Les départements français mettent en garde contre un risque généralisé de faillite et demandent plus de 1,1 milliard d’euros à l’État. Les recettes immobilières diminuent et les dépenses sociales augmentent, ce qui entraîne un effet de ciseaux budgétaire. Pour sauver ce maillon central du service public local, Départements de France multiplie ses appels.
C’est un cri d’alarme unanime que poussent les élus départementaux. Alors que l’Assemblée nationale examine le budget 2026, les départements dénoncent une « asphyxie » financière.
Derrière l’avalanche d’amendements identiques déposés par des députés de tous bords, de LR à LFI, se cache la même source : l’association Départements de France, qui plaide pour mettre fin aux « ponctions » de l’État. Son président, François Sauvadet (Union des démocrates et indépendants, UDI), à la tête du conseil départemental de la Côte-d’Or, met en garde contre un risque d’effondrement du modèle départemental, fragilisé par deux mesures du projet de loi : une contribution de 280 millions d’euros au « dispositif de lissage » des recettes locales et un écrêtement de 265 millions sur la TVA.
« En trois ans, l’État […] nous a imposé six milliards d’euros de dépenses supplémentaires et dans le même temps nous avons perdu 8,5 milliards de ressources », a-t-il exposé ce mercredi 29 octobre, lors d’une conférence de presse, avant des 94e Assises des départements de France, qui se tiendront du 12 au 14 novembre 2025 à Albi.
Selon ses termes, le résultat est sans appel, puisque le nombre de départements en difficulté est passé, en deux ans, « de quatorze à une soixantaine ».
Tous types de départements, qu’ils soient ruraux ou pas, sont aujourd’hui concernés, selon M. Sauvadet, citant aussi bien l’Aisne que la Gironde ou les Hauts-de-Seine.
L’exemple emblématique de la Gironde, sixième département le plus peuplé de France, qui a présenté mi-octobre un budget de fonctionnement en déficit de 97 millions d’euros, interpelle particulièrement les élus. Ce déficit a aussitôt déclenché une procédure d’accompagnement de l’État, les collectivités ne pouvant présenter un budget en déséquilibre en vertu d’une « règle d’or ».
Les conséquences concrètes de la situation des départements se font déjà sentir sur le terrain, entre baisse drastique des investissements pour les routes et les collèges, difficulté de financement des services d’incendie et de secours, réduction des subventions et de l’aide aux communes, non-remplacement de personnels.
Le projet de budget pour 2026 ne devrait pas améliorer la situation, selon les élus départementaux, ce malgré l’abondement d’un fonds de sauvegarde à hauteur de 300 millions d’euros, prévu dans la copie gouvernementale. Les élus réclament en parallèle une aide de 600 millions d’euros pour le fonds de sauvegarde.
En juin, la Charente avait déjà connu un contrôle provisoire inédit. Le phénomène s’étend : 35 départements ont atteint en 2024 le seuil critique d’épargne brute fixé à 7 % des recettes, contre un seul deux ans plus tôt, selon la Cour des comptes. En cause, un violent « effet de ciseaux » : les recettes, tirées des taxes immobilières, s’effondrent avec la crise du logement, tandis que les dépenses sociales (RSA, APA) et salariales augmentent.
Même les départements historiquement solides voient leurs marges de manœuvre fondre. Certains, comme la Seine-Maritime, réduisent leurs aides locales, à l’image du Pass Jeunes divisé par deux. Malgré une légère reprise du marché immobilier début 2025, l’épargne nette des départements continue de plonger, -55 % selon les derniers chiffres.
Dans le mille-feuille administratif français, la strate départementale s’impose désormais comme le maillon faible du service public territorial, entre un État impécunieux et des dépenses locales incontrôlables.