Les États-Unis élaborent un plan visant à consolider la partition de Gaza en créant une « zone verte » fortifiée, placée sous un « contrôle israélien et international conjoint », tout en reléguant la plupart des Palestiniens dans une « zone rouge » dévastée, en ruines et abandonnée, selon un rapport.
D’après des documents internes obtenus par le journal britannique The Guardian et des sources informées des délibérations américaines, Washington cherche à institutionnaliser une partition de Gaza le long de la « ligne jaune » imposée par Israël.
Selon ce plan, des troupes étrangères seraient déployées aux côtés des forces israéliennes à l’est, tandis que la quasi-totalité de la population palestinienne resterait déplacée à l’ouest, a rapporté le quotidien vendredi.
Un haut responsable américain, reconnaissant l’ampleur des ambitions de Washington, s’est exprimé en ces termes : « Idéalement, on voudrait que tout soit parfait, n’est-ce pas ? Mais c'est un vœu pieux. Cela prendra du temps. Ce ne sera pas facile. »
Cette révélation contredit formellement les engagements américains antérieurs, y compris les assurances du président américain Donald Trump lui-même, selon lesquelles un plan de cessez-le-feu en 20 points ouvrirait la voie à une pleine gouvernance palestinienne sur Gaza.
Au contraire, les documents de planification de Washington pointaient du doigt une bande côtière morcelée et semi-occupée, où la reconstruction se limitait au secteur contrôlé par Israël, tandis que le reste de Gaza était de fait abandonné.
Les États-Unis ont enchaîné les plans successifs, allant des « communautés sûres alternatives » (ASC) clôturées à un modèle d’« enclave verte », tous conçus sans la participation des Palestiniens et sans tenir compte des plus de deux années de génocide soutenu par Washington que subit Gaza depuis octobre 2023. Même les organisations humanitaires, longtemps alarmées par les propositions américaines, n’ont pas été informées de l’abandon brutal du modèle ASC.
Les observateurs estiment qu’en l’absence de feuille de route crédible pour un retrait israélien, le maintien de la paix international ou la reconstruction à grande échelle, Gaza risque de s’enliser dans une paralysie qui ne serait ni guerre ni paix.
Ils soulignent que cela ouvrirait la voie à un territoire soumis à la partition, constamment menacé d'attaques israéliennes, dépourvu de son autonomie palestinienne et privé de la reconstruction nécessaire à un redressement minimal.
Le plan en 20 points de Trump repose sur ce qu’il appelle une « force internationale de stabilisation (FIS) » mandatée par le Conseil de sécurité de l’ONU.
Cependant, Washington refuse d’envoyer un seul soldat américain sur le terrain ou de financer la reconstruction dont les Palestiniens ont désespérément besoin, indique le journal.
Les pays européens ont été associés aux premières versions du plan, prévoyant notamment le déploiement de 1 500 soldats britanniques et 1 000 soldats français, mais les diplomates des capitales alliées ont rejeté ces propositions, les jugeant irréalistes et politiquement suicidaires, ajoute le rapport.
Selon ce rapport, après de longues et sanglantes missions en Irak et en Afghanistan, rares sont les dirigeants disposés à envoyer des troupes dans le paysage dévasté de Gaza. Une source a qualifié le plan, sans ambages, de « délirant ».
Les documents révélés par The Guardian envisagent également l’envoi par la Jordanie de centaines de soldats d’infanterie et de milliers de policiers, malgré le refus catégorique du roi Abdallah de tout déploiement.
Avec plus de la moitié de la population jordanienne d’origine palestinienne, une telle participation aurait des conséquences explosives sur le plan intérieur et constituerait une menace directe pour la stabilité du pays, ajoute le journal.
Un « concept d’opération » américain stipule que les troupes étrangères n’opéreraient qu’à l’intérieur de la « zone verte ». Aucune ne pénétrerait dans la partie occidentale contrôlée par les Palestiniens, où le mouvement de résistance palestinien Hamas reprend le contrôle.
L’« enclave » débuterait avec des centaines de soldats seulement et s’étendrait progressivement jusqu’à atteindre 20 000 hommes, s’intégrant aux forces israéliennes le long de la ligne de démarcation.
Selon le rapport, les parallèles avec les invasions désastreuses menées par les États-Unis dans les années 2000 sont donc inévitables. Dans les deux conflits, les « zones vertes » créées par les États-Unis sont devenues des symboles d’occupation, protégées par des murs antisouffle, tandis que le chaos et la destruction ravageaient les villes environnantes.
Les planificateurs américains espèrent ouvertement qu’une reconstruction limitée dans la zone verte « attirera » des Palestiniens désespérés vers la zone contrôlée par Israël. Comme l’a déclaré un responsable américain : « Les gens diront : “Nous voulons ça”, et les choses évolueront dans ce sens. Personne n’envisage une opération militaire pour y contraindre les Palestiniens. »
Des experts commentant le rapport ont affirmé que ce plan envisage un avenir pour les Palestiniens conditionné par l’acceptation de l’autorité du régime israélien, et non par la justice, la souveraineté ou le droit de reconstruire leur propre patrie.
Ce rapport vient d'être révélé alors que plus de 80 % des infrastructures de Gaza, y compris la quasi-totalité des écoles et des hôpitaux, sont en ruines.
Israël continue de bloquer même l’aide humanitaire de première nécessité. Les piquets de tente, les filtres à eau et les matériaux de construction restent interdits au nom de la « double utilisation ».
Environ 1,5 million de Palestiniens attendent toujours des abris d’urgence, et plus de deux millions sont entassés dans l’étroite zone que le plan américain désigne comme la zone rouge.