Pour l’ancien ambassadeur allemand à Washington, Donald Trump n’a pas encore saisi les bienfaits de l’accord nucléaire avec l’Iran et à défaut d'une bonne compréhension des enjeux, il risque aussi d'échouer dans le dossier nord-coréen.
L’ex-ambassadeur allemand aux États-Unis Klaus Scharioth qui avait pris part aux négociations sur le nucléaire iranien, a évoqué dans une interview au journal Süddeutsche Zeitung, la rencontre du mardi 12 juin entre le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un et le président américain Donald Trump à Singapour :
« Le document publié n'est vraiment pas un accord, mais simplement une déclaration d'intention. Ce serait plutôt un premier pas. Il manque à ce document trois choses importantes, d'abord un calendrier: quand et de quoi faut-il négocier. Rien n'est dit non plus du mécanisme de vérification du processus de dénucléarisation ni de son contrôle. Or avec l'Iran, la partie occidentale a longuement négocié le mécanisme du contrôle et de vérification du programme nucléaire. Par exemple, des inspections inopinées de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) en Iran avaient été prévues. Tout cela peut être réalisé lors de négociations ultérieures, mais pour le moment, ces mécanismes font défaut à la déclaration finale du sommet de Singapour. Et un troisième point, rien n'est dit sur le financement du processus de dénucléarisation de la Corée du Nord. Tout désarmement est coûteux et, contrairement à l'Iran, la Corée du Nord n'est pas un pays riche. »
S’attardant sur les objectifs recherchés par de Trump à travers son sommet avec le leader nord-coréen, l’ex-ambassadeur allemand à Washington a déclaré : « Trump veut prouver à ses électeurs qu'il est différent des autres et qu'il fait tout différemment, qu'il méprise l'élite de Washington. Trump estime qu'il est le premier et seul dirigeant politique à faire tout correctement. De plus, il est contre tout multilatéralisme, même si ce multilatéralisme profite à ses alliés. Tout devra se régler entre les États-Unis d'une part et leurs adversaires de l'autre".
Dans une autre partie de cet entretien, Klaus Scharioth a évoqué le comportement et la position du président américain lors du récent sommet du G7 au Canada et il a affirmé :
« Il ne se sent pas bien. Il a des doutes sur les négociations multilatérales, parce qu'il a le sentiment que moi, l'Amérique, je suis plus forte que les autres. C'est pourquoi il préfère négocier individuellement avec la Belgique, au lieu de négocier avec l'Union européenne. Il y a un grand danger dans la façon dont Trump se comporte envers l'Europe. Il voit tout comme un jeu avec un gagnant et un perdant. Il ne parle que rarement d’un jeu gagnant-gagnant. »
Interrogé par le journaliste de Süddeutsche Zeitun, sur le sérieux de Kim Jong-un à vouloir réellement se dénucléariser, le diplomate émet des doutes : «Il voudrait sans doute travailler en ce sens, mais ce qui importe, aujourd’hui c'est que la Corée du Nord est la grande gagnante du sommet de Singapour, puisqu’elle a mis un terme pour presque rien à son isolement international », a-t-il ajouté.
Mais l'exemple de la Corée du Nord tel qu'il est traité par les USA pourrait s'étendre au cas iranien?
« Donald Trump ignore les bienfaits de l’accord nucléaire iranien dont il s’est retiré. Le point essentiel est qu’un accord devra avoir un cadre et un mécanisme comme l'accord conclu avec l'Iran. C'est une tâche difficile. Avec les Iraniens, ça nous a pris 12 ans. Cela m'étonnerait qu'avec la Corée du Nord, autant d'années sinon plus ne soient pas nécessaires », a-t-il ponctué.