La tournée européenne de Rohani renforce le poids de l’Iran, affirme un expert libanais.
D’après le président du Centre d’études arabo-européennes (CEEA), le Dr Mehdi Chehade, la visite du président Rohani en Suisse et Autriche renforce la position de l’Iran en ce qui concerne l’accord nucléaire en vue d’une alliance avec les Européens face aux États-Unis.
Le président iranien, Hassan Rohani, est parti le lundi 2 juillet pour la Suisse, avant de prendre l’avion mardi pour l’Autriche. Dans une interview exclusive avec l’agence IRNA, le président du CEEA et expert libanais des questions politiques, Mehdi Chehade, s’attarde sur les aspects particuliers de la tournée européenne de M. Rohani.
« Le refus par l’Europe de l’approche des États-Unis envers l’accord nucléaire s’explique par les intérêts que cet accord pourrait leur apporter, sans oublier que l’Iran a quant à lui totalement respecté les engagements que lui imposait cet accord international », affirme Mehdi Chehade. L’expert libanais structure son analyse autour des cinq axes principaux que voici :
L’Europe et les États-Unis ont des intérêts différents dans l’accord nucléaire
Lorsque les États-Unis se sont retirés unilatéralement du Plan global d’action conjoint (PGAC, accord sur le nucléaire iranien), ils croyaient pouvoir contraindre les pays européens ou, du moins, les autres pays signataires de l’accord, à l’annuler eux aussi. Après la visite du président français, Emmanuel Macron, aux États-Unis, et la réaction de Berlin qui s’est ensuivie, on constate un effort au sein de l’UE pour sauver l’accord, ce qui suggère que la position des pays européens diffère de celle des Américains. Et si les Européens se sont opposés à la sortie américaine du PGAC, premièrement, c’est parce qu’ils ont des intérêts dans cet accord et deuxièmement, en raison du respect scrupuleux de cet accord international par l’Iran et de sa mise en application de façon pacifique.
Les Européens savent bien qu’en se retirant unilatéralement de l’accord nucléaire, les États-Unis servent des intérêts directement ou indirectement liés au « Deal du siècle », un plan de compromis que les Américains devraient officiellement présenter dans les jours ou semaines à venir pour rétablir la soi-disant paix israélo-palestinienne.
Navette diplomatique de l’Iran pour obtenir des efforts tangibles de l’Europe
Ayant remarqué les différends politiques entre les camps européen et américain concernant l’accord nucléaire, l’Iran a repris sa navette diplomatique. Les contacts établis par le ministre des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, avec ses homologues européens à Bruxelles et les visites du président Rohani, en Suisse et Autriche, visent en fait à obtenir des garanties écrites des parties européennes. L’Iran ne pourra pas se contenter de déclarations devant les médias. Des pays comme la Chine, l’Inde et la Russie sont sur la même longueur d’onde que l’Iran et le fait d’avoir obtenu l’appui de ces pays va encore renforcer le poids de l’Iran lors du débat autour de l’accord nucléaire.
Garanties et engagements européens, condition sine qua non du maintien du PGAC
Obtenir des garanties écrites et solides des parties européennes semble être nécessaire pour éviter de nouvelles sanctions et l’Iran souhaite que les parties européennes lui garantissent qu’il n’y en aura pas, que le pays pourra continuer à exporter son pétrole et que les parties européennes essaieront pour leur part de renforcer les investissements dans le pays. Et les Iraniens ne veulent que de véritables garanties ; car, c’est d’un accord international dont il s’agit, un accord que la sortie unilatérale d’un seul signataire ne pourrait aucunement annuler.
L’Europe a besoin de maintenir le PGAC
Sur le plan politique, l’Europe préférerait encore l’alignement sur les États-Unis, mais cette préférence ne primera pas les soucis économiques d’une Europe touchée par une sérieuse crise financière. De ce point de vue, l’ouverture du marché iranien à l’Europe serait un bol d’air pour l’économie européenne. La poursuite du commerce avec l’Iran dans les domaines des communications, des médicaments, des transports et de l’agriculture permettrait à la France de toucher un bénéfice de 20 milliards de dollars. Une annulation du PGAC induirait une perte économique de l’ordre de plusieurs milliards de dollars aux Français mais aussi aux Allemands.
De sombres perspectives pour les relations économiques euro-américaines
Il est vrai que les États-Unis et les Européens sont liés entre eux par des relations économiques, mais depuis que les États-Unis ont imposé des droits de douane aux importations en provenance d’Europe et du Canada, les réactions n’ont pas été agréables à entendre pour Washington. Bref, les Européens ne pourraient pas permettre que les considérations politiques qu’ils partagent avec les États-Unis débouchent sur une véritable catastrophe économique ingérable. La vente du pétrole iranien n’y fait pas exception et rien ne dit que l’Europe se soumettra aux diktats américains visant à perturber les exportations pétrolières iraniennes. Par ailleurs, le pétrole iranien a déjà un marché très lucratif en Inde et en Chine et même si les Européens adhèrent à l’approche américaine, cela ne causera qu’un effet négatif limité.