L’accord militaire conclu entre le Japon et l’Australie, d’une valeur de 6.5 milliards de dollars américains pour la construction de 11 frégates furtives de classe Mogami par le groupe Mitsubishi Heavy Industries constitue une étape majeure dans la coopération en matière de défense et marque un changement significatif dans l’approche sécuritaire de Tokyo.
Capables de lancer des missiles de croisière à longue portée Tomahawk, ces nouvelles frégates doivent remplacer celles, vieillissantes, de classe Anzac, entrées en service dans les années 1990.
En tant que pays qui avait pratiquement interdit l’exportation d’armements pendant des décennies après la Seconde Guerre mondiale, le Japon considère cet accord comme « une redéfinition de son identité stratégique », peut-on lire dans un article publié la semaine dernière dans le journal South China Morning Post, qui a indiqué que Tokyo cherche désormais à jouer un rôle plus actif dans l’architecture de sécurité régionale et à réduire les restrictions héritières de l’après-guerre.
Yuko Nakano, directrice adjointe du programme de leadership stratégique nippo-américain au Centre d’études stratégiques et internationales, a déclaré au journal South China Morning Post qu’aucun pays au monde n’est aussi aligné avec l’Australie que le Japon.
Selon ce journal, les sondages indiquent que l’opinion publique japonaise place la relation avec l’Australie juste après celle avec les États-Unis ; un soutien populaire qui complète la convergence politique et militaire entre les deux nations.
Au cours de ces dernières années, le Japon a renforcé sa présence au sein de l’industrie mondiale de l’armement, allant de la livraison de radars de surveillance aux Philippines à la coopération avec l’Italie et le Royaume-Uni pour développer un avion de combat de nouvelle génération.
Bien que les responsables australiens rejettent tout lien direct entre ce contrat et les tensions régionales, les analystes estiment que la principale motivation réside dans l’inquiétude face au renforcement militaire de la Chine. L’accord permettra aux deux pays de développer leurs capacités industrielles et militaires pour produire des équipements avancés et de mettre ces capacités à disposition d’autres pays de la région.
Ceci alors que la Chine a mis en service, entre 2014 et 2023, un total de 148 navires de guerre, soit l’équivalent de l’ensemble de la flotte japonaise actuelle, selon l’article du journal South China Morning Post, qui a affirmé que la coopération entre le Japon, l’Australie, les États-Unis, l’Inde, les pays d’Asie du Sud-Est, Taïwan et la Corée du Sud pourrait modifier l’équilibre des forces.
Les experts estiment que ce type de coopération renforce non seulement la dissuasion, mais permet aussi d’assurer la sécurité des alliés en cas de réduction de la présence américaine dans la région.
« À une époque où les États-Unis jouent un rôle moins actif dans leurs relations avec leurs alliés, les liens entre ces derniers prennent davantage d’importance », a déclaré Shin Kawashima, professeur de relations internationales à l’Université de Tokyo, au journal South China Morning Post.
Bien que Pékin considère ces coopérations multilatérales limitées comme un vestige de la guerre froide, les experts jugent que ces critiques mêmes témoignent de l’inquiétude de la Chine face à ces alliances.
Selon South China Morning Post, le contrat des frégates Mogami n’est pas seulement un succès industriel pour le Japon et l’Australie, mais il envoie aussi un signal stratégique aux acteurs régionaux, visant à consolider l’équilibre des forces dans une zone de plus en plus au cœur de la compétition de grandes puissances mondiales.