Ce qui se passe entre la Jordanie et Israël est inouï : un contrat de bail vieux de 25 ans qui accordait à Israël le droit d'exploitation des terres arabes avec en perspective leur annexion, puisqu'Israël ne rend jamais ce qu'il prend, vient d'être annulé : le roi Abdallah de Jordanie a informé Israël le dimanche 21 octobre qu'il ne renouvellera pas les deux annexes de l'accord de compris que son père, Hussein avait signé avec le Premier ministre israélien, Yitzhak Rabin en 1994. Conformément à ce texte, la Jordanie a accordé 25 années durant des droits de propriété à Israël sur les régions jordaniennes de Baqoura et de Ghoumar, l’une située au nord et l’autre au sud du royaume. À quoi rime ce geste "historique"?
Depuis le feu vert donné par Amman à la fermeture des camps d'entrainement des terroristes sur les frontières syriennes et la réouverture du point de passage stratégique de Nassib qui sépare le nord de la Jordanie de la province de Deraa, Israël voyait bien venir le danger : le roi Abdallah tend de plus en plus à s'éloigner du camp Riyad/Tel-Aviv/Washington pour se rapprocher du camp pro ou proche de la Palestine qui compte toute raison garder, la Turquie, le Qatar entre autres. Cette décision marque un tournant et trahit l'échec des mois d'intimidations et de pressions saoudo-américaines pour que le royaume hachémite cède et lâche totalement la Palestine. Au demeurant, la décision a eu un effet de bombe en Israël, provoquant une avalanche de commentaires dont l'un, appartenant à DEBKAfile.
Le site proche des milieux du renseignement de l'armée israélienne souligne le fait que l'annonce jordanienne est intervenue deux jours après une "grande manifestation anti-israélienne à Amman". Pour DEBKA, tout ceci n'augure rien de bon surtout que le Premier ministre jordanien, Omar al-Razzaz "vient d'avoir d'intenses discussions avec des ministres turcs destinées à convaincre Ankara de "cesser d'acheminer ses exportations vers le golfe Persique via le port de Haïfa" et de "les faire passer par la Syrie et la Jordanie". L'article se réfère aussi tout à ce point de passage frontalier stratégique qu'est Nassib et qui vient d'"être rouvert" par Amman en dépit des moins de pressions et de chantage américains et israéliens. Il est vrai que pour une Jordanie économiquement en panne, rien ne pourrait justifier le maintien du blocage de ce passage frontalier qui donne accès à l'autoroute internationale M5 laquelle relie la Jordanie via la Syrie aux eaux libres.
DEBKA dénonce ensuite les tentatives de rapprochement du roi jordanien avec Bachar al-Assad et voit d'un oeil à la fois inquiet et mauvais l'imminente visite à Amman d'une impressionnante délégation officielle syrienne conduite par le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Moallem. "Une visite qui impatiente Amman". Le coup de colère israélien est compréhensible dans la mesure où cette visite signifie surtout que les affaires reprennent entre les deux voisins avec à la clé des bénéfices qui iraient droit aux économies syriennes et jordanienne. Cela veut dire au clair que l'argent commencera bientôt à entrer dans les caisses de l'Etat syrien qui s'apprête à reprendre Idlib. Or le clés de succès de cet ingénieux projet syro-jordanien est entre les mains d'Ankara. Si la Jordanie parvient à convaincre Erdogan à renoncer à Haïfa et à se servir de l'autoroute M5, ce sera le début de la fin de l'aventure US/OTAN à Idlib.
DEBKA y fait implicitement allusion quand il affirme : " En somme revenir sur les deux annexes du traité de paix avec Israël témoigne de l'alignement par étape du royaume de Jordanie sur les politiques de la Turquie, de la Syrie et du Qatar, trois états plutôt hostiles à Israël". Mais DEBKA oublie de souligner une chose : c'est en neutralisant la Jordanie et la Turquie que l'Etat syrien compte libérer aussi le dernier pan de son territoire encore occupé par les USA et leurs alliés, à savoir l'Est de l'Euphrate. Dans une telle perspective, Damas aura réussi un coup de maître : rallier dans un camp les amis turcs et jordaniens d'Israël contre lui...