Quelques heures après l’annonce de la stratégie iranienne de Trump, l’armée de l’air israélienne affirme avoir activé ses F-35. Israël se réjouit de la perspective d’une guerre à venir. Il va vite en besogne.
Après sept ans de guerre sans merci contre l’État syrien, guerre qui visait à provoquer en deux semaines la chute de la capitale Damas, les forces de sécurité syrienne viennent de pénétrer dans la dernière localité de la banlieue sud de Damas encore aux mains des terroristes, al-Hajar al-Aswad. Or, le drapeau national qui flotte désormais au-dessus de la ville est porteur d’une réelle menace. Non seulement pour les groupes terroristes qui courent à leur perte, mais aussi pour le pays qui s’en servaient pour empêcher l’armée syrienne et ses alliés de descendre plus au sud.
Al-Hajar al-Aswad n’est pas une localité quelconque. Elle est placée sur l’autoroute menant à Deraa. Tout au long de sept ans de guerre, Israël a tenté, en apportant son appui indirect au Front al-Nosra, d’empêcher les opérations de l’armée syrienne et du Hezbollah de s’étendre à Deraa et, partant, au Golan. Désormais les choses iront autrement. Et comment ?
Si les rodomontades de Pompeo sur l’Iran et la stratégie US à l’égard de ce pays ont laissé sans voix les chancelleries occidentales, ne serait-ce que par sa grossièreté extrême, son irréalisme et sa confusion, elle a fait des heureux en Israël, où les va-t-en-guerre sont au pouvoir. Si bien que le commandant en chef de l’armée de l’air, Amikam Nurkin, est sorti des limbes pour affirmer que les F-35 israéliens traversaient jour et nuit les pays du Moyen-Orient et qu’ils avaient même bombardé des cibles en Syrie à deux reprises. La prétention est grossière, puisqu’elle laisse supposer que les explosions de ces derniers jours à Hama, ou encore dans la banlieue de Damas seraient l’œuvre des F-35 israéliens, qui auraient échappé à la vigilance des radars syriens et surtout russes. Ce coup de bluff est d’autant plus insensé que l’avion en question passe pour un appareil défectueux et à ranger bientôt dans les placards de son concepteur américain. En fait, par cette annonce, Israël a voulu faire passer un message à Poutine : nos F-35 seraient parfaitement capables de cibler non seulement les sites syriens et « iraniens », mais aussi les sites russes.
Or ce triomphalisme qui fait pendant à la « nouvelle stratégie iranienne » de la Maison-Blanche risque de n’être que de courte durée. Pourquoi ?
Selon des sources proches de l’état-major de l’armée syrienne, les forces spéciales syriennes auraient reçu l’ordre exprès du président de se diriger vers Deraa, non loin des régions limitrophes du Golan occupé. Ces forces ne se feraient plus accompagner par les seuls « proxies iraniens » ainsi que le confirme sans répit la presse israélienne. Ces forces chargées de se battre aux côtés des unités régulières de l’armée syrienne et qui ont pour mission d’opérer au Golan, verront, chose nouvelle, les « rebelles » récemment désarmés de la Ghouta, de Yarmouk et d’autres localités du Sud syrien, grossir leurs rangs. Ce sont des ex-mercenaires du camp atlantiste qui se sont battus pendant des années contre l’armée syrienne et pour le compte d’Israël, au Golan entre autres, et qui constituent, à cet égard, une précieuse manne d’informations. Bref, cette force serait à intégrer à un nouveau système d’organisation dont le principal corps de bataille est mobile et compact, et donc apte à mener des combats de rue. Ce n’est pas forcément une bonne nouvelle pour une armée israélienne qui fait déjà face aux prémices d’une militarisation de la Cisjordanie, au plus fort de la crise autour de Qods.
Alors, avec ou sans ses F-35, Israël aura bien du pain sur la planche dans les semaines qui viennent. Et le soutien US à sa cause n’y changera rien. Les contingents de l’OTAN dépêchés sur place par les Américains pour appuyer les Kurdes (et partant les Israéliens) sont loin d’être d’un grand recours. Quelque 60 soldats français appartenant à ces continents sont déjà aux mains des forces gouvernementales syriennes tandis qu’à Hassaké, les premières opérations anti-US ont commencé.
Alors Israël a tout intérêt à être plus prudent et à ne surtout pas prendre pour argent comptant les fanfaronnades de Pompeo, qui ont scandalisé le monde. Le 10 mai, le jour où le renseignement israélien a rudement été touché au Golan, l’armée de l’air israélienne a frappé une batterie S-200 syrienne, croyant avoir réalisé là un coup de maître. Et depuis, des « explosions » se multiplient sur des sites syriens, où les experts militaires israéliens croient entrevoir des « bases des Pasdaran ». Mais dans le jargon militaire, certains appelleraient ces sites « des leurres ». En croyant frapper « des entrepôts d’armes et de missiles » supposés de l’Iran en Syrie et qui sont en réalité des « sites vides et dépeuplés », l’agresseur mord bien à l’hameçon.