq missiles ont été tirés contre l'un des plus grands gisements pétroliers du port de Bassora, le puits 20, qui abrite paradoxalement le siège du pétrolier américain Halliburton. Les médias pro-Riyad ont tenté de faire endosser l'attaque à la Résistance irakienne en conflit avec les USA, mais celle-ci a violemment rejeté cette accusation. Les observateurs ont relevé pour le reste le départ précipité des employés américains de Halliburton juste avant l'attaque, ce qui renforce l'hypothèse d'une opération fausse bannière signée US /Riyad et visant comme l'a confirmé quelques heures plus tard le ministre irakien de l'Énergie, " à faire fléchir la production pétrolière de l'Irak, le deuxième producteur mondial du pétrole. Les Américains tout comme les Saoudiens souhaitant liquider via des sanctions ou des troubles intérieurs, tout adversaire pétroliers, dont l'Irak
Troisième fait habituel qui pourrait être lié à un échec pétrolier pré-annoncé du couple US/Riyad : pour la première fois de l'histoire, Washington a inscrit, lundi 6 avril, un groupe qu'il qualifie de suprématiste blanc sur sa liste noire pour terrorisme international. Un groupe nommé Mouvement impérial russe dont le nom renvoie aux accusations régulièrement formulées contre le président russe Vladimir Poutine. Washington a accusé le groupe de « fournir un entraînement paramilitaire à des néonazis et à des suprématistes blancs » dans deux centres à Saint-Pétersbourg, et d’avoir ainsi formé des Suédois, qui ont ensuite perpétré des attentats dans leur pays fin 2016-début 2017. De la part d'un président US qui s'est fait élire à la faveur du vote suprématiste, une telle démarche revient à défier la Russie et à la mettre en garde contre des actes similaires ultérieures qui pourraient se combiner aux sanctions économiques anti-russe.
Mais la Russie se laissera-elle faire ou a-t-elle tout prévu?
Lors d'un entretien téléphonique le 3 avril, Poutine a affirmé à Trump qu'il était prêt à coopérer avec les États-Unis et l’Arabie saoudite sur la baisse de la production de pétrole.
« Nous sommes prêts à une entente avec nos partenaires dans le cadre du mécanisme “OPEP plus”, et sommes prêts à coopérer avec les États-Unis à ce sujet », a-t-il dit, lors d’une réunion en visioconférence avec son ministre de l’Énergie retranscrite sur le site du Kremlin avant d'ajouter : « Je pense qu’il est nécessaire d’unir les efforts pour équilibrer le marché et réduire la production » de pétrole, a encore ajouté Vladimir Poutine, affirmant que la Russie était en contact étroit avec ses partenaires saoudiens.
Mais peu d'analystes se sont laissés berner par ces échanges d'amabilité, la Russie et ses alliés étant déterminée à briser un duo US/Arabie qui depuis que les États-Unis se sont hissés au rang d'un gros producteur du pétrole du schiste ne cesse de faire chanter à la fois les producteurs et les consommateurs. Lundi, la Russie s'est dit prête à réduire sa production à condition que les États-Unis en fassent autant.
Selon les observateurs, la Russie a initié en 2016 une nouvelle stratégie, une alliance avec l'OPEP, dans le cadre d'un OPEP plus. Cette stratégie a vécu le 6 mars puisque l'OPEP est devenu un instrument entre les mains des USA par Riyad interposé, les alliés de la Russie, Iran, Venezuela en ayant été exclus. En se désolidarisant, le Kremlin crée un nouveau rapport de forces dans le marché pétrolier. La réaction saoudienne a entraîné un effondrement des prix. "Cette stratégie serait issue d'une double frustration. Premièrement, celle directe et géographiquement proche, de voir les États-Unis agir contre l'alimentation de l'Allemagne en gaz russe, en s'opposant par des sanctions au gazoduc Nord Stream 2. La deuxième frustration est celle de voir, depuis 2010, la progression de la part de marché américain, au détriment des autres principaux producteurs et exportateurs de pétrole dont la Russie. Depuis cette date, les États-Unis, grâce au pétrole de schiste, ont pratiquement doublé leur part en obtenant 14% du marché mondial, dit un analyste.