Ces derniers temps, l’Arabie saoudite procède à des réformes économiques et sociales de nos jours et il semble bien qu’elles soient toutes destinées à faire accéder au trône le prince héritier, Mohammed ben Salmane.
Un analyste yéménite du journal Raï al-Youm, Abbas al-Seyyed décrit ses points sur ces réformes en Arabie saoudite et les réels objectifs poursuivis par Mohammed ben Salmane. Nous reproduisons ci-dessous, un résumé de cet entretien.
Certains estiment que les réformes ont été menées dans le pays en raison de pressions extérieures, tandis que d’autres pensent que les réformes ont été mises en œuvre à la suite d’une demande interne. Quelle est votre opinion à ce sujet ?
La préservation du système saoudien en tant qu’alliance politique et économique est une nécessité pour les puissances occidentales et pour Israël, de sorte que ces puissances continuent à offrir leur soutien politique et sécuritaire à ce régime. Certaines des réformes de Mohammed ben Salmane, plus particulièrement celles contre les institutions religieuses wahhabites et les princes de la famille régnante, ont été menées avec un soutien étranger, celui des États-Unis et d’Israël, ou du moins en suivant leurs recommandations.
L’institution wahhabite a produit un grand nombre de terroristes au cours de la dernière décennie, leur nombre dépassant celui correspondant aux besoins de l’Arabie saoudite elle-même et de ses alliés occidentaux ; alliés qui ont contribué à la formation et à l’utilisation de milices terroristes extrémistes dans le monde.
Certaines des autres réformes semblent être une série d’accords qui répondent aux besoins de différents partis tels que Ben Salmane en personne, ses alliés étrangers ou encore la nation saoudienne elle-même. Mais il faut dire que nation saoudienne semble être la seule partie perdante dans cette affaire.
Ben Salmane se considère comme un leader de « l’islam modéré ». Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a récemment réagi vivement à cette idée. Pensez-vous que les réformes saoudiennes aient contribué à la réalisation des vœux de Ben Salmane pour le monde musulman ?
En fait, il n’y a pas d’islam modéré ou d’islam radical. L’islam est une religion unique, les fondements et les objectifs de cette religion ne font qu’un. L’islam est vraiment une bénédiction pour le monde entier. L’islam modéré est un terme politique qui a récemment été utilisé à des fins coloniales pour diviser le monde musulman en pôles et camps en fonction des positions du régime israélien.
La concurrence entre la Turquie et l’Arabie saoudite pour mener cet axe conduit à une nouvelle désunion entre les pays musulmans et même entre ceux se faisant appeler « modérés ».
Les désaccords entre les États du Conseil de coopération du golfe Persique témoignent de l’effondrement de cette institution. De même, les tensions récentes entre les Émirats arabes unis, la Jordanie et la Tunisie, celles entre l’Arabie saoudite et le Soudan, et même les différends entre le Soudan et l’Égypte, sont la preuve que le régime saoudien actuel ne peut diriger aucun axe politique ou coalition stratégique.
Les réformes entreprises par Ben Salmane vont contribuer à saper le rôle de l’Arabie saoudite dans la région et à poser encore plus d’obstacles aux aspirations de Ben Salmane à diriger les pays « musulmans modérés » puisque ces réformes détruisent les fondations mêmes de l’Arabie saoudite. Et ces fondations sont : l’institution religieuse wahhabite, la famille régnante, les revenus pétroliers qui sont consacrés à des pays et groupes étrangers et qui ne sont pas utilisés pour réaliser un développement économique réel. L’élimination de ces piliers mine le rôle saoudien dans la région, sans parler de la stabilité du pays et de son unité politique et géographique.
Il est possible que les réformes en Arabie saoudite intéressent les jeunes, les femmes et même certains autres groupes sociaux. Mais elles peuvent porter atteinte aux clercs et aux wahhabites dans ce pays. Alors, pensez-vous qu’elles puissent engendrer de nouvelles tensions internes ?
La nation arabe dans le Najd et le Hijaz n’a jamais été très influente sur la scène politique du pays. Ces réformes peuvent intéresser certains groupes de la société comme les jeunes ou les femmes, mais il ne faut pas oublier que les Saoudiens en général sont privés de leurs droits élémentaires, comme celui de voter pour élire leurs dirigeants, etc.
L’institution religieuse wahhabite en Arabie saoudite qui est l’un des piliers du pays est donc mise à mal par les réformes de Ben Salmane et les wahhabites pourraient sortir bientôt de leur silence et de leur état de choc.
C’est aussi vrai pour d’autres groupes influents parmi les membres de la famille dirigeante et régnante qui ont été mis à mal par le prince héritier ces derniers temps et dont la rage pourrait surgir incessamment sous peu.