La Russie se serait proposé de construire gratuitement une centrale nucléaire au Liban, à l’image de celle actuellement en construction en Turquie, annonce le journal Al-Joumhouria. Mais pourquoi cette proposition? Cette proposition viserait en effet à permettre au Pays des Cèdres de mettre fin rapidement aux pénuries d’électricité qu’il traverse, l’Electricité du Liban (EDL) ayant une capacité de production maximale de 1 900 mégawatts pour une consommation moyenne de la population de 3 000 mégawatts. C'est bien pour une Russie qui se pose en ami du Liban, alors que les États-Unis et Israël ne cessent de le menacer pour compter le Hezbollah parmi ses composantes démographiques, sociale et politique.
En effet le geste russe est stratégique : l’électricité produite par l’EDL est largement subventionnée par l’État libanais. Produite pour un coût de 17 cents le kilowatt, elle est revendue aux consommateurs à 9 cents kilowatt. Ces subventions – d’une valeur de 2 milliards annuellement – sont largement responsables du déficit public actuel.
Un réacteur du type VVER pourrait suffire à combler le manque d’électricité au Liban, ajoute le journal qui reconnaît que la Russie vient de faire là un coup de maître contre Israël : « Cette proposition pourrait se heurter à la menace israélienne qui a déjà menacé de détruire la centrale nucléaire de Bouchehr en Iran ou qui avait conduit une opération militaire en Syrie en 2007 visant à détruire une centrale nucléaire fournie par la Corée du Nord. Cette opération a été officiellement revendiquée par Tel-Aviv en 2018. Il ne s’agissait pas de la première intervention israélienne pour empêcher qu’un pays arabe ne se dote d’une centrale nucléaire. Ainsi en 1981, les chasseurs bombardiers israéliens avaient détruit OSIRAK lors d’une opération intitulée Opera, un réacteur nucléaire d’une puissance seulement de 70 mégawatts construit par la France au sud-est de Bagdad, tuant un ingénieur français. »
Selon le journal, l'influence russe commence à réellement agacer les puissances occidentales :
« Des sources diplomatiques occidentales ont indiqué qu'en cas du feu vert libanais, l'Occident pourrait resserrer la vis sur le Liban. Par exemple, le programme CEDRE et ses réformes économiques et infrastructurelles (monts et merveilles promises par l'Occident, NDLR) pourrait être compromis. Déjà la présence russe dans le secteur gazier libanais gêne : la société russe – Novatek – fait partie du consortium formé pour exploiter les ressources en hydrocarbures des blocs 4 et 9, situées dans la zone économique maritime libanaise. Ou encore le pétrolier Ros nef a remporté un appel d’offre pour exploiter les zones de stockage en hydrocarbure du port de Tripoli pour une durée de 20 ans. Par le passé déjà, le Liban a dû refuser l’aide militaire russe par crainte de froisser l'Occident. Moscou avait en effet proposé d’offrir au Pays des Cèdres plusieurs avions de chasse de type Mig 29 ainsi que des chars de type T 80 ».
Mais les choses ont bien changé. Depuis l'engagement militaire russe en Syrie aux côtés de l'armée syrienne et du Hezbollah, d'autres horizons s'ouvrent pour les Russes qui ne voient en Israël qu'un allié des Américains et un obstacle à leur projet, affirment les analystes.