Des choses inouïes se produisent au Yémen : alors même que les États-Unis et l’OTAN croyaient pouvoir s’emparer de Hudaydah, à la faveur de l’offensive saoudo-émiratie, pour placer sous leur emprise le détroit stratégique de Bab el-Mandeb et contrôler par là le transit maritime en mer Rouge aux dépens de la Chine, la résistance héroïque d’Ansarallah et de toutes les populations de la côte ouest, a fait échouer ce plan.
Son statut d’acteur stratégique de poids ayant été confirmé, Ansarallah tend la main à la Chine et à la Russie. C’est le moment le plus propice. Les USA et leurs alliés ont bien senti le danger, eux qui multiplient les agissements dans la Corne de l’Afrique, en créant un arc pro-occidental via le rapprochement Érythrée-Éthiopie.
La défaite saoudo-émiratie, et partant celle des États-Unis et de l’OTAN, intervient à un moment crucial : la Chine renforce sa présence à Djibouti où elle maintient sa première base militaire et quelque 1 500 soldats prêts au combat. La Corne de l’Afrique a une importance vitale pour Pékin. Celui-ci, cherchant à mettre au point son projet phare, « la route de la soie », compte largement sur la mer Rouge pour pouvoir assurer le transit de ses marchandises vers l’Europe.
C’est dans ce contexte hautement géostratégique qu’Ansarallah, en sa qualité de seule force politique et militaire souverainiste du Yémen, a choisi d’écrire au président chinois. Sa missive envoyée ce dimanche 22 juillet au président Xi Jinping suit de trois jours celle adressée au président Poutine. Signé par le président du Conseil politique suprême, Mahdi al-Mashat, le texte rend un hommage appuyé « au soutien de Pékin au Yémen et aux autres pays arabes » et salue la Chine pour « avoir soutenu la cause palestinienne ». Mais la lettre s’attarde surtout sur la guerre menée contre Hudaydah, qui n’a d’autre visée que de placer le détroit de Bab el-Mandeb et la mer Rouge sous l’emprise occidentale : « La coalition dirigée par l’Arabie saoudite et ses satellites font tout pour occuper les îles et la bande côtière de l’ouest du Yémen, ce qui n’est pas étranger à leurs visées expansionnistes. »
Tout en soulignant « le soutien prépondérant de la Chine à la paix » dans la région, avec en toile de fond des « efforts qui ont fait échec à l’agression et au blocus du Yémen », la lettre appelle Pékin à participer aux efforts de préservation de la souveraineté yéménite sur ses eaux et ses îles stratégiques. Le texte se dit ouvert à toute nouvelle « coopération avec la Chine et à l’élargissement des relations ».
Mahdi al-Mashat avait adressé, le vendredi 20 juillet, une autre lettre au président russe Vladimir Poutine, lui demandant d’intervenir dans le conflit yéménite, rappelant là aussi le caractère « géostratégique » que revêt la défense des forces patriotiques du Yémen à Hudaydah.
Dans cette lettre à Poutine, le mouvement Ansarallah a rappelé à quel point le plan des États-Unis et des monarchies arabes concernant la prise de Hudaydah s’avérait dangereux pour le trafic maritime en mer Rouge, puisqu’il s’agit ni plus ni moins d’une prise du contrôle du détroit de Bab el-Mandeb par où transitent 40 % des marchandises du monde, dont et surtout celles de la Chine.
Aux Émirats arabes unis, où le président Xi Jinping a entamé jeudi la première étape de sa visite, les deux parties, engagées dans un bras de fer pour le contrôle des ports à Djibouti, ont signé un contrat « stratégique ». La presse française a relevé la place qu’occupent les Émirats dans l’initiative chinoise de la route de la soie. Mais elle a oublié une chose : sans les îles yéménites qu’ils occupent, les Émirats ne pèsent que trop peu sur l’échiquier international. La double lettre adressée par Ansarallah aux présidents chinois et russe consacre l’entrée en scène de la Résistance yéménite comme un acteur géostratégique. La Chine, mais aussi la Russie qui avance ses pions au Soudan et en Égypte, autres pays qui jouent un rôle éminemment important dans la Corne de l’Afrique, devront en tenir compte.