Les Américains veulent empêcher l’émergence d’une nouvelle URSS en Syrie. Mais quel est le pays qu’ils entendent y clouer au pilori ?
Dans la nuit de mardi à mercredi, les chasseurs américains se sont mis à bombarder sauvagement le village d’al-Bahra dans la banlieue est de Deir ez-Zor, faisant au moins 16 morts, dont 9 femmes. Al-Bahra se situe à 45 kilomètres au nord-ouest d’Abou Kamal. Le bilan des pertes risque de s’alourdir. Depuis deux semaines, les États-Unis ont ouvert un nouveau front à Deir ez-Zor où ils multiplient frappes et attaques contre l’armée syrienne, la Résistance et la Russie. Un dernier raid a eu lieu dans la banlieue nord-est de Deir ez-Zor, lors duquel ont péri des dizaines de militaires syriens et de forces placées sous le commandement russe.
Alors que la Turquie semble avoir lancé à Afrin l’opération Rameau d’olivier pour distraire les troupes syriennes et l’axe de la Résistance ; à Deir ez-Zor, l’Amérique repositionne ses pions : la guerre à Afrin a poussé le contingent kurde des FDS (Forces démocratiques syriennes), milice arabo-kurde à la solde de Washington, à faire place nette à Deir ez-Zor et à se retirer progressivement de Deir ez-Zor pour se redéployer à Afrin et dans d’autres régions du Nord syrien. Le site américain de l’économiste Lew Rockwell confirme d’ailleurs ce retrait progressif des Kurdes au profit de la composante arabe des FDS. Mais que font les Américains ?
À Deir ez-Zor, où Washington semble vouloir se débarrasser des Kurdes, une autre force est sur le point de se former à l’initiative US : le conseil militaire de Deir ez-Zor. Ce conseil qui devrait remplacer les FDS est composé en partie de résidus de l’ASL et, pour une autre partie, d’éléments d’al-Qaïda et de Daech. D’où d’ailleurs de multiples opérations héliportées des Américains à Deir ez-Zor tout au long des mois de décembre 2017 et de janvier 2018.
Quelle est la mission de cette nouvelle force made in US ?
Un premier objectif à court terme consiste à contrer l’avancée de l’armée syrienne vers la pétrolifère et stratégique province de Deir ez-Zor puisque les Kurdes, eux, devront, suivant le plan US, être redéployés dans le Nord syrien, et ce, dans la perspective d’une « force de sécurité kurde » à faire naître. Force à la solde du Pentagone, le conseil militaire de Deir ez-Zor aura donc pour mission d’endiguer l’armée syrienne et d’empêcher son contrôle sur les puits du pétrole. Depuis quelques jours, d’intenses combats sont signalés entre armée syrienne et terroristes dans cette zone.
Un deuxième objectif, cette fois à long terme, vise l’axe de la Résistance. Il a fallu huit mois aux stratèges US pour comprendre que les Kurdes à eux seuls n’auraient ni la capacité ni peut-être la volonté de combattre l’axe de la Résistance jusqu’à l’épuisement. Les officines outre-Atlantique croient pouvoir ainsi éroder les alliés de Damas, surtout l’Iran, et empêcher l’émergence de ce qu’ils qualifient, au fil de leurs analyses, de « nouvelle URSS ». Kenneth Pollack, expert de l’American Enterprise et de Brookings Institution, a été d’ailleurs très clair dans son dernier article intitulé « Où va l’Iran ? » : « Vu le contexte actuel, les États-Unis devront faire saigner l’Iran en Syrie. Ce fut notre stratégie face à la Russie dans les années 80 quand elle était présente en Afghanistan. Ce devra être notre stratégie face à l’Iran en Syrie. » Le seul hic : l’Iran n’est pas l’ex-Union soviétique et les USA ne sont plus l’Amérique des années 80.
Vidéo : les puits de pétrole à Deir ez-Zor