L’éminent journaliste du monde arabe Abdel Bari Atwan s’est attardé sur les dernières évolutions en Syrie, notamment dans la province d’Idlib, sans manquer de préciser que la « mère des batailles » serait bientôt lancée.
La Russie et les groupes armés syriens ont convenu de remettre à l’armée syrienne le contrôle des zones dans le gouvernorat de Quneitra adjacentes aux hauteurs du Golan, pour ainsi éviter des affrontements militaires sanglants et empêcher Israël de mettre à exécution ses menaces d’intervenir militairement, menaces qui visaient à protéger ces groupes terroristes, à faire peur à l’armée syrienne et à la contraindre d’arrêter ses avancées après être parvenue à reprendre la ville de Deraa et sa banlieue à l’exception de petites poches et de la bande frontalière qui sont occupées par l’armée de « Khalid ben al-Walid », affiliée à Daech.
Il s’agissait d’évacuer tous les résidents des villages de Foua et de Kefraya (7 000 habitants) fidèles au gouvernement syrien dans la province d’Idlib après trois années de siège imposé par des factions terroristes armées dirigées par Tahrir al-Cham (ex-Front al-Nosra).
La route a été aplanie pour la grande bataille, ou plutôt la « mère des batailles », dans la ville d’Idlib et ses environs, qui sont devenus un point de rassemblement pour les éléments des factions armées qui ont été déplacés par des bus verts venus de toute la Syrie vers la province d’Idlib.
Tout porte à croire que l’armée syrienne a mobilisé ses forces pour reprendre Idlib, soit par la paix soit par la guerre, avec le feu vert et une participation intensive de la Russie, comme ce qui s’est passé dans d’autres régions du pays telles que la Ghouta orientale, Deraa, Alep, Homs et Deir ez-Zor. La Russie a hâte de libérer la ville d’Idlib pour ainsi passer aux deux prochaines étapes, à savoir la reconstruction du pays et le lancement du processus de « Sotchi », qui permettront enfin de parvenir à un règlement politique de la crise syrienne.
La Turquie sera la partie la plus touchée par la prochaine phase, car Idlib est située près de sa frontière du Nord-Ouest et toute solution militaire permettant à l’armée syrienne de reprendre la ville pourrait aboutir à la liquidation définitive des factions loyalistes pro-Ankara et à l’afflux de centaines de milliers de terroristes et d’éléments armés vers ses frontières.
« La Turquie ne veut pas que le scénario auquel on a assisté dans la Ghouta orientale et le nord de Homs se reproduise dans le sud de la Syrie », a déclaré le porte-parole du ministère turc des Affaires étrangères, Hami Aksoy. Par de tels propos, il a en effet rappelé les déclarations du président turc Recep Tayyip Erdogan lors d’un entretien téléphonique avec son homologue russe Vladimir Poutine selon lesquelles « l’attaque de l’armée syrienne contre Idlib serait une violation de l’accord d’Astana ».
La solution politique à Idlib ne sera pas différente de celle dans la Ghouta orientale, dans le nord de Homs et dans le sud de la Syrie, même s’il y aura quelques modifications, car ce sera encore une fois la Russie qui servira de médiateur et toutes ces solutions n’auraient pas été possibles sans la participation des Russes aux bombardements aériens.
Si cette solution n’aboutit pas en raison de la domination des factions terroristes les plus radicales menées par Tahrir al-Cham sur la majeure partie de la province d’Idlib, le modèle de Grozny (bombardement violent et sans répit des positions terroristes dans la ville, qui avait été employé dans la capitale tchétchène) serait la prochaine option. Et ce modèle a été appliqué, il y a deux semaines, lorsque les groupes terroristes ont refusé d’accepter les conditions d’un compromis proposé par le médiateur russe.
Nous ne pensons pas que le « modèle de Grozny » soit réutilisé à Idlib, à moins que toutes les voies de médiation aboutissent à une impasse. De plus, la Turquie n’a jamais contesté la présence de son allié russe en Syrie. Dans la Ghouta orientale, elle a fermé les yeux sur le bombardement aérien russe des groupes armés alliés à Ankara et cela est l’exemple le plus frappant à cet égard.
Nous n’excluons pas la réconciliation entre les factions de l’Armée syrienne libre (ASL) et le gouvernement syrien à Idlib, un règlement global et une amnistie générale tout comme ce qui s’est passé dans la Ghouta et l’est d’Alep, mais la question la plus difficile et la plus compliquée concerne le sort des factions et des organisations terroristes comme le Front al-Nosra et Daech qui ne sont pas concernés par les accords de désescalade signés à Astana.
Dans les accords précédents, les éléments de ces groupes terroristes ont été transférés via des bus verts à Idlib, où iront-ils s’ils perdent Idlib, que ce soit par des négociations ou par la guerre ? Nous n’avons pas de réponse, mais nous offrons des possibilités. Peut-être les Russes auront-ils le dernier mot dans ce dossier ou peut-être que ce seront les Américains et les Turcs…