La Russie croit-elle à un retrait US de Syrie? La porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, a estimé mercredi que le retrait des troupes américaines du territoire syrien donnait l’espoir d’un règlement politique du conflit dans le pays : « De cette décision peut naître une histoire très importante, c'est une véritable et réelle perspective pour le règlement politique». La perspective d'un retrait US de Syrie ne semble pas aller toutefois sans susciter un certain scepticisme en Russie.
« Nous nous félicitons du retrait des troupes américaines, mais nous sommes en même temps sceptiques quant à l'intention des États-Unis de concrétiser un retrait complet de la Syrie. Damas a toujours exigé le retrait des forces américaines déployées illégitimement sur son territoire. Toutes les troupes devraient quitter l’est de l’Euphrate et al-Tanf », estime ainsi l'ancien diplomate russe Viacheslav Matuzov, interrogé par la chaîne libanaise Al-Hadath qui affirme que le retrait US a été le résultat d'une contrainte.
« Il va sans dire que la présence militaire américaine en Syrie est un obstacle majeur au rétablissement de la paix en Syrie. La décision des États-Unis de retirer leurs troupes de la Syrie est une décision urgente et obligatoire. En effet, cette décision intervient sur fond des efforts fournis par la Russie, la Turquie et l’Iran qui ont œuvré ensemble dans le cadre des pourparlers d’Astana, de Sotchi et d'Istanbul pour que la paix soit de retour et que les terroristes soient neutralisés d’Idlib, de Deraa et de l'ensemble du territoire syrien. La décision des États-Unis de retirer leurs troupes de Syrie n'est certainement pas une erreur. Il s’agit d’une décision qui s'imposait de façon urgente et obligatoire ».
Le journal Al-Arab qui parait à Londres, reprend l'analyse de l'expert russe et qualifie le retrait US de défaite de "la stratégie américaine en Syrie face à celle de la Russie et de ses alliés qui ont soutenu jusqu'au bout l'État syrien " : « Avant cette annonce, Ankara menaçait de prendre pour cible l'est de l'Euphrate ne serait-ce que pour s'opposer au soutien de Washington aux Kurdes. Je sais par mes liens que des groupes kurdes basés dans l'est de la Syrie se sont rendus à Damas il y a moins d'un mois pour négocier avec le gouvernement syrien, mais les revendications kurdes sur l'indépendance ou même l'autonomie, n'ont pas été bien accueillies par le gouvernement syrien. La Turquie et le gouvernement syrien partagent des positions communes sur la question kurde. En effet, les Kurdes de Syrie sont le dindon de la farce, pour avoir fait aveuglément confiance aux Américains. Le décision des États-Unis renvoie à vrai dire à un souci bien vif à Washington qui craint perdre son allié stratégique, la Turquie ».
Et l'expert russe de poursuivre :
"Si le Comité constitutionnel se met sur pied en Syrie et que les élections se tiennent, le terrain sera propice pour que toutes les parties, dont les États-Unis, reconnaissent le gouvernement légitime syrien. À mon sens, nous nous approchons progressivement du règlement politique de la crise syrienne et les pays arabes ne tarderont pas à s'y rallier. En effet, tous les problèmes de la Syrie ne doivent pas nécessairement être résolus par la Turquie, l'Iran, la Russie ou même les États-Unis. Il revient aux pays arabes de changer de position. Je suis convaincu que les pays arabes finiront par reprendre leurs liens avec la Syrie, ce qui empêchera tout déploiement militaire illégal des forces étrangères en Syrie. Moscou estime que la Turquie doit respecter la souveraineté de la Syrie et que le maintien de la sécurité nationale de la Turquie dépendra de l'établissement de bonnes relations avec Damas. Si le gouvernement syrien est affaibli, cela ira au détriment des intérêts turcs ».
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