Vladimir Koulikov, expert en chef du département du Moyen-Orient de l’Académie des sciences de Russie, examine, dans un article, la guerre de brut entre la Russie, l’Arabie saoudite et les États-Unis, insinuant que la vraie guerre se passe entre les Russes et Américains, tandis que les erreurs de calcul de Mohammed ben Salmane le poussent vers une situation de plus en plus délicate.
« Le prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane, a commis une grande erreur en s’engageant dans une guerre pétrolière avec Vladimir Poutine dont le pays est fondé sur une véritable économie et qui n’a pas besoin de mains-d’œuvre étrangères », indique l’article.
Vladimir Koulikov continue : « L’Arabie saoudite, un acteur de premier plan du marché mondial d’hydrocarbure, vit actuellement une grave crise. Derrière cette stabilité superficielle et fragile dont l’Arabie saoudite est fière, pèsent sur le pays les différends, les profondes fissures, le mécontentement des membres de la famille royale et des tensions sociales. Le taux de chômage élevé de jeunes Saoudiens, la pauvreté accrue et les différends entre les sunnites et les chiites mettent en cause la capacité des dirigeants saoudiens pour maintenir la stabilité à l’intérieur de l’Arabie saoudite. À présent, l’Arabie saoudite vit une époque décisive, car l’économie du pays ainsi que les conditions de vie des citoyens saoudiens se trouvent dans un état de morosité sur fond de la dégringolade des cours de brut. Le régime en place en Arabie saoudite a été également très fragilisé par la guerre au Yémen et l’échec du blocus diplomatique du Qatar ainsi que par l’influence de l’Iran au Liban, en Syrie et en Irak. En plus, la succession au trône en Arabie saoudite reste dans un halo d’incertitude.
Quant à Mohammed ben Salmane, il a parié sur le mauvais cheval lors des élections présidentielles américaines bien qu’il soit connu pour ses compétences dans les affaires politiques. C’est ainsi que les relations entre Mohammed ben Salmane et son plus grand allié, c’est-à-dire les États-Unis, se sont dégradées après l’échec des démocrates aux présidentielles américaines ».
Selon l’expert russe, « aujourd’hui, c’est le statut du schiste américain sur le marché mondial ainsi que la stratégie de Donald Trump destinée à assurer les intérêts des producteurs du pétrole américain partout dans le monde qui pousse la Maison-Blanche à agir à l’encontre du prince héritier saoudien. En plus, ce que fait l’Arabie saoudite sur le marché du brut nuit sérieusement à l’industrie pétrolière des États-Unis qui est censée créer environ dix millions d’emplois. En effet, les derniers agissements de ben Salmane en matière de pétrole montrent qu’il ne fait aucun cas des préoccupations de Washington ou des dommages qui pourraient toucher l’économie du monde sous le signe du coronavirus ».
« La première phase d’un accord commercial, conclu en janvier entre les États-Unis et la Chine, vient à l’appui de cette affirmation. Donc, la solution la plus facile pour les États-Unis afin de régler leurs problèmes est d’attiser la tension en Arabie saoudite. Ce qui contraindra Riyad de renoncer à ses bras de fer avec les États-Unis et qui le rendra plus flexible quant aux prochaines étapes de cette guerre pétrolières. Washington ne peut sûrement pas perdre le temps, car ses réserves de schiste seront bientôt toutes pleines et il faut qu’il agisse rapidement. Il paraît que l'élite saoudienne encouragerait Mohammed ben Salmane à s’engager dans une nouvelle guerre, cette fois-ci au sujet du pétrole ».
Vladimir Koulikov conclut : « Il semble que Mohammed ben Salmane vive une situation bien difficile, car non seulement il n’a pas de marge de manœuvre au Moyen-Orient, mais en plus se poursuivent des conflits sans précédent à l’intérieur de l’Arabie saoudite. L’Arabie saoudite est obligée de dépenser avec modération ses ressources financières et réduire même son budget, car le pays est déjà entré dans une guerre d’usure qui durera apparemment longtemps. Par ailleurs, la chute de la demande, la dégringolade des cours de brut et une économie mondiale en crise risqueraient de contraindre l’Arabie saoudite de renoncer à ses projets ambitieux, dont NEOM, et de se concentrer, en revanche, sur les activités pouvant donner naissance à de nouveaux emplois. Étant donné tous ces problèmes, Mohammed ben Salmane commettrait une très grande erreur en s’engageant dans une nouvelle confrontation avec Vladimir Poutine surtout, car Poutine est extrêmement prêt à passer à l’acte et qu’il est devenu un homme d’État de poids en Asie de l’Ouest. En effet, les erreurs de calcul de Mohammed ben Salmane le poussent vers une situation délicate. Si le prince héritier d’Arabie saoudite ne change pas de cap vis-à-vis des États-Unis et de la Russie, il ne pourra pas ni continuer cette guerre pétrolière ni maintenir son trône ».