Après avoir mûrement réfléchi et attendu la réaction de tous les alliés, la France d'Emmanuel Macron a réagi en deux temps à l'assassinat du journaliste de Washington Post : Paris a décidé de boycotter d'abord le si attendu forum économique saoudien, dit Neom, forum que, dans un élan ultra libéral, le malheureux prince saoudien a placé sous labelle "Davos du désert" et pour lequel la Macronie s'était préparée bien à l'avance.
Mais la réaction française n'en est pas restée là : si les condamnation britannique et allemande ont été plutôt tièdes, l'appareil diplomatique de la Macronie, commandé par Yves Le Drian a condamné "dans les termes les plus vifs" l'assassinat du journaliste avant de réclamer "l'ouverture d’une enquête exhaustive et diligente qui répondrait à de nombreuses questions auxquelles Riyad n’a donné que quelques explications insuffisantes". C'est aller bien loin pour une France macroniste qui tient à ses relations extrêmement rentables et jouteuses avec Riyad comme à la prunelle de ses yeux.
Condamnant vivement la mort de Jamal Khashoggi, le chef de la diplomatie française a souligné donc la nécessité de "soutenir les journalistes pour défendre la liberté d’expression". Puis, persuadé que le journaliste dissident saoudien a été tué dans les locaux du consulat de Riyad à Istanbul, Le Drian est allé encore plus loin pour exiger l'ouverture d’une enquête exhaustive et diligente car "la réponse à de nombreuses questions restent en suspens" et que "les autorités du royaume ne semblent pas être prêtes à la fournir".
« De nombreuses questions restent (..) sans réponse. Elles nécessitent une enquête exhaustive et diligente pour établir l’ensemble des responsabilités et permettre que les responsables du meurtre de M. Jamal Khashoggi répondent de leurs actes », a-t-il dit dans une déclaration écrite.
La Turquie détient comme preuve la vidéo montrant Jamal Khashoggi entrer au consulat saoudien tandis que ce dernier cherche à rejeter la responsabilité du meurtre du journaliste sur la Turquie, prétendant que le journaliste est porté disparu après sa sortie du consulat.
Mais la France n'entretient pas de très bonnes relations avec la Turquie, étant plutôt du côté des Kurdes non seulement en Syrie mais aussi en Irak, et ne tenant pas tellement à ménager Ankara. Pourquoi alors être sorti de la sorte de ses gondes et s'en prendre si violemment à Riyad?
À l'heure qu'il est la France réclame le maintien de ses contrats de vente d'armements à l'Arabie saoudite et porte un soutien logistique et militaire à l'offensive saoudo-émiratie contre la côte ouest. Les forces spéciales françaises se trouvent toujours au Centre de Commandement US/OTAN/monarchies arabes au sud de l’Érythrée d'où sont pilotées des opérations meurtrières contre les civils yéménites. La France ira-t-elle jusqu'à remettre tout ceci en cause?
17 jours après la disparition du journaliste, l’Arabie saoudite a finalement admis le 20 octobre, que Jamal Khashoggi avait été tué suite à une bagarre à l’intérieur de son consulat à Istanbul, sans pour autant révéler d’informations permettant de localiser le corps. L’affaire Khashoggi est entrée dans une nouvelle phase : le procureur général saoudien a publié vendredi un communiqué pour reconnaître que le journaliste saoudien Jamal Khashoggi a été tué le 2 octobre au consulat d’Arabie saoudite à Istanbul. Le communiqué suggère même que les individus présents au consulat à ce moment-là étaient responsables de la mort de Khashoggi, rejetant ainsi la part de responsabilité de l’État et de la personne du prince héritier saoudien. Il est vrai que la Macronie ne pourrait se résigner à jouer le jeu saoudien et à se contenter d'un scénario de justification du crime aussi mal ficelé et mal cousu.
Même si les médias saoudiens ont également fait état de l’arrestation de 18 suspects saoudiens ainsi que du limogeage de deux hauts responsables saoudiens ; le général Ahmed al-Assiri, le directeur adjoint du renseignement saoudien et Saoud al-Qahtani, conseiller médias à la cour royale. Mais ces arrestations ne suffiront pas pour que la France puisse adopter une posture plus clémente envers Riyad bien que les médias français n'ont taris d'éloge à l'endroit du "turbulent prince" depuis qu'il a accédé presque au trône. Mais de là à accuser MBS de mensonge et à condamner un "assassinat" qui, comparé à l'extermination de masse des yéménites, ne pèse pas lourd, il y a un pas qu'un affairiste de renom comme Le Drian n'aurait pas dû franchir. Surtout que selon des sources bien informées, Riyad aurait menacé de ne pas permettre à la France de prendre part au "Davos du désert" si elle ne rectifiait pas ses tirs. Et comment?
Riyad aurait demandé au président Macron de se fixer sur l'attitude à adopter face aux chiites : les chiites mais aussi l'Iran et le Hezbollah. C'est pour satisfaire à cette exigence que la France de Macron a lancé le mardi 2 octobre 2018, un raid spectaculaire et ce, sans mandat de justice, contre le siège d'une association caritative chiite, le Centre Zahra France, à renfort de quelque 200 agents de police à bord de plusieurs dizaines de véhicules, ce qui ne s’était jamais produit auparavant.
Alors que les analyses journalistiques concernant l’opération de police fort médiatisée dont a été dernièrement victime le Centre Zahra France, ainsi que ses membres, font état d’un coup de pression exercé contre la République islamique d’Iran, accusé par la France d'avoir projeté un attentat en territoire français, la principale raison de ces perquisitions dignes d’un film hollywoodien aurait été le fait de satisfaire Riyad. 24 heures avant que l'Arabie saoudite ne reconnaisse la mort du journaliste dans son consulat à Istanbul, la Macronie a d'ailleurs décidé de mettre clé aux portes du Centre Zahra pour ménager sans doute les susceptibilités saoudiennes. À ce train, la ligne anti-iranienne et anti-Résistance de la France d'Emmanuel Macron se confirme. C'est par appât de gain que cette France de moins en moins française a vendu son âme aux pétrodollars et a choisi de faire du mercantilisme marchand une "religion".