Politologue et fondateur de Geopolitical Futures, un centre d'analyse américain, George Friedman s’est penché sur les options militaires des États-Unis face à l’Iran. Dans son article l'expert en relations internationales énumère les différentes options de Washington face à Téhéran suite aux attaques au drone contre les installations pétrolières saoudiennes revendiquées par les Yéménites et attribuées par les États-Unis à l’Iran.
« Les États-Unis sont dans une position difficile. Ne rien faire remettrait en question la coalition qu'ils parrainent et pourrait aider l’Iran à accroître sa puissance dans toute la région.
La stratégie de l’administration Trump est d’éviter une action militaire directe en faveur d’une pression économique. Les États-Unis pourraient donc opter pour de nouvelles sanctions, mais cette démarche pose deux problèmes. Premièrement, les sanctions n’ont pas l’impact psychologique d’une action militaire. Deuxièmement, les États-Unis ont déjà imposé des sanctions douloureuses à l’économie iranienne. Toute sanction supplémentaire aurait un effet limité et un poids insuffisant.
Imposer un blocus aux ports iraniens avec une fermeture sélective du détroit d'Hormuz serait une autre option des États-Unis. Cette stratégie, quant à elle, a trois faiblesses: premièrement, il faudrait déployer une importante force navale composée de plusieurs groupements tactiques de porte-avions pour une durée potentiellement illimitée. Deuxièmement, la flotte pourrait être attaquée par des missiles iraniens et toute erreur pourrait coûter aux États-Unis un navire de grande taille. Pour y remédier, une flotte aérienne serait nécessaire, ce qui créerait une deuxième dimension potentiellement coûteuse pour cette opération. Enfin, un tel blocus est par définition sans point terminal. Si l’Iran ne se plie pas sous la pression, le blocus pourrait être maintenu indéfiniment, le fait de le terminer sans succès serait considéré comme une défaite.
Une autre réponse possible serait de lancer des frappes contre des cibles iraniennes. La cible la plus appropriée serait les usines de fabrication de drones et de missiles de croisière. Ici, le problème est d'obtenir une intelligence précise. Mais agir en cas de manque d'informations risquerait d'entraîner une frappe iranienne contre les forces américaines ou un autre site sensible sous protection américaine.
La question difficile à laquelle les États-Unis sont confrontés est de savoir comment ils prendraient une mesure qui bloquerait toute action ultérieure de la part de l’Iran. En ce qui concerne une campagne aérienne, elle peut se poursuivre indéfiniment. Des frappes de représailles à petite échelle ouvrent la porte aux contre-actions iraniennes et pourraient dégénérer en une guerre totale.
Une guerre totale et l’envoi des troupes au sol sont impossibles pour les États-Unis. L'Iran est un pays vaste, deux fois plus grand que l'Irak ou l'Afghanistan. Et l’idée d’occuper militairement un pays avec 82 millions d’habitants n’est que pure fantaisie.
Restaurer la confiance perdue des Saoudiens aux États-Unis serait le seul acquis des frappes aériennes contre l’Iran. Les États-Unis s’inquiètent plus de l’influence politique grandissante de l’Iran. D’un point de vue, l’Iran pourrait viser des cibles de grande valeur. L’Iran a investi beaucoup de temps et de ressources pour former des forces alliées dans la région.
L’Iran est très actif dans la structure politique du Liban depuis les années 1980 grâce au Hezbollah. Si le Hezbollah pouvait être paralysé, la structure politique du Liban sortirait du contrôle de l’Iran. Cependant, une telle opération ne peut être laissée aux Israéliens, en partie parce que leur force est beaucoup plus petite que celle des États-Unis, et aussi parce que la collaboration entre les forces américaines et israéliennes mettrait les alliés sunnites des États-Unis dans une situation difficile. L’attaque contre le Hezbollah pourrait être réalisée à un risque moindre et à un coût plus élevé que d’autres options.
Il est peu probable que les États-Unis répondent aux attaques de l'Iran par une campagne aérienne contre une force alliée. Les Saoudiens auraient du mal à le décrire comme un engagement des États-Unis envers la sécurité saoudienne. Les attaques en Syrie, en Irak et au Yémen souffriraient toutes d'un manque de clarté et du fait que l'Iran lui-même ne serait pas touché. Il est possible que l'armée de l'air saoudienne exerce des représailles, mais sa capacité à subir des pertes et à mener une campagne aérienne prolongée est douteuse. De plus, une telle mesure provoquerait la riposte de l’Iran.
Les Iraniens connaissent le dilemme qu’ils ont posé aux États-Unis. Ils ont parié que les risques sont trop élevés pour que les États-Unis puissent réagir. Mais le problème est qu’il est impossible de savoir dans quelle mesure l’influence iranienne sera perçue par les États-Unis comme une menace pour leurs intérêts à long terme dans la région.
Il ne semble y avoir aucune bonne option militaire. Ne rien faire pourrait bien détruire le bloc anti-Iran que les États-Unis ont travaillé dur pour créer. La réponse probable, mais non certaine à ce problème sera des représailles symboliques. Le problème des représailles, cependant, est qu’elles deviennent incontrôlables. »