De la coopération avec les États-Unis et l’Otan à la normalisation avec Damas, en passant par l’interaction avec l’Iran et la Russie, le président turc, homme négociant et pragmatique, conçoit divers scénarios pour la Syrie, ne pensant qu’à tirer plus de concessions pour faire avancer ses propres plans dans la région.
Au bout de sept ans de guerre en Syrie, le président turc est finalement venu frapper à la porte de Bachar al-Assad. L’analyste turc Ziya Yilmaz s'est attardé sur la nouvelle prise de position du gouvernement d’Erdogan vis-à-vis de la Syrie. Il estime que Recep Tayyip Erdogan, "fort de son pragmatisme", conçoit divers scénarios en Syrie et ce, dans le but de s'assigner un rôle de premier plan dans l’avenir de la Syrie.
M. Yilmaz évoque les récentes tentatives d’Ankara de mener de nouvelles opérations militaires dans le nord de la Syrie ainsi que sur la rive est de l'Euphrate et de négocier avec l'administration Trump. « Apparemment, le président turc se préoccupe de la formation d’un Etat kurde dans le nord de la Syrie, aux frontières avec la Turquie, mais la réalité est tout autre. Erdogan est un négociant pragmatique dont toute décision vise à favoriser ses plans dans la région. Il veut à tout prix s'assurer un repose-pied en Syrie où la victoire d'Assad est désormais irréversible. Cette voracité à avoir tout à la fois le pousse surtout à ne pas se contenter des pourparlers avec la Russie et l’Iran à Astana », a-t-il expliqué.
D'où, selon lui, les déclarations du ministre turc des Affaires étrangères Mevlut Cavusoglu, dimanche 16 décembre au Forum de Doha, au sujet d’une normalisation avec la Syrie au cas où Bachar al-Assad remporterait la victoire lors d’élections « démocratiques et équitables » en Syrie.
"Ces propos constituent un aveu d'échec mais le perdant tente de ne pas perdre la face et de s'assurer du mieux qu'il peut ses intérêts. Ankara aurait donc changé de discours voire d'approche envers le gouvernement de Bachar al-Assad, alors qu'il déclinait dans le passé toute coopération mutuelle. Il est vrai que le gouvernement turc a changé d’avis depuis longtemps, mais il n’ose pas l’annoncer rien que par crainte des milliers de miliciens qui agissent sur son ordre. », ajouté M. Yilmaz.
Et de poursuivre: « Le maintien au pouvoir de Bachar al-Assad est définitif, si bien que certains pays européens qui exigeaient son départ, ont changé d'avis. Erdogan aurait dû se dire pourquoi pas la Turquie, pays voisin de la Syrie et impliquée directement dans la guerre avec les dommages collatéraux qu'on connait. Avec entre 800 à 900 km de frontières communes avec la Syrie, il va sans dire que la Turquie ne renoncera jamais à un rôle dans les futures évolutions syriennes. »
Syrie: options stratégiques de l’Iran face à Israël https://t.co/ykjsKWLkAZ
— Press TV Français (@PresstvFr) December 17, 2018
Mais il y a, aussi, un autre problème sérieux auquel est confrontée la Turquie: « C’est l’affaire des Kurdes et leurs efforts de coopérer avec certains autres pays visant à former un gouvernement dans le nord de la Syrie ; C'est là l'ultime crainte d'Erdogan qui pousse le gouvernement turc à frapper à la porte de Damas. En effet, quoi qu'il fasse la Turquie ne pourrait ne pas compter avec le vainqueur de la guerre qu'est Assad. Mais les tentatives de rapprochement d'Ankara envers Damas ne pourrait dépasser une certaine limite tout comme dans le cas de ses relations avec la Russie. En effet, la Turquie est membre de l’OTAN, ce qui lui empêche d’agir, librement. »