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Génocide invisible du Soudan : le carnage d’El-Fasher met en lumière les liens entre les Émirats arabes unis et Israël

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)

Par Iqbal Jassat

Des images choquantes de tueries brutales et de massacres de milliers de civils à El-Fasher, dans l’ouest du Soudan, vers la fin d’octobre, semblent avoir réveillé le monde sur un génocide largement invisible qui dure depuis plus de deux ans.

La réalité horrifiante d’une escalade dans cette guerre abominable s’est révélée au grand jour lorsque des images satellite ont mis en lumière l’ampleur des atrocités. Parmi les victimes figuraient des femmes, des enfants et des personnes âgées.

Bien que le Soudan soit plongé dans l’une des guerres les plus sanglantes d’Afrique depuis avril 2023, une grande partie du monde, y compris des pays africains, a choisi de rester indifférente.

Cela a fait perdurer la souffrance douloureuse de millions de personnes, alors que la bataille menée par les Forces de soutien rapide (FSR) dirigées par Mohamed Hamdan Dagalo (Hemedti) a transformé le pays en un enfer de mort et de destruction.

Les rapports indiquent que fin 2025, la guerre au Soudan a entraîné la mort des dizaines de milliers de personnes et déplacé plus de 12,6 millions de Soudanais, ce qui en fait la plus grande crise de déplacements au monde à ce jour.

Tragiquement, les systèmes sanitaires et économiques se sont complètement effondrés, et la capitale, Khartoum, reste divisée entre les deux forces rivales.

Des paramilitaires dominent le Darfour et le Kordofan, tandis que l’armée peine à maintenir le contrôle à l’est et sur les ports de la mer Rouge.

Cependant, si l’on dépouille les couches d’informations embrouillées de propagande, on constate que derrière ce scénario sombre se trouvent des acteurs régionaux et internationaux qui redessinent l’architecture du gouvernement et du contrôle.

Cela s’étend à une recomposition de l’équilibre des puissances dans la Corne de l’Afrique et, sans surprise, implique Israël et les Émirats arabes unis.

Le journal israélien Haaretz a noté en août 2025 qu’Israël exploitait la guerre au Soudan pour justifier son expansion militaire en mer Rouge sous prétexte de protéger les voies maritimes mondiales contre les menaces des forces armées yéménites.

Haaretz a aussi rapporté qu’Israël a tiré avantage de la crise soudanaise pour approfondir son empreinte politique en Éthiopie et en Érythrée, dans le cadre d’un plan plus vaste visant à contenir l’influence iranienne s’étendant de Téhéran à Sanaa et Khartoum.

Selon une étude publiée dans le journal Tehran Times, l’engagement croissant de Tel-Aviv au Soudan ne peut être dissocié de son inquiétude montante au sujet du Yémen. Depuis que le gouvernement yéménite, dirigé par le mouvement de résistance Ansarallah, a pris le contrôle de la côte ouest du Yémen, l’équilibre de la dissuasion en mer Rouge a basculé de manière décisive.

L’étude cite un rapport de l’institut israélien INSS, qui affirme que le contrôle par les forces armées yéménites du détroit de Bab el-Mandeb depuis 2021 a « redéfini la menace maritime israélienne », les missiles et drones yéménites ayant frappé Eilat et perturbé le trafic maritime du canal de Suez.

Israël a commencé à considérer la mer Rouge comme un enjeu sécuritaire majeur, juste après la Méditerranée. Dans cette stratégie en évolution, le Soudan joue le rôle d’une zone tampon.

« Avec les États-Unis et les Émirats arabes unis actifs en Afrique de l’Est, Tel-Aviv a trouvé un prétexte commode pour son expansion, dissimulant son renforcement militaire sous le couvert de la rhétorique de la sécurité maritime internationale. Le chaos au Soudan est devenu à la fois une justification et une couverture pour la présence croissante d’Israël en mer Rouge ».

Dans ce contexte, la dernière série de massacres perpétrés par les FSR coïncide avec la révélation que des documents consultés par l’ONU montrent que du matériel militaire britannique exporté vers les Émirats arabes unis a été retrouvé entre les mains des FSR.

Les rapports de la Campagne contre le commerce des armes (sigle anglais : CAAT) confirment qu’il existe depuis deux ans des preuves accablantes d’approvisionnements d’armes des Émirats arabes unis aux FSR, mais c’est la première fois que du matériel britannique est repéré au Soudan via les EAU.

Ces conclusions ont de nouveau relancé le débat sur les exportations d’armes britanniques vers les Émirats arabes unis, pays accusé à plusieurs reprises, selon la presse, d’avoir fourni des armes aux paramilitaires des FSR au Soudan.

En avril 2025, le Soudan avait nourri l’espoir que la Cour internationale de Justice (CIJ) se prononcerait contre les Émirats arabes unis, qu’il accusait de complicité dans des actes de génocide en armant et en aidant les Forces de soutien rapide.

L’affaire, formellement intitulée Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide au Soudan, a été initiée lorsque le Soudan a déposé une requête en instituant la procédure contre les Émirats arabes unis.

Malheureusement, la CIJ a rejeté la requête, déclarant qu’elle « manquait manifestement » de compétence pour statuer sur l’affaire, et l’a rejetée.

L’échec des dirigeants et des institutions africaines, ainsi que l’impuissance des instances internationales telles que l’ONU et la CIJ, a entraîné la mort d’au moins 150 000 personnes, le déplacement forcé de plus de 12 millions de personnes et laissé près de 25 millions de personnes en situation de faim aiguë.

Iqbal Jassat est membre exécutif du Media Review Network, à Johannesburg, en Afrique du Sud.

(Les opinions exprimées dans cet article ne reflètent pas nécessairement celles de PressTV)

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SOURCE: FRENCH PRESS TV