La progression de l’armée syrienne dans le nord du pays et ses efforts pour libérer les villes et les villages de cette partie de la Syrie, notamment la ville stratégique d’Idlib soulèvent une question très importante, selon les analystes: la libération de la ville d’Idlib sera-t-elle le début de la disparition de certaines alliances de circonstances au niveau régionale, surtout celle qui a rapproché la Turquie et la Russie ?
Ces dernières années, Idlib a été la clé de voûte de la crise syrienne. S’appuyant sur le soutien politique et militaire de Moscou, Damas planifie au moins depuis un an, la libération de la ville d’Idlib. Malgré l’alliance de circonstance avec la Russie, la Turquie s’oppose farouchement au projet de Damas tandis que les tensions augmentent parmi les principaux acteurs de la scène syrienne dont la Russie, les États-Unis et la Turquie.
Certains observateurs croient qu’il est encore possible que Moscou et Ankara puissent accéder à un accord final permettant que l’armée syrienne contrôle la ville d’Idlib sans combat.
C’est dans ce cadre que la Turquie a élaboré un projet libyen pour transférer en Libye les groupes armés à qui elle offre sa protection pour qu’ils se battent contre les forces du général Khalifa Haftar. Ce projet libyen permettrait aux Turcs de renforcer la position de leur protégé libyen, Fayez el-Sarraj, président du gouvernement d’union nationale basé à Tripoli.
L’objectif stratégique d’Ankara est de détendre son influence dans la Méditerranée orientale afin de pouvoir exercer des pressions sur des pays comme l’Italie, la France ou l’Allemagne afin de leur arracher des concessions dans divers domaines.
Très sensible aux relations de longues dates entre la Turquie et les États-Unis, Moscou souhaite que les tensions augmentent de plus en plus entre ces deux pays membres de l’OTAN. Les Russes semblent être prêts à tout faire pour éloigner la Turquie du camp américain et ils sont prêts à permettre les Turcs à développer leur projet en Libye, malgré le soutien que Moscou accorde à l’homme fort de l’est du pays, le général Khalifa Haftar.
Dans ce sens, la Russie poursuit de près les évolutions politiques en Turquie après la vente de son système de défense aérienne S-400 à Ankara. Néanmoins, les engagements russes dans le nord de la Syrie obligent le Kremlin à compter beaucoup sur la coopération de la Turquie pour mettre fin à la question d’Idlib. La question d’Idlib est sans doute très importante tant pour les Turcs que pour les Russes, mais il est difficile d’admettre que les deux parties aboutissent à une solution unique pour résoudre ce problème.
Comme l’a souligné le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt Çavuşoglu, la Turquie cherchait, dès le début, à intervenir directement à Idlib afin d’empêcher que les groupes radicaux kurdes puissent s’y organiser et créer une situation qui risquerait de provoquer des défis majeurs pour la sécurité nationale de la Turquie.
Par contre, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, annonce qu’il faudrait distinguer des groupes radicaux basés à Idlib (comme Hayat Tahrir al-Cham) ou des groupes armés « modérés » (comme les groupes kurdes), en combattant les premiers et en soutenant les seconds.
C’est là exactement que la divergence apparaît entre les positions respectives de Moscou et d’Ankara au sujet de la ville d’Idlib. Mais Moscou et Ankara doivent – bon gré mal gré – s’adapter à la réalité du terrain : l’armée syrienne réussira tôt ou tard à prendre le contrôle de la ville d’Idlib. Cela signifierait pour la Turquie une retraite quasi totale du Nord syrien.