Si le président français venait à se rendre en Iran pour tenter de maintenir le pays dans l’accord nucléaire, le partage de rôle pourrait alors changer. La France pourra-t-elle réussir la technique du bon flic ? Les lignes qui suivent résument un article paru ce lundi 1er juillet par le site Mashregh News à ce sujet.
En réaction aux manquements des Européens à leurs engagements pris dans le cadre du Plan global d’action conjoint (PGAC, accord sur le nucléaire iranien), l’Iran a opté depuis le 8 mai pour deux pas importants, couvrant chacun une période de deux mois. Dans le premier pas, l’Iran a annoncé qu’il n’accepterait plus les restrictions au sujet du stockage d’eau lourde et d’uranium enrichi, et qu’il se désengageait de l’obligation de ne pas en vendre aux marchés mondiaux. Et dans le second pas, l’Iran a annoncé de plus importantes décisions, dont l’augmentation du niveau d’enrichissement de l’uranium jusqu’à un plafond supérieur à 3,67 %. Il a également annoncé sa décision de revoir la reconfiguration du réacteur d’Arak.
Depuis, les choses ont pris un rythme accéléré. Le camp occidental a élaboré des scénarios les uns plus ambigus que les autres, comprenant à la fois des menaces et des appels au dialogue et à l’adhésion au GAFI, Groupe d'action financière ou FATF selon son sigle anglais. Des intermédiaires, Ben Alaoui et Shinzo Abe ont pris l’avion pour Téhéran, alors que les États-Unis ont pendant ce temps annoncé l’envoi de quelques dizaines de milliers de nouveaux effectifs dans la région, avant que leur secrétaire d’État Mike Pompeo ne vienne annoncer que l’option militaire n’était pas sur la table. L’appel au dialogue sans condition était suivi de l’annonce des préconditions, tandis que les Européens, eux, n’ont pas manqué d’avancer leurs revendications trop exigeantes. Ils disent avoir démarré l’Instex (Instrument d'appui aux échanges commerciaux Iran-Europe) qu’ils maintiennent cependant dans son état le moins avancé.
Des observateurs et analystes politiques disent que le président français, Emmanuel Macron, fera un déplacement en Iran pendant les jours à venir. Certains disent que ce troisième « médiateur » aurait demandé l’autorisation pour mener cette mission à la personne même du président US, Donald Trump, qui a proposé un deal façon américaine au chef de l’État français : « en essayant de persuader l’Iran à donner de nouvelles concessions sur les dossiers régionaux et son programme de missiles, Macron pourrait espérer que les États-Unis reviendront au Traité de Paris sur le climat et réduiront leur appui aux adversaires électoraux du parti au pouvoir en France » !
Mais quel est l’objectif de cette visite et quelle est la vraie position des États-Unis à ce sujet ?
Il est évident que les États-Unis sont parvenus à une impasse stratégique dans leur approche envers l’Iran. Ils ne sont plus capables d’étendre leurs pressions ni de trouver des solutions à court terme. L’accord a été anéanti, les sanctions sont à leur niveau maximal, la menace militaire est devenue inefficace, voire insignifiante avec la destruction du drone d’espionnage américain. Face à l’Iran, les Américains ne savent plus sur quel pied danser ; et nous avons vu que leur réaction à la destruction du Global Hawk était tardive et quelque peu ridicule. Et lors du Sommet du G-20 d’Osaka aussi, les prises de positions du président américain, envers des pays comme la Chine et la Turquie, trahissaient ce même défaut : manque d’expérience politique du M. le président-businessman.
En tout cas, si la visite d’Emmanuel Macron à Téhéran a lieu, l’on pourrait dire que sa mission serait la version actualisée de celle de Shinzo Abe.
Mais sera-t-il porteur d’une nouvelle proposition ?
Deux visions existent. Soit le président français viendra en Iran les mains vides, tout simplement comme un messager et agent de Donald Trump qui espère pouvoir réussir un show médiatique en évoquant davantage de pressions sur Téhéran. Dans ce cas-là, cette visite n’aurait aucun autre objectif que de perturber le fonctionnement des milieux décisionnels iraniens, sans donner de concessions. Cela montrerait qu’ils n’ont pas encore une idée correcte de la situation en Iran ; ils souhaiteraient juste empêcher l’Iran de quitter le PGAC, par des paroles et campagnes médiatiques. Cette hypothèse devrait naturellement décevoir les analystes les plus optimistes, quant aux chances de M. Macron de réussir sa mission.
Il existe également une deuxième hypothèse : les Européens ont peut-être réalisé que pour empêcher l’Iran de concrétiser les mesures prévues dans son délai de quatre mois, ils ont besoin de rédiger un plan global et d’envisager de nouvelles solutions. Vu le changement de ton au sujet de l'Iran que l’on constate ces jours-ci chez Macron, il semble que les Européens vont cette fois-ci essayer de résoudre le « puzzle » américain, avec un partage de rôle différent : la brute et incontrôlable Amérique jouerait cette fois-ci le mauvais flic et la France, jouerait le bon flic. L’on connaît bien les ingrédients dont auraient besoin les Européens pour faire aboutir cette fameuse politique de la carotte et du bâton : les sanctions et menaces américaines représenteraient le bâton, tandis que la carotte pourrait être une « supposée efficacité de l’Instex malgré les sanctions US ou avec une levée partielle des sanctions. Il est donc fort probable qu’Emmanuel Macron vienne en Iran avec un tel projet en tête, afin de suggérer que les conditions seraient convenables pour entamer le dialogue Iran–États-Unis, mais non pas sans connaître certaines difficultés…
Pourquoi la France ne pourra-t-elle pas assumer le rôle du bon flic ?
La France pourra difficilement réussir la technique du bon flic avec l’Iran, car ses antécédents et sa situation actuelle ne le lui permettront pas. Comment est-ce que l’Iran pourrait faire confiance en un pays qui accueille sur son territoire le groupuscule terroriste des Monafeghine (Organisation des Modjahedine du peuple, OMK) ? Par ailleurs, l’on n’a pas oublié qu’au cours même des négociations nucléaires entre l’Iran et les 5+1, la France a précisément tenu le rôle du mauvais flic. D’autant plus que le président français Emmanuel Macron a plus d’une fois mis en cause le droit iranien de développer ses capacités de défense à travers son programme de missiles, appelant à renégocier le PGAC qui est un accord international soutenu par une résolution onusienne.