Longtemps, l’Occident a considéré la Russie comme son rival aux Balkans et le secrétaire d’État américain vient de mettre en garde contre l’influence de la Chine dans cette région fragile et pauvre du sud-est de l’Europe.
La Chine est un nouvel acteur qui compte et elle est bien décidée à investir dans cette région trop pauvre pour développer ses faibles infrastructures et soutenir son industrie en crise.
Certes, pour le moment, l’UE pèse 70 % des investissements étrangers directs en Serbie, Bosnie, Monténégro, Macédoine du Nord, Albanie et Kosovo, un chiffre bien plus important que le 1 % d’investissements chinois, selon des données de la Commission européenne pour la période entre 2007 et 2016.
Mais depuis six ans, les Chinois se montrent actifs, surtout par le biais de prêts à faible taux d’intérêt dont le montant leur a permis de rivaliser avec l’UE.
C’est sur ce fond que le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo a mis en garde contre l’influence chinoise dans les Balkans.
Il s’est rendu vendredi au Monténégro et en Macédoine du Nord pour mettre en garde les dirigeants des Balkans contre les risques liés aux investissements chinois dans les technologies et les grands projets d’infrastructure.
« Comme je l’ai fait ailleurs au cours de mes voyages en Europe, j’ai également mis en garde contre les risques liés aux investissements chinois dans les technologies sensibles, la stratégie chinoise consistant à faire fondre la corruption pour sécuriser les contrats d’infrastructure », a déclaré Pompeo après une rencontre avec de hauts responsables macédoniens du nord à Ohrid, une ville du sud.
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« Nous voulons que la Macédoine du Nord réussisse et ne lutte pas contre la corruption et les dettes ».
« Je suis confiant que le Sénat des États-Unis ratifiera votre protocole d’adhésion cet automne, afin que nous puissions officiellement vous intégrer à l’équipe de l’OTAN. »
Pompeo a entamé vendredi un bref voyage dans deux petits pays des Balkans, le Monténégro et la Macédoine du Nord, afin de discuter de leurs rôles dans l’alliance occidentale de l’OTAN.
La Russie qui entretient des liens étroits avec certains pays de la région, s’oppose ouvertement à l’élargissement de l’OTAN et de l’UE dans six pays des Balkans occidentaux.
La Chine inclut les pays des Balkans dans son projet « One Belt, One Road » visant à ouvrir des liens commerciaux aux entreprises chinoises. Elle a consenti des prêts d’une valeur de plusieurs milliards de dollars pour la construction de chemins de fer, de routes et de centrales électriques, principalement à l’aide de travailleurs chinois.
« Nouvelle route de la Soie »
Smederevo, à l’est de Belgrade, accueille la plus grosse usine sidérurgique de Serbie, rachetée par les Chinois.
Ou plutôt « nos amis comme nous les appelons », dit l’ouvrier Zoran Matic. Il exprime sa gratitude au groupe HBIS d’avoir sauvé de la faillite son usine et ses quelque 5 000 ouvriers, en déboursant 46 millions d’euros.
« Les salaires tombent régulièrement. La ville s’est réveillée », explique son collègue Novica Djordjevic, sous le drapeau chinois hissé au-dessus la porte principale du site.
Deux ans avant l’arrivée des Chinois, l’Américain US Steel s’était retiré, vendant au gouvernement serbe, pour un euro symbolique, le site et ses dettes.
Aujourd’hui, un porte-parole de la compagnie annonce une production au vert et des revenus en hausse de 37 %.
Une « success story » qui a incité le président serbe, Aleksandar Vucic à convaincre en 2018 les Chinois de reprendre la mine de cuivre de Bor, dans le sud.
Désormais, il les pousse à investir dans la technologie de pointe et se prend à rêver que son pays devienne un centre de développement de « voitures volantes »...
Porte d’entrée vers l’Europe du sud, les Balkans sont une pièce importante des « Nouvelles routes de la Soie » que la Chine entend bâtir pour développer ses exportations.
L'Europe inquiète
Au point de préoccuper Bruxelles. Le Commissaire à l’Élargissement, Johannes Hahn, exprime auprès de l'AFP ses «inquiétudes sur les effets socio-économiques et financiers que peuvent avoir les investissements chinois» dans cette région pauvre.
Il évoque le cas du petit Monténégro où la dette publique a explosé jusqu'à atteindre 70% du PIB, après que le pays ait contracté un emprunt de plus de 800 millions d'euros auprès d'une banque chinoise pour bâtir une autoroute dans ses montagnes.
Le spectre d’une «diplomatie de la dette» est brandi. «Ces investissements chinois arrivent souvent avec des liens», dit Johannes Hahn. Ce qui, selon le responsable, est de nature à mettre en péril l'objectif d'«améliorer la stabilité et le développement économique des Balkans».
Désargentés, les pays des Balkans n'ont guère accès aux marchés financiers européens et «ne sont pas en position de refuser l'argent...», ajoute toutefois Matt Ferchen, spécialiste de la Chine au centre de réflexion Carnegie-Tsinghua Center for Global Policy.
Entre 2007 et 2017, Pékin a annoncé un total de 12 milliards d'euros de prêts pour des projets de construction dans ces pays, dont un tiers pour la Serbie seule. La Bosnie suit (21%), puis le Monténégro, selon la Banque européenne d'Investissement.
Centrales à charbon
La Chine est aussi un acteur très actif dans le domaine des centrales à charbon, cruciales pour la production d'électricité dans les Balkans, alors que l'UE s'emploie à convaincre les gouvernements de s'éloigner de cette industrie polluante.
Cela n'a pas dissuadé les députés bosniens d'accorder récemment une garantie publique de 100% pour un prêt de 614 millions d'euros accordé par une banque chinoise pour moderniser une centrale à charbon de Tuzla.
Les autorités européennes ont engagé des procédures arguant que les garanties de l'État bosnien violent les règles européennes à ce sujet. Mais ce prêt chinois est qualifié de «moment historique pour la Bosnie» par le Premier ministre de l'entité croato-bosniaque, Fadil Novalic. «Nous n'avons pas connu pareil investissement depuis quarante ans», a commenté le responsable.
Source : Avec AFP