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Déchiffrage du discours de Nasrallah et son importance sur fond de la guerre à Gaza

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)

Par Xavier Villar

Le Secrétaire général du mouvement de Résistance libanais, Hezbollah, Sayyed Hassan Nasrallah, a prononcé le vendredi 3 novembre un discours puissant et stratégiquement important, qui a été analysé par des experts politiques du monde entier.

Il est cependant important d’indiquer que l’interprétation que la plupart des experts occidentaux ont faite de ses propos ne correspond pas à la réalité.

Ce manque de compréhension est dû à celui de connaissance des caractéristiques discursives spécifiques du Hezbollah et de l’Axe de la Résistance dans son ensemble.

En d’autres termes, le discours de Sayyed Hassan Nasrallah a été programmé et prononcé selon ses propres conditions, sans être contraint par le cadre politique occidental.

Dans un sens plus large, c’est l’une des caractéristiques distinctives de l’Axe de la Résistance : son autonomie discursive, qui est perçue dans la perspective que l’Occident n’est plus le point normatif central, car il ne jouit plus d’hégémonie.

On ne peut donc pas comprendre les propos de Nasrallah sans prendre en compte cet aspect.

En outre, le manque de compréhension conduit la plupart de ces experts à ignorer la situation actuelle au Liban et le long de la frontière nord de la Palestine occupée, où le Hezbollah est déjà engagé.

Selon ses propres rapports, la Résistance libanaise a détruit au moins neuf chars de l’armée israélienne, déplacé plus de 65 000 colons et tué ou blessé quelque 120 militaires israéliens. Par contre, 59 de ses propres combattants sont tombés en martyr.

Stratégiquement parlant, les actions du Hezbollah empêchent l’armée sioniste de se concentrer entièrement sur la bande de Gaza assiégée.

Cela n’a donc aucun sens d’interpréter les propos de Nasrallah comme une « confirmation de la désescalade ». Le discours même montrait clairement le contraire.

Le Secrétaire général du Hezbollah a non seulement menacé l’entité sioniste d’une riposte ferme si elle poursuivait son génocide à Gaza, mais a également attiré l’attention sur les États-Unis, qu’il tenait directement responsables de la situation dans le territoire côtier assiégé.

Comme l’a souligné le professeur Amal Saad, cela est profondément significatif. D'une part, cela souligne la volonté du Hezbollah d'attaquer les États-Unis s'ils continuent de refuser un cessez-le-feu à Gaza.

D'un autre côté, il reconnaît le manque de souveraineté et d'autonomie de l'entité sioniste que le Secrétaire général du Hezbollah a qualifiée d'« outil exécutif des États-Unis ».

Politiquement parlant, l’analyse du discours de Nasrallah, est très pertinente pour comprendre la situation.

Si l’on définit la « puissance » comme la capacité d’action autonome, il devient évident que le régime israélien ne peut pas être considéré comme une puissance au sens propre du terme, dans la mesure où sa capacité d’agir dépend fondamentalement du soutien extérieur des États-Unis et d’autres alliés.

Tout cela souligne une fois de plus la nécessité d’appréhender le discours de Nasrallah dans ses propres termes politico-idéologiques. C’est le mouvement qui détermine son propre calendrier, un point que la plupart des analystes occidentaux semblent négliger.

Dans ce contexte, il est crucial de rappeler que lors de sa victoire contre l’armée sioniste en 2006, le Hezbollah n’a engagé que quelques centaines de ses membres dans des combats directs.

Cela a souligné l’importance de comprendre la stratégie politico-militaire de la Résistance libanaise selon ses propres termes. En 2006, des sources américaines et israéliennes ont estimé que quelque 5 000 personnes étaient membres du Hezbollah.

Aujourd’hui, selon ces mêmes sources, le Hezbollah compte plus de 100 000 membres et possède un arsenal beaucoup plus moderne, capable d’en finir avec le régime de Tel-Aviv.

D’un point de vue politico-discursif, on peut affirmer que les experts qui s’attendaient à une déclaration de guerre de la part du Hezbollah envisagent la Résistance à travers le prisme limité d’une binaire : guerre ou paix.

Cette approche binaire, ancrée dans un discours extérieur au groupe lui-même, ne tient pas compte, comme mentionné précédemment, du fait que le Hezbollah est déjà directement impliqué dans le conflit contre l’occupation sioniste, comme l’a déclaré Nasrallah lui-même vendredi.

L'étendue de la participation du Hezbollah est une décision qui relève uniquement de sa compétence. Attendre le contraire reviendrait à imposer un cadre politico-discursif étranger au Hezbollah et qui ne profiterait finalement pas à l’ensemble de l’Axe de la Résistance.

Cette imposition discursive se retrouve également dans la caractérisation du Hezbollah comme un « mandataire iranien ». La doctrine du sponsor-mandataire simplifie la relation multiforme entre l’Iran et le Hezbollah en une simple question d’échange matériel, où Téhéran, en tant qu’État, utilise son pouvoir pour contrôler le groupe subordonné.

En plus d’être une vision trop simpliste, cette perspective repose sur des fondements épistémiques qui incluent la catégorie de mandataire aux côtés d’autres termes comme « terroriste » et « extrémiste » au sein d’une chaîne d’équivalence.

Il s’agit d’une catégorie prescriptive qui cherche à criminaliser les mouvements de Résistance contestant le projet hégémonique occidental dans la région, en particulier ceux qui expriment leur résistance au projet occidental dans un langage non laïc.

La catégorie proxy est donc un autre outil utilisé par l’Occident (entendu comme une idéologie plutôt que comme une géographie) pour diviser la région entre amis et ennemis, ce qui signifie une division politique de la région qui considère l’Iran et le Hezbollah comme des menaces stratégiques pour ses intérêts.

Le Hezbollah est un acteur autonome, tant sur le plan politique que discursif. C’est précisément en raison de cette autonomie qu’il devient essentiel d’interpréter le Hezbollah (ainsi que les autres membres de l’axe de la Résistance) dans leur propre cadre et non à travers le prisme du langage politique occidental.

Lire l’Axe de la Résistance à travers une grammaire qui lui est étrangère ne fait que perpétuer la criminalisation de toute tentative de démantèlement de l’épistémologie occidentale dans la région.

 

Xavier Villar est docteur en études islamiques et chercheur basé en Espagne.

(Les opinions exprimées dans cet article ne reflètent pas nécessairement celles de Press TV)

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SOURCE: FRENCH PRESS TV