L’avocat franco-palestinien Salah Hamouri a déposé une nouvelle plainte en France pour des faits de « déportation », « persécution » et « ségrégation », à la suite de son expulsion par Israël en décembre 2022 vers la France. Une procédure qualifiée d’inédite par son conseil Me Vincent Brengarth.
Cette plainte, déposée avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d’instruction de Paris, vise les autorités israéliennes, responsables de la révocation du statut de résident permanent de Salah Hamouri à Al-Qods-Est, ainsi que la compagnie aérienne ayant participé matériellement à son expulsion.
« C’est une initiative judiciaire inédite, tant par les qualifications retenues que par le niveau de documentation de l’affaire », a affirmé M. Brengarth.
Selon lui, cette expulsion forcée, intervenue à l’issue d’une détention administrative entre mars et décembre 2022, s’inscrit dans une politique de déportation plus large visant la population palestinienne d'Al-Qods-Est. Salah Hamouri, arrêté après avoir publié un article dénonçant l’occupation israélienne, avait été détenu sans procès ni jugement jusqu’à son expulsion.
Une première plainte avait déjà été déposée en 2024 pour « détention arbitraire » et « traitements inhumains », à la suite de cette même période d’enfermement.
Une information judiciaire est en cours. La nouvelle plainte élargit le champ de la responsabilité pénale à l’expulsion elle-même, en s’appuyant sur l’article 7 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, mais aussi sur l’article 212-1 du Code pénal français. Ce dernier reconnaît comme crime contre l’humanité « la déportation lorsqu’elle est commise dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique contre une population civile ».
Selon Me Brengarth, la révocation du statut de Hamouri s’inscrit dans une dynamique répressive d’ampleur : « Entre 1967 et 2023, Israël a révoqué le statut de résident permanent de 14 869 Palestiniens d'Al-Qods-Est. En 2023 encore, 61 personnes ont été concernées par cette mesure. » Ces chiffres, fournis par le ministère israélien de l’Intérieur, sont, selon lui, révélateurs d’une politique « planifiée » et « systématique ».
Il a également dénoncé la complicité de la compagnie aérienne El Al, accusée d’avoir exécuté la mesure de déportation malgré des alertes émises, notamment par Human Rights Watch. « Nous avons le billet d’avion, l’identité de la compagnie, le numéro du vol. Elle ne pouvait ignorer ce à quoi elle se prêtait. »
Les autres qualifications visées par la plainte – persécution et ségrégation – se fondent sur l’interdiction faite à Salah Hamouri de résider sur le territoire où il est né et a grandi, en raison de son origine palestinienne et de ses engagements politiques. Il a déclaré qu'il s’agissait d’une mesure ciblée, qui témoignait d’un régime de droits différenciés entre citoyens juifs et arabes à Al-Qods.
Enfin, Me Brengarth souligne l’enjeu plus large de cette procédure : « Il serait parfaitement incompréhensible qu’aucune information judiciaire ne soit ouverte. On ne peut pas avoir une justice à deux vitesses : prompte à instruire les affaires d’apologie du terrorisme, mais silencieuse lorsqu’il s’agit de mettre en cause sa responsabilité. »
L’affaire Hamouri, relancée sur le terrain judiciaire français, soulève une nouvelle fois la question du sort des Palestiniens d'Al-Qods-Est, notamment au regard du droit international humanitaire.