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Quel bilan tirer des Jeux olympiques de Paris ?

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)

Par Ghorbanali Khodabandeh

Quel bilan tirer des JO de Paris 2024 ? Après deux semaines de compétitions, les Jeux olympiques de Paris se sont achevés dimanche 11 août avec une cérémonie de clôture qui a suscité, encore, des critiques. La cérémonie de clôture des Jeux olympiques de Paris 2024 aura moins fait couler d’encre que la très décriée cérémonie d’ouverture deux semaines plus tôt, mais elle aura néanmoins nourri la critique sur les réseaux sociaux.

Après une quinzaine réussie pour les sportifs français, cet évènement qui s’est déroulé dimanche au Stade de France à Saint-Denis dans la banlieue nord de Paris, reflète le succès mitigé d’une compétition sportive qui aura été résolument éclaboussée par des considérations politiques.

Emmanuel Macron aurait espéré profiter du succès des Jeux olympiques, comme Jacques Chirac avec le Mondial 1998. Mais il risque plutôt d’être rattrapé rapidement par la crise politique.

Pire encore, les différentes polémiques enregistrées lors de cette 33e édition des JO, notamment le génocide à Gaza, ont mis en lumière le parti pris des instances sportives internationales et des puissances occidentales en l’occurrence la France, au mépris de l’esprit et des règles de la Charte olympique.

Macron et l’exploitation politique des Jeux olympiques

Le président français, Emmanuel Macron, est célèbre pour ses embrassades enthousiastes envers les stars du sport – comme peut en témoigner le footballeur Kylian Mbappé. Mais aux Jeux olympiques de Paris, l'approche affectueuse de Macron envers les athlètes de la nation a dépassé tout ce qui avait été fait auparavant.

Les opposants politiques se sont irrités de ce qu’ils ont qualifié de la présence « maladroite » du président lors d’événements soigneusement sélectionnés pour la victoire de l’équipe nationale. Mais Macron sait combien il est important d’exploiter le facteur « bien-être » en France. Il n’a pas manqué de faire la comparaison entre le succès des Jeux de Paris et l’ambiance qui régnait en 1998 après la victoire de la France à la Coupe du monde de football masculin, lorsque le président de l’époque, Jacques Chirac, a connu un bond de popularité.

Mais alors que la cérémonie de clôture s’est terminée dimanche soir, Macron sera de nouveau plongé dans les difficultés de la politique intérieure et le bilan des JO de Paris en matière de politique intérieure reste extrêmement mitigé.

Macron a mis sa politique intérieure en suspens pour les Jeux – une « trêve olympique », comme il l’a appelé – et comptait sur un gouvernement intérimaire qui a déjà démissionné. Macron est désormais sous pression pour nommer un nouveau Premier ministre avant la cérémonie d’ouverture des Jeux paralympiques, le 28 août, mais rien n’indique de quel parti il ​​ou elle pourrait provenir.

Pour les experts, l’effet, pour le chef de l’État, sera, au mieux, « fugace ». « Cela change le climat collectif mais pas la donne politique : la situation reste bloquée, beaucoup d’électeurs sont frustrés… Les Français font la part des choses et restent très remontés contre Emmanuel Macron », juge le politologue Emmanuel Rivière. Le premier sondage réalisé depuis le début des JO ne faisait état que d’une progression de deux points de la cote de confiance du président, à seulement 27 %.

Les Jeux olympiques de Paris et l’État policier de Macron

Le bilan des JO de Paris en matière de gestion sécuritaire a également suscité une vive polémique : alors qu'il tient des pourparlers en coulisses avec le RN d'extrême droite sur un futur gouvernement, Macron fonde son pouvoir directement sur les forces de police, qui votent en grande partie pour le RN.

La police et le renseignement ont passé au crible un million de personnes – athlètes, bénévoles, travailleurs aux Jeux. Après ces contrôles, basés sur 20 millions de fiches, l’équivalent d'un tiers de la population, 5.000 personnes ont été interdites d’assister aux Jeux. Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, qui a lancé à plusieurs reprises de vagues accusations selon lesquelles la Russie voudrait déstabiliser la France pendant les Jeux olympiques, a affirmé que ceci avait démasqué 1.000 espions.

Les préfets interdisent les manifestations contre le génocide à Gaza, alors que drones, hélicoptères et détachements des forces de l’ordre établissent de multiples zones de sécurité sur le territoire et dans le ciel de Paris. Avant ces Jeux, la police a déplacé 12.000 personnes à Paris, souvent sans abri. Avec l'intégration des forces de police, même les agents de sécurité des transports interviennent dans les métros bondés pour arrêter et menotter les suspects.

La répression va de pair avec les dénonciations incessantes de la gauche dans les médias. Après plusieurs incendies visant les infrastructures ferroviaires et Internet pendant les jeux, la police déclare avoir décelé le « mode opératoire de l'extrême gauche ».

Avant les Jeux, le renseignement français a préparé une note qui s'inquiétait de la possibilité que des émeutes en France servent de « vitrine » à l’opposition sociale devant les 3 milliards de personnes qui regardent les Jeux autour du monde.

Les Jeux olympiques ne feront pas oublier le génocide à Gaza

Face à la terrible situation à Gaza rendue possible grâce à la complicité directe des gouvernements occidentaux, les Jeux olympiques de Paris ont levé le voile, plus que jamais, sur une réalité que beaucoup s’activent à masquer ou à nier. C’est le sens des mobilisations en cours contre la présence des équipes israéliennes aux Jeux olympiques qui est un outil de sportwashing qui vise à nous faire oublier la situation sur place et blanchir les crimes d’Israël. Ces jeux se sont déroulés dans l'ombre de la guerre, du génocide et de l'effondrement de la société capitaliste, alors que la classe dirigeante lance un barrage de propagande nationaliste abrutissant au milieu de la guerre de l'OTAN avec la Russie et du génocide palestinien à Gaza.

Avant les Jeux, Macron a déclaré qu'il serait heureux d'inviter le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, recherché pour génocide par la Cour pénale internationale, aux Jeux. Finalement, c'est le chef du régime israélien Isaac Herzog qui a rencontré Macron à l'Élysée avant d'assister à la cérémonie d'ouverture.

Herzog a exigé la punition collective du peuple palestinien qui a coûté la vie à plus de 40.000 personnes. Il a justifié les frappes contre hôpitaux, camps de réfugiés, et infrastructures essentielles qui ont coûté la vie à des dizaines de milliers de personnes, en déclarant: « Malheureusement, dans leurs maisons, il y a des missiles qui nous tirent dessus ».

Ceci démasque l'hypocrisie du refus par Macron de permettre aux athlètes russes et biélorusses d’assister à la cérémonie d'ouverture. Cet acte vise l'opposition de la grande majorité de la population, aux États-Unis, en Europe occidentale et à l'international, aux appels de Macron et de ses alliés de l'OTAN à envoyer des troupes terrestres en Ukraine pour combattre la Russie.

Les Jeux olympiques 2024 ont révélé les tensions et les enjeux géostratégiques

Les Jeux olympiques de Paris 2024 ont servi de toile de fond à une scène internationale où le sport, la diplomatie et les enjeux géopolitiques se sont entrelacés de manière complexe. Ce qui devait être une célébration de l’excellence athlétique est devenue un miroir révélateur des tensions et des dynamiques mondiales, dressant un bilan extrêmement controversé des JO de Paris et de la diplomatie sportive du gouvernement Macron.

Israël a bel et bien participé aux jeux comme si de rien n’était. Les appels au boycott n’ont pas été entendus, le Comité international olympique a refusé d’aller dans le sens des demandes répétées du Comité olympique palestinien qui a rappelé la mort de nombreux athlètes dans les bombardements à Gaza et un bilan humain qui ne cesse d’augmenter avec 40.000 morts en 10 mois. Ce statut est le résultat des controverses profondes entourant le conflit israélo-palestinien et du soutien occidental dont bénéficie Israël. Ce soutien, souvent perçu comme une forme de complicité tacite, a profondément influencé la manière dont ces Jeux ont été perçus.

Les tensions géopolitiques ont coloré la perception des Jeux, transformant les podiums en symboles de débats politiques complexes. Alors que les idéaux olympiques prônent l’unité, la paix et la fraternité, la réalité a révélé des contradictions flagrantes. Les JO de Paris 2024 ont mis en lumière un décalage entre les valeurs affichées par le mouvement olympique et les dynamiques politiques en jeu, soulignant comment le sport peut être utilisé pour refléter et, parfois, masquer des enjeux plus profonds.

Ainsi, derrière l’apparente célébration de l’excellence athlétique se cachait un miroir des tensions mondiales, où les alliances politiques et les conflits géopolitiques façonnaient la portée et la perception de l’événement.

En conclusion, les Jeux olympiques de Paris 2024 nous rappellent que le sport, tout en étant un symbole de paix et d’unité, ne peut échapper aux complexités du monde contemporain. Au-delà des médailles, ces Jeux ont révélé comment les enjeux diplomatiques et médiatiques façonnent notre compréhension du monde.

Ghorbanali Khodabandeh est un journaliste et analyste politique iranien basé à Téhéran.

(Les opinions exprimées dans cet article ne reflètent pas nécessairement celles de Press TV.)

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SOURCE: FRENCH PRESS TV