Dans le sud syrien, l’approche syro-russe consiste à renforcer, dans les plus brefs délais, le contrôle de l’armée syrienne sur la route internationale reliant Damas à la Jordanie, disent les experts militaires.
Selon l’éditorialiste du quotidien Rai al-Youm, Abdel Bari Atwan, les groupes armés dans le sud-ouest syrien et plus précisément à Deraa, Quneitra et Houran, n’auront devant eux que deux options : accepter la réconciliation et la solution politique tout comme ce qui s’est produit dans la Ghouta orientale ou se livrer à la confrontation militaire.
Et avec la poursuite des renforts militaires syriens dans cette région, les efforts de médiation menés ces trois dernières semaines par des représentants russes pour éviter la confrontation semblent être dans l’impasse, précise l’article.
Plus loin sont évoqués trois facteurs qui montrent que les opérations militaires décisives de l’armée syrienne dans le Sud sont proches :
- Premièrement, le général Souheil al-Hassan, commandant des forces spéciales Quwat al-Nimr (Forces du Tigre) a été désigné commandant des forces syriennes dans le Sud. Souheil al-Hassan est un commandant militaire très proche du président Assad et un partenaire fiable pour le commandement de l’armée russe.
- Deuxièmement, l’aviation russe a procédé aux attaques jugées légitimes contre les positions des groupes armés surtout le groupe terroriste Front al-Nosra dans le Rif est de Deraa ; ce qui montre que l’accord sur les zones de désescalade de juillet 2017 n’est pratiquement plus en vigueur dans cette région et ne serait plus reconduit. Il faudrait aussi rappeler qu’en principe, le Front al-Nosra et l’Armée Khalid ibn al-Walid, autre groupe terroriste ayant fait allégeance avec Daech, n’étaient pas concernés par cet accord.
- Troisièmement, les États-Unis et la cellule d'opération al-Mouk (un centre de commandement américain en Jordanie) semblent avoir lâché les groupes armés en Syrie auxquels ils ont fait parvenir leur message quelque peu choquant.
L’article fait ensuite allusion à une lettre aux commandants de l’Armée libre syrienne (ASL), dans laquelle les Américains disent qu’ils ne devraient pas baser leurs décisions sur l’hypothèse ou l’attente d’une intervention militaire de la part de Washington.
Le message, qui a été rapporté par Reuters, dimanche, appelle le groupe à décider, seul, les réponses à fournir aux forces syriennes « qui continuent à avancer rapidement et qui continuent de chercher à récupérer les bandes de terre le long de la frontière avec la Jordanie et le plateau du Golan occupé par Israël ».
« Nous, au gouvernement des États-Unis, comprenons les conditions difficiles auxquelles vous êtes confrontés et nous conseillons toujours aux Russes et au gouvernement syrien de ne pas prendre une mesure militaire qui viole la zone », indiquait le message.
D’après l’éditorialiste de Rai al-Youm, ce message fait penser aux déclarations de l’ancien secrétaire d’État américain, John Kerry. Cela fait deux ans de cela à Londres, Kerry disait à un activiste syrien : « Voulez-vous que nous entrions en guerre contre les Russes, juste pour vous ? »
Atwan affirme avoir demandé l’avis des experts militaires à ce sujet.
« Dans le sud syrien, l’approche syro-russe consiste à renforcer, dans les plus brefs délais, le contrôle de l’armée syrienne sur la route internationale reliant Damas à la Jordanie et surtout au passage stratégique international de Nassib, disent les experts militaires qui n’excluent pas, non plus, une victoire éclair des forces syriennes sur le champ de bataille, après le délaissement des terroristes par les États-Unis.
Par ailleurs, le gouvernement jordanien préfère pour sa part que le contrôle de tous les passages frontaliers revienne à la souveraineté syrienne, pour aplanir ainsi le terrain au retour en Syrie d’environ 1 500 000 réfugiés syriens habitant actuellement la Jordanie. Cela déchargerait Amman d’un lourd fardeau politique et économique. En plus, la réouverture des passages frontaliers permettra au gouvernement jordanien de toucher à un revenu annuel frôlant les 400 millions de dollars, dû aux tarifs fiscaux touchant les importations. »
Atwan se demande ensuite comment les Israéliens vont réagir à toutes ces évolutions qui se produisent rapidement dans une autre partie du front du Golan, étant donné que certains groupes terroristes opérant dans le sud syrien ont toujours profité de l’appui politique, militaire voire, médical israélien. Près de 3 000 hommes armés opposés au gouvernement d’Assad ont reçu des traitements médicaux ces cinq dernières années dans les hôpitaux israéliens, rappelle le journaliste.
« Il est évident qu’Israël a perdu le pari », affirme Atwan. Même si les Israéliens ne se soucient plus, comme ils le prétendent, d’avoir les forces iraniennes à une quarantaine de kilomètres des frontières entre la Palestine occupée et la Syrie, ils ne pourraient pas mettre trop d’espoir dans les garanties obtenues des parties russe et américaine.
« Il suffit de se rappeler le sort des accords sur les zones de désescalade et des garanties arabo-américaines sur un renversement du gouvernement de Bachar al-Assad », ajoute Atwan.
Par ailleurs, l’échec des batteries de missile israéliennes Patriot dans l’interception et destruction des drones survolant les frontières du Golan occupé montre que les règles du jeu ont changé et que la soi-disant suprématie militaire israélienne n’existe plus.
L’article fait aussi allusion à la situation de quelque 12 000 hommes armés se trouvant dans le sud syrien et dont le commandement a rejeté la proposition russe pour leur évacuation vers Idlib.
« Je ne crois pas qu’ils insistent sur cette position, une fois que les flammes de la guerre auront envahi la région sur fond de raids aériens russo-syriens. Il n’est donc pas exclu que les préparations des fameux bus verts aient déjà commencé », affirme le journaliste.
Selon l’éditorialiste de Rai al-Youm, le rôle des groupes armés en Syrie touche à sa fin. Ils sont d’ailleurs abandonnés par leurs alliés arabes ou américains.
« Mais quel sera le prochain champ de bataille de l’armée syrienne : la côte est de l’Euphrate ou Idlib ? » Pour Atwan, ce serait le premier, en attendant que sur le deuxième axe, des groupes armés s’entredéchirent dans des affrontements.
« Mais rien ne dit que la bataille d’Idlib n’aura pas lieu ; ce serait juste une question de calendrier », conclut Abdel Bari Atwan.