Les membres d’une commission caribéenne s’apprêtent à entamer une série de discussions destinées à sensibiliser l’opinion publique britannique, encore largement méconnaissante du rôle joué par le Royaume-Uni dans la traite négrière, alors même que plusieurs dirigeants européens refusent d’aborder la question.
Selon la presse britannique, une délégation de la Commission des réparations de la Communauté caribéenne (CARICOM) se rend le 17 novembre au Royaume-Uni pour une visite officielle qualifiée d’« historique ». L’objectif : engager le dialogue avec des responsables et parlementaires britanniques, des diplomates caribéens, des universitaires et des organisations de la société civile. D’ici jusqu’au 20 novembre, la délégation présentera les demandes visant à réparer les injustices héritées de l’esclavage et du colonialisme, ainsi que leurs conséquences toujours perceptibles dans les anciennes colonies britanniques.
Les appels en faveur des réparations pour la traite négrière se sont multipliés à l’échelle internationale, notamment au sein de la CARICOM, qui regroupe 15 États membres, dont la Barbade et la Jamaïque, ainsi qu’au sein de l’Union africaine (UA).
D’après le Dr Hilary Brown, membre de la délégation et responsable du programme Culture et développement communautaire de la CARICOM, cette visite constitue « la première d’une série d’actions que nous souhaitons mener pour sensibiliser l’opinion publique, corriger les idées erronées au sujet du mouvement des réparations et établir des partenariats stratégiques afin de faire avancer cet agenda essentiel de réparation des injustices historiques ».
Pendant plus de 400 ans, du XVe au XIXe siècle, le commerce des esclaves a arraché plus de 12,5 millions d’Africains à leur terre pour les déporter vers les Amériques, où ils ont été réduits en esclavage. Pour la CARICOM, il est aujourd’hui indispensable d’agir et d’informer sur ce pan de l’histoire moderne afin de s’attaquer aux séquelles persistantes et aux racines du racisme.
Un sondage, mené en 2025 auprès de 2 000 adultes britanniques, a indiqué que 85 % des interrogés ignoraient que la Grande-Bretagne avait mené une déportation forcée de plus de trois millions d’Africains vers les Caraïbes.
L’enquête a aussi révélé que 89 % des Britanniques ignoraient que leur pays avait réduit des personnes en esclavage dans les Caraïbes pendant plus de 300 ans, que 63 % étaient favorables à des excuses officielles aux nations caribéennes et aux descendants des personnes réduites en esclavage, soit une hausse de 4 % par rapport à 2024, et que 40 % étaient favorables à des réparations financières, avec aussi une augmentation de 4 % par rapport à l’année précédente.
En matière de réparations, la CARICOM propose un plan appelant à des excuses complètes et formelles des gouvernements, des programmes éducatifs centrés sur la question, l’annulation de la dette des pays des Caraïbes où la traite avait prospéré et une compensation financière. Pour sa part, l’Union africaine élabore aussi sa propre proposition de réparation.
Du côté européen, plusieurs dirigeants ont non seulement exprimé leur opposition aux réparations, mais se refusent même à en parler, invoquant le fait que les États et les institutions ne devraient pas être tenus responsables des injustices historiques.
Dans cette perspective, le Premier ministre britannique, Keir Starmer, avait déclaré en 2024, avant le sommet du Commonwealth aux Samoa, qu’il préférait se tourner vers l’avenir plutôt que de s’engager dans « de très longues et interminables discussions sur les réparations du passé », a rapporté la presse britannique.