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Iles égyptiennes: quand Sissi se fait avoir !

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Le roi saoudien en visite en Egypte. (Photo d'archives)

L’analyste politique libanais, Nasser Kandil, revient sur la cession de deux îles stratégiques par l’Egypte à l’Arabie saoudite dans un article daté de ce mercredi.

«  Les deux îles de Tirane et de Sanafir sont inhabitées. C’est en 1967 que les forces égyptiennes y ont débarqué pour la première fois, manière de bloquer le trafic maritime d’Israël via le port d'Eliat. La souveraineté de l’Egypte sur ces deux îles date de 1950, époque où le souverain saoudien Farough a décidé d’y installer l’armée égyptienne. Quoi qu’il en soit, les juristes d’Egypte qualifient ces deux îles de partie intégrante de l’île de Sinaï, en vertu d’anciens documents qui remontent à l’époque ottomane.

Selon les informations, l’Egypte d’Al Sissi a rétrocédé ces deux îles stratégiques à Riyad. Reste à savoir quelle en est la raison ?

Il va sans dire que cet accord n’aurait jamais pu avoir lieu sans le feu vert préalable d’Israël, les deux pays ne cherchant à aucun prix à froisser le régime de Tel-Aviv. En termes militaires et politiques, les deux îles occupent une importance de choix pour Israël dans la mesure où elles sont géographiquement situées aux larges d'Eilat.

Pour Israël, le retour de Riyad sur ces deux îles présente surtout une occasion qui pourrait servir à renforcer des coopérations touristiques et commerciales avec les « voisins arabes ». Le triangle Israël-Arabie-Egypte, c’est sur ces deux îles qu’il pourrait être crée surtout que l’Arabie et l’Egypte compte se relier via un pont.


Mais les choses vont encore plus loin. Les deux pourront accueillir le pipeline Arabie/Europe qui traverserait sur son trajet le Sinaï et Israël. Cela aiderait le régime sioniste à exporter mieux son gaz et à réduire les coûts liés à ses importations pétrolières.

De ce côté-là, il s’agit d’un gain stratégique majeur : la défaite israélienne de 2006 face au Hezbollah l’a privé du gazoduc "Nabbuco" qui aurait du relier le Kazakhstan à Haifa via le port de Jihan. Israël entendait étendre ce gazoduc jusqu’à Ashkelon et la mer Rouge et ce dans le but de procurer du gaz à la Chine et à l’Inde. Les sionistes envisageaient en effet de pouvoir tirer profit de toute éventuelle guerre contre l’Iran qui aboutirait à un blocage du détroit d’Hormuz . "Nabbuco" aurait pu les aider à fournir la Chine et l’Inde sans avoir besoin de passer par le détroit iranien.  

Mais les deux îles en question ont une autre mission à remplir : le rapprochement israélo-saoudien. Outre les coopérations commerciales, les deux îles pourront accueillir les unités militaires, les unités de renseignent (Radar, satellite). Mais de ce grand deal, Sissi va-t-il tirer bénéfice ? Seul un quart des recettes liées à ce genre d’activité va à l’Egypte, ce qui est infime par rapport aux profits « stratégiques » que s’approprieront Israël et l’Arabie saoudite. A la longue, l’Egypte aura à s'en mordre les doigts puisque certains analystes n’écartent pas la possibilité de la fermeture prochaine du canal de Suez, si ces deux îles servent de pont entre le sol saoudienne et le port « israélien » de Haifa. 

En outre, cette démarche a fortement détérioré l’image d'Al Sissi en Egypte même auprès de ses partisans. Les Israéliens ont d’ailleurs tout fait pour que cette rétrocession se déroule dans des conditions très dégradantes pour l’homme fort du Caire : la presse israélienne a fait des révélations sur le contenu de l’accord égypto-saoudien en affirmant que Tel-Aviv en était bien conscient.

Pris de court, Sissi compte rencontrer quelques représentants de la société civile pour tenter de se racheter aux yeux de l’opinion publique. L’enjeu est majeur car cette démarche a suscité non seulement le tollé au sein des Frères musulmans, les ennemis jurés de Sissi mais aussi auprès des forces nationalistes qui n’apprécient guère «  les largesses du président-général ».

Le renseignement égyptien se veut d’ailleurs alerte. Dans un rapport, il met en garde Sissi contre les dangers d’une « démarche hâtive et sans préméditation » qui donnerait aux Egyptiens l’impression d’avoir capitulé. Sissi a d’ailleurs pris au sérieux ces avertissements exigeant à la presse de publier les documents prouvant la souveraineté saoudienne sur ces îles. 

Dans les faits, il faut un an à Riyad pour qu’il puisse bien imposer sa souveraineté sur ces deux îles car toute “rétrocession” a besoin d’être votée par les parlementaires égyptiens puis par le conseil des ministres. Au Caire, les officiels attendent impatiemment le grand manif du vendredi pour tâter le poules de la rue et faire une idée de ce qui devrait être la réaction de Sissi. 

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SOURCE: FRENCH PRESS TV