En France, les libertés publiques connaissent une régression profonde et structurelle, selon un dernier rapport accablant de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains.
Jeudi 25 septembre, un rapport a été publié par l’Observatoire pour la protection des défenseur-e-s des droits humains (un programme conjoint de la FIDH et de l’Organisation mondiale contre la torture – OMCT), avec la LDH (Ligue des droits de l’Homme). Tout au long de 88 pages, l’organisation pointe les entraves croissantes aux libertés d’association et à la liberté de manifester en France. Stigmatisation des associations, répression policière et abus administratifs mettent en péril le droit de manifester et l’espace civique, signe d’un pays en « décrochage démocratique ».
« La France aime rappeler son rôle historique dans la défense des droits humains ; elle se présente volontiers comme la « patrie des droits de l’Homme » et ne se prive pas de donner des leçons aux autres pays en matière de démocratie et de respect des libertés civiles », rappelle Alice Mogwe, présidente de la FIDH. « Mais aujourd’hui, son propre modèle démocratique est mis à mal par des pratiques qui sortent des fondements de l’État de droit et bafouent les droits fondamentaux.
Selon ce rapport, les autorités stigmatisent dans leur discours les organisations de la société civile et les causes qu’elles défendent. Cette dégradation est surtout observée depuis 2017, la fin officielle de l’état d’urgence qui avait été instaurée après les attentats de 2015. Les autorités instrumentalisent la lutte antiterroriste pour museler la société civile, via des dissolutions arbitraires et des narratifs hostiles.
Le rapport mentionne également un outil d’exception dévoyé pour faire taire les voix critiques sur l’islamophobie. En 2020, le gouvernement a prononcé la dissolution du Collectif contre l’islamophobie (CCIF). Une mesure d’exception utilisée comme instrument politique, validée par le Conseil d’État malgré des critiques circonstanciées. « La dissolution du CCIF a marqué un tournant » alerte Nathalie Tehio, présidente de la LDH.
Le rapport souligne ensuite le recours croissant aux arrêtés d’interdiction de manifester. Ce recours est manifestement abusif, puisque 80 % de ces arrêtés sont suspendus par la justice. « C’est un rempart, mais jusqu’à quand ? Quand on voit par exemple la préfecture de Nice, ce sont des arrêtés qui sont communiqués très tardivement, ce qui rend impossible le recours à la justice pour les auteurs des manifestations », explique Aissa Rahmoune, secrétaire général de la Fédération internationale des droits humains.
Un autre point dénoncé par le rapport est la banalisation de l’usage de la force avec en France un arsenal parmi les plus militarisés d’Europe. Ces interventions policières se soldent trop souvent par un recours massif aux gardes à vue de manifestants sans aucune poursuite judiciaire. Cette pratique est décrite comme ne cherchant qu’à dissuader de manifester à nouveau.
Ces interventions policières se soldent trop souvent par un recours massif aux gardes à vue de manifestants sans aucune poursuite judiciaire. Cette pratique est décrite comme ne cherchant qu’à dissuader de manifester à nouveau.
Face à ces dérives, le rapport appelle l’État à restaurer un État de droit protecteur. Sans réformes urgentes, le décrochage démocratique risque de s’aggraver, érodant les fondements mêmes de la République. Les défenseurs des droits humains, premières victimes, sonnent l’alarme : il est temps d’agir pour sauver la voix du peuple.