Selon le site web Elaph, lié à l’Arabie saoudite, les États-Unis et la Turquie envisagent de créer un QG conjoint dans le nord de la Syrie afin de renforcer la coordination bilatérale. Venue d'une source saoudienne et ayant trait à la Turquie, l'information est à prendre avec les pincettes et pourtant, les USA font tout en ce moment pour éterniser la présence de leurs alliés de l'OTAN sur la rive est de l'Euphrate. En effet le ministre turc de la Défense qui se trouvait samedi à Washington pour des entretiens avec son homologue US a très clairement annoncé qu'un retrait américain de Syrie créerait un vide qu'il faut "bien remplir".
« Les résultats de récentes réunions et rencontres entre des parties américaine et turque mèneront à la création d’une salle d’opération commune dans le nord de la Syrie, dirigée par des conseillers américains et turcs », a-t-on appris des sources bien informées auprès du site web Elaph.
Ces sources ont ajouté que le retrait des troupes américaines de Syrie ne modifie en rien l’approche américaine envers le dossier syrien et que Washington continuera à faire pression sur le président syrien Bachar al-Assad et ses alliés russe et iranien. Le journal souligne surtout que les États-Unis sont déterminés à « empêcher la Russie de dominer sur l’est de l’Euphrate » et ils comptent mettre au point ce plan à l'aide d'Ankara voire leurs alliés européens.
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« Le départ des États-Unis de la Syrie n’est qu’un changement tactique et aucun changement d’objectifs ne sera exercé. En ce sens, il est toujours possible que les bases militaires américaines installées en Irak continuent d’exercer des pressions militaires contre le gouvernement Assad, ainsi que de soutenir les Forces démocratiques syriennes », a-t-on appris de la même source.
Le site web Elaph citant ses sources ajoute : « Le Pentagone a l'intention de continuer à soutenir les FDS. Aujourd'hui, la partie américaine mène des consultations avec Ankara et les éléments kurdes pour créer une zone tampon à l’est de l’Euphrate. À en croire Elaph, « Washington a appris que la Russie et la Syrie ne prévoyaient pas de soutenir les FDS bien que les Kurdes plaidaient pour le dialogue avec le gouvernement de Damas et c'est sur cet élément que le Pentagone veut jouer pour mettre hors jeu la Russie ».
Mais ce n'est pas uniquement sur la Turquie, signataire de nouveaux accords militaires avec la Russie et l'Iran à Sotchi, que les Américains comptent pour « expulser » la Russie de Poutine de l'est de l'Euphrate.
Le rapport évoque également les tentatives du président américain Donald Trump et partant, du Pentagone à l'encontre des alliés européens de Washington. « La stratégie globale des États-Unis à l'égard de la Syrie à l'horizon 2019-2020 met l'accent sur la poursuite de la pression sur Damas, via les pays de l'OTAN. »
Ce que mijotent les USA pour la France
Auparavant, la chaîne d’information américaine, CNN, citant des sources bien informées, avait annoncé que Trump avait accepté de maintenir environ 400 militaires en Syrie. Vendredi 22 février, un haut responsable américain a déclaré, sous l’anonymat, que 400 militaires US resteraient en Syrie dont la moitié dans la base militaire des États-Unis à al-Tanf, non loin de la frontière irako-jordanienne.
« Trump a été persuadé le jeudi 21 février par ses conseillers qu'environ 200 soldats américains devraient rejoindre ce qui représente un engagement total d'environ 800 à 1 500 soldats alliés de l’OTAN pour la mise en place et l'observation d'une zone sécurisée dans le nord-est de la Syrie », a déclaré le responsable américain. L'influent sénateur US, Lindslay Graham ne fait d'ailleurs aucun mystère sur l'intention US à l'égard de ses principaux alliés européens en Syrie, à savoir la France et la Grande-Bretagne.
« C’est un très bon plan. Ces 200 soldats vont probablement attirer 1.000 Européens. Des milliers d’Européens ont été tués par des combattants de Daech venus de Syrie en Europe », donc « maintenant, la tâche incombe à l’Europe. 80% de l’opération devrait être européenne et peut-être 20% pour nous », explique le sénateur, en exagérant le nombre de victimes européennes causées par les attaques terroristes de ces cinq dernières années et en allusion à l'annonce du président US de maintenir 400 effectifs des forces spéciales américaines en Syrie.
En apparence, les USA justifient ce maintien par un double objectif : « empêcher que les milices kurdes syriennes [YPG], qui constituent l’ossature des FDS, soient la cible d’une offensive de la Turquie, laquelle les assimile à des organisations terroristes, et éviter une résurgence de Daech qui, sans pression antiterroriste, pourrait mettre entre 6 et 12 mois pour conquérir de nouveaux territoires, selon un rapport de l’inspection générale du Pentagone ».
Les analystes soulignent toutefois que ces deux arguments sont bien boiteux : la Turquie étant membre de l'OTAN n'ira jamais attaquer les Kurdes sans le feu vert des USA d'une part et l'armée syrienne n'a absolument pas besoin des forces militaires de l'OTAN pour se débarrasser de Daech. En effet, les USA projettent surtout de créer un front de combat entre la France et la Grande-Bretagne d'une part et l'État syrien et son allié russe de l'autre, l'arène des combats étant le nord-est syrien. «Tout comme le FNI, les États-Unis cherchent très clairement à placer l'Europe face à la Russie sans se mouiller », affirme Hanif Ghafari, expert des questions internationales. « En effet, le site web Elaph n'a peut pas avoir tort. Le retrait US de Syrie ou plutôt son annonce vise à pousser l'OTAN dans l'arène et se retrancher derrière elle. Évidemment, quand M. Graham parle des “Européens”, on suppose qu’il désigne les pays du Vieux Continent qui se sont aveuglément engagés aux côtés de lui, à savoir la France, le Royaume-Uni, mais plus amplement la Belgique, l’Espagne, l’Allemagne et, dans une moindre mesure, la Suède, la Finlande et le Danemark. Les forces spéciales françaises et britanniques sont actuellement présentes dans le nord-est de la Syrie, mais le front anti-russe imaginé par l'administration US devra inclure tous les pays de l'Europe de l'Ouest. Reste à savoir si la France trop pro-américaine de M. Macron cédera oui ou non à ce chantage et ira s'affronter la Russie », conclut l'analyste.