Ce n'est ni l'Irak, ni le Yémen, encore moins la Syrie mais le Pentagone qui a eu peur d'enlisement : après 72 heures de cacophonie et de confusion, de limogeage du secrétaire à la Défense sur fond de la fronde des généraux de l'armée US, celle-ci a regagné ses casernes. Le secrétaire à la Défense, Mark Esper a donc ordonné que les troupes en service actif et déplacées dans la région de Washington DC, retournent dans leur base d'attache de Fort Drum à New York. Des troupes de la 82ème division aéroportée, de la 10ème division de montagne et de la 1ère division d’infanterie – qui ont perdu des guerres au Vietnam, en Afghanistan, en Irak et en Somalie – étaient déployées sur la base aérienne d’Andrews, prêtes à se lancer dans la chasse aux "insoumis" et à faire couler du sang comme ils l'ont fait et font toujours et depuis des années, au Moyen-Orient.
Le président américain, Donald Trump est donc publiquement désavoué par l'armée bien qu'il n'ait comme toujours pas manqué d'air et soit allé jusqu'à prétendre que tout est sous contrôle. Mais si ses menaces de recourir à l'«Insurrection Act» et de faire appel à l'US Army pour «régler rapidement le problème» des manifestations si les gouverneurs ne le font pas, ont placé le président américain en porte-à-faux avec une nouvelle institution, d'habitude beaucoup plus silencieuse, cela n'irait pas sans avoir des conséquences directes : un commandant en chef désavoué par ses subalternes, c'en est un? Pas vraiment.
Au fait, le refus de l'US Army de s'engager dans la rue contre la population US intervient alors que diverses villes américaines sont toujours le théâtre des protestations et que 12 jours après le début des manifs, il n'existe aucun signe d'essoufflement. Et c'est justement la raison pour laquelle les généraux américains se sont refusés à suivre leur commandant en chef et refuseront encore à le suivre dans les prochains jours. Avec plus de 100 000 morts en l'espace de quelques semaines et plus de 40 millions de chômeurs générés dans le sillage de la Covid-19, le combat du régime américain contre la rue est perdu d'avance.
Reste que dans un pays comme l'Amérique, constamment en guerre, la désobéissance de l'armée US face à son commandant en chef ne peut pas être de bonne augure et divers fronts de combat US en Asie de l'ouest en ont apporté les signes : face à l'Iran, les Etats-Unis ont été amenés à libérer un ingénieur iranien qu'il détenait depuis des mois au point de susciter des commentaires de ses opposants: Trump disait ne pas lâcher du leste face à Téhéran mais il l'a fait à plus d'une reprise : « Il a libéré Taheri, ne rien fait pour les pétroliers iraniens ayant fait interruption aux Caraïbes, a prorogé les dérogations à l’importation du gaz et de l'électricité iranienne en Irak, bref a fourni beaucoup de dollars à l'Iran pour obtenir la libération d'un ex marines; Et dire que l'Iran continue à défier les USA et à refuser le principe de tout dialogue et ce, sur fond de tweet enflammé de Trump qui appelle Téhéran à un big deal ».
En Irak, alors que le pays va entamer les pourparlers stratégiques avec les USA, un sous secrétaire sous Bush, Mark Kimmitt vient de faire des révélations intéressantes : « En Irak, aucun groupe politique n'est favorable au maintien de troupes US. Même les courants les plus pro américains veulent que les troupes US réduisent leur rôle à la formation et au soutien logistique. On va droit vers un scénario identique à 2011 ».
Quant à la Syrie, la réaction de Damas à l'insurrection américaine est fort intéressante : Le gouvernement syrien prévoit de soutenir par des moyens militaires les forces pro-démocratiques des États-Unis contre le régime autoritaire de Washington, comme l’a annoncé le président Bachar Assad dans un discours. « Nous ne pouvons plus rester les bras croisés pendant que ce dictateur sanguinaire réprime brutalement sa propre population et piétine les droits légitimes des manifestants pacifiques », a déclaré Assad. « C’est pourquoi nous soutiendrons les rebelles modérés de Seattle à New York avec des armes et des instructeurs militaires, avec effet immédiat ». Selon Assad, c’est la seule chance d’un changement vers une démocratie juste dans ce pays en crise.
Le succès du soutien stratégique de Damas n'est pas aussi discutable qui paraît : des frappes syriennes contre les positions US en Syrie pourrait bien booster le mouvement des protestations aux USA où la population en a assez d'avoir à payer du sang de ses fils le maintien d'un ordre parfaitement inéquitable et discriminatoire. Assad a déclaré à la fin de son discours : « Tant qu’il y aura de l’espoir, nous continuerons à soutenir le printemps américain. »
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