Le quotidien iranien Keyhan a publié un article de l’analyste politique Saadollah Zarei sur la position de l’Arabie saoudite vis-à-vis des évolutions récentes des pays de l’Afrique du Nord, surtout le Soudan, la Libye et l’Algérie.
Saadollah Zarei estime que les vagues puissantes du mouvement populaire soudanais contre l’élite politique du pays est en passe de conduire le pays vers des changements pacifiques par le biais de la tenue d'élections libres et démocratiques.
Or, les intérêts des États-Unis, d’Israël et des régimes rétrogrades arabes ne sont pas compatibles avec les changements démocratiques au Soudan. « Ils cherchent à tout faire pour que les militaires restent au pouvoir au Soudan et qu’un compromis entre le mouvement populaire et les militaires au pouvoir empêchent la tenue des élections.
Soudan :
Le maintien au pouvoir d’Omar el-Béchir était important pour l’Arabie saoudite, étant donné sa soumission à Riyad notamment avec l'envoi de ses troupes au Yémen. Après la mise à l'écart d'el-Béchir, les Saoudiens ont soutenu le Conseil militaire de transition souhaitant empêcher une révolution », écrit l’analyste iranien.
En effet, l’idée d’un Soudan démocratique est indésirable tant pour l’Arabie saoudite que pour l’Occident. Saadollan Zarei explique que « les gagnants des élections démocratiques au Soudan seraient caractérisés par deux facteurs identitaires de la majorité soudanaise: d’importantes tendances religieuses sans être partisans du fanatisme ou du radicalisme. Le premier les éloignera de l’Occident, tandis que le deuxième mettrait fin au rapprochement entre Khartoum et Riyad. »
Algérie :
Contrairement à la plupart des pays du monde arabe, l’Algérie a connu l’expérience de la victoire définitive d’une révolution il y a 56 ans. Mais la situation actuelle est très différente de celle des années 60. Selon l’analyste du quotidien Keyhan, la présence de trois forces caractérise aujourd’hui la vie politique algérienne. D’abord, les forces nationalistes qui détiennent le pouvoir depuis plus de 50 ans et qui sont critiquées actuellement par la protestation populaire; ensuite des courants radicaux qui sont minoritaires et marginaux, mais profitent du soutien politique et financier de l’Arabie saoudite qui souhaite développer le wahhabisme au Moyen-Orient et en Afrique du Nord; et enfin, un mouvement de protestation populaire et démocratique qui revendique des réformes politiques et sociales par le biais des élections libres comme le souhaitent d’ailleurs les Soudanais.
Libye :
Les militaires jouent un rôle plus marquant dans les évolutions de la Libye par rapport au Soudan ou à l’Algérie. Le général Khalifa Haftar a entamé une vaste opération militaire pour s’emparer de Tripoli contrôlé par le gouvernement d’union nationale présidé par Fayez el-Sarraj et reconnu par l’ONU. Son action est soutenue par l’Égypte d’Abdel Fattah al-Sissi, les Émirats arabes unis, les États-Unis et les puissances européennes.
Mais les choses ont mal tourné pour Haftar qui croyait pouvoir occuper Tripoli facilement. Sa visite en Arabie saoudite ont révélé le rôle néfaste des Saoudiens dans les événements qui prévalent en Libye.
Dès son retour de Riyad, Khalifa Haftar a intensifié ses attaques contre Tripoli. Ceux qui ont soutenu Khalifa Haftar depuis plus de deux ans, souhaitaient qu’il joue un rôle similaire à celui d’Abdel Fattah al-Sissi en Égypte.
Position de l’Arabie saoudite :
D’après Saadollah Zarei, avant de s’ingérer dans les affaires intérieures des pays comme le Soudan, l’Algérie ou la Libye, l’Arabie saoudite aurait dû penser à la nécessité de profonds changements à l’intérieur de son royaume.
« Acteur principal de presque tous les conflits du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, l’Arabie saoudite à besoin, plus que quiconque, d’une évolution interne. Dans la région, l’Arabie saoudite est le pays le plus marqué par la dictature, le fanatisme et le chaos politique et social. Si les Ale Saoud avaient été privés du soutien américain, leur régime aurait été renversé beaucoup plus vite que dans n'importe quel autre pays arabe », souligne-t-il.
Quelle est la raison profonde des ingérences destructrices de l’Arabie saoudite ou des Émirats arabes unis dans les autres d’autres pays arabes comme le Soudan, l’Algérie ou la Libye ?
Les Saoud dépensent-ils des sommes faramineuses pour dominer les États arabes et y étendre son hégémonie impériale ? Il serait difficile de le croire, selon Saadollah Zarei, car les échecs saoudiens au Liban, en Syrie, en Irak ou au Yémen ont certainement appris aux dirigeants saoudiens l’impossibilité d’un tel projet.
L’objectif principal des Saoudiens serait donc d’attiser le feu des conflits dans les autres États arabes pour empêcher qu'il ne s’embrase à l’intérieur du royaume.
Saadollah Zarei ajoute: « De ce point de vue, la politique régionale de l’Arabie saoudite est tout à fait comparable à celle du régime israélien. C’est un signe de faiblesse et de vulnérabilité des Saoud : tandis qu’ils sont exposés aux plus graves menaces sécuritaires à l’intérieur de leur royaume, ils essaient de faire croire qu’ils sont dans une posture offensive, en attaquant des cibles insignifiantes dans d’autres pays de la région. »
En conclusion, l’analyste estime que depuis sa fondation en 1932, les trois piliers du pouvoir saoudien semblent être ébranlés de manière irrémédiable: le soutien américain, le pétrole et le système clanique. « Pour cacher les signes de leur effondrement, les Saoud se montrent agressifs, mais ils s’approchent vite du fin de leur règne archaïque incapable de se remettre sur pied », conclut Saadollah Zarei.