Il a fallu à l'Allemagne à peine trois jours pour changer de fond en comble sa position et s'aligner aveuglément sur celle, belliciste, des États-Unis. Il y a trois jours le ministre allemand des Affaires étrangères. jugeait la vidéo publiée par le Pentagone sur la supposée implication iranienne dans l'explosion le 13 juin du deux pétroliers en mer d'Oman de "granuleuse", appelant à ce que soit menée une enquête bien approfondie avant que des conclusions hâtives soient tirées. Le 18 juin, la chancelière allemande accuse l'Iran. Après la Grande-Bretagne qui se dit prête à faire la guerre contre l'Iran aux côtés des États-Unis et une France, qui réclame un "nouvel accord nucléaire", le troisième signataire de l'accord de Vienne déclare la guerre à l'Iran. Ainsi, outre de se laisser dépouiller par les Américains d'une chance historique, celle de s'imposer sur la scène internationale à titre d'un acteur politique de poids, les Européens s'apprêtent à se laisser aller en guerre, par le jeu ultra dangereux qu'ont commencé les Américains dans le golfe Persique.
La chancelière allemande a prétendu mardi qu’il y avait « des preuves solides » quant à l’implication de l’Iran dans l’attaque de deux pétroliers en mer d’Oman. La chancelière n'a évidemment pas évoqué la nature de ces preuves ni d'où elle les détenait.
Les États-Unis ont accusé l’Iran d’attaquer les pétroliers japonais et norvégien à l'appui d'une vidéo remise en cause à la fois par les experts militaires. Peu de temps après sa publication, le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, avait déclaré que l’Allemagne évaluait encore les preuves avant de tirer ses conclusions et que la vidéo n'apportait pas des éclaircissements nécessaires. L’UE lui a également emboîté le pas. Les propos de Merkel constituent donc un virage.
S’exprimant lors d’une conférence de presse à Berlin aux côtés du président ukrainien Volodymyr Zelenskiy, Merkel a appelé toutefois à une solution pacifique des tensions dans le golfe Persique. « Nous prenons ces actes très au sérieux, il existe des preuves solides », a-t-elle prétendu, faisant référence aux allégations américaines selon lesquelles l’Iran était à l’origine des attaques contre les deux pétroliers. Et Merkel d'ajouter : « C’est une situation très grave et l’Allemagne dit à toutes les parties, et notamment à l’Iran, que la situation ne devrait pas dégénérer ».
Cette mise en garde à peine voilée intervient quelques jours après les propos particulièrement significatifs tenus par le président de la conférence de Munich.
Le président de la conférence de sécurité de Munich, Wolfgang Ischinger, a en effet demandé instamment à l’UE de protéger les pétroliers étrangers en pleine mer d’Oman.
Il a indiqué :
« L’Europe pourra inscrire à son ordre du jour le plan de protection des pétroliers multinationaux dans le golfe Persique et en mer d’Oman. Elle a déjà manifesté sa capacité à combattre les pirates de mer et le trafic des immigrés clandestins dans les eaux internationales et surtout dans la corne de l'Afrique. »
Pour les observateurs, il y a là les prémices d'un engagement militaire de trois signataires de l'accord de Vienne aux côtés des Etats-Unis qui s'apprêtent à entrer en guerre contre l'Iran. L'Allemagne peut-elle désormais être considéré comme faisant partie des 4+1?
« Non, pas vraiment. note un analyste. En effet, Berlin tout comme Paris et Londres se tire dans les pieds et détruit le symbole d'une Europe politique qui a osé être plus qu'une simple formalité. C'est désolant mais la chancelière adopte le même langage de menace et de chantage que les Américains. Or on sait que les entreprises allemandes avaient jusqu'ici résisté aux sanctions extra-territoriales US. L'Allemagne s'alimente en pétrole et en énergie au Moyen-Orient et ce serait une grave erreur si elle se mettait dans le camp des Américains contre l'Iran mais aussi contre la Chine et la Russie, note un expert. Lors de la conférence de presse conjointe avec le président ukrainien, la chancelière allemande a cru bon en effet d'avertir l’Iran des "conséquences du non-respect de l’accord de 2015 sur son nucléaire" inversant ainsi la place du bourreau et de la victime »
L’Iran a donné un délai de 60 jours aux signataires européens de l'accord de Vienne pour qu'ils agissent dans le sens d'une levée des sanctions américaines. Cet ultimatum expire début juillet.
Le journal allemand Frankfurter Allgemeine a écrit dans un article daté du 19 juin que de nombreux allemands étaient inquiets d'une nouvelle guerre au Moyen-Orient, celle que pourraient déclencher les États-Unis contre l'Iran. L'Allemagne est dépendante des ressources énergétiques du golfe Persique où elle a de larges intérêts. Au lieu de souffler sur le feu, l'Allemagne a tout intérêt à se rallier à la France et à la Grande-Bretagne pour sauver l'accord nucléaire.