Au printemps dernier, les États-Unis ont discrètement déployé plusieurs lanceurs de missiles à longue portée aux Philippines, juste de l’autre côté de la mer de Chine méridionale, sans aucun débat au Congrès, ni annonce télévisée ni vote, d’après un article paru dans l’édition du 30 juillet du magazine américain en ligne The Intercept.
Lancé dans un silence médiatique quasi total, l’acte a suscité de vives réactions de la part de Pékin.
Selon The Intercept, le premier lanceur de missile américain Typhon avait été stationné aux Philippines l’année dernière dans le cadre d’exercices militaires conjoints annuels entre les troupes américaines et philippines. Ce système est capable de tirer des missiles d’une portée de 1 200 miles, dont les missiles de croisière Tomahawk, qui peuvent frapper la Chine continentale.
Sans surveillance publique ni obligation de rendre des comptes, Washington se prépare désormais à déployer le deuxième lanceur de missile Typhon aux Philippines. Ceci alors que la grande majorité des Américains n’ont que peu ou pas conscience du renforcement de la présence militaire américaine aux Philippines ni de ce qu’il pourrait engendrer. L’opinion publique américaine est à peine informée qu’elle pourrait bientôt se retrouver confrontée à une nouvelle confrontation avec une puissance nucléaire.
Le déploiement de ce système de lanceur de missiles a déclenché une vive réaction de la part de la Chine qui avertit désormais publiquement que ces systèmes risquent d’entraîner une « autodestruction » pour les Philippines et pourraient compromettre la fragile stabilité régionale.
Sans nommer Washington directement, le dernier livre blanc de la Chine sur la sécurité nationale condamne le développement régional de « systèmes de missiles à portée intermédiaire » et le retour à une « mentalité de guerre froide ».
Ce document a prévenu que le déploiement de missiles aux Philippines entraînerait des « tensions régionales aggravées », rendant les conflits maritimes « plus difficiles et plus compliqués » à résoudre.
À ce propos, il est à rappeler que le porte-parole du ministère chinois de la Défense avait mis en garde l’année dernière contre le déploiement militaire des États-Unis, en affirmant : « partout où des armes américaines sont déployées, le risque de guerre et de conflits augmente, et la population locale souffrira à cause de la guerre ».
Dans ce droit fil, certains militants expriment leur préoccupation quant à un retour de « l’influence impérialiste américaine » aux Philippines qui avait subi plus de 40 ans d’occupation des États-Unis, marqués par la colonisation, la répression ainsi que des massacres de masse.
À noter que Washington a conclu un traité de défense mutuelle avec les Philippines en 1951. Ces dernières années l’armée américaine a renforcé sa présence, ajoutant de nouvelles bases et engageant 82 millions de dollars pour la construction d’infrastructures sur ces sites. Les États-Unis et les Philippines ont également approuvé en toute discrétion la construction d’un nouveau centre de fabrication de munitions, financé par les États-Unis, à proximité de la baie de Subic, qui abritait autrefois la plus grande base navale américaine en Asie.
En dépit de l’insistance des responsables américains sur le renforcement de l’alliance avec Manille, les militants philippins estiment que les gouvernements des États-Unis et des Philippines cherchent à justifier la présence militaire américaine, en exagérant « la menace chinoise ».
À cet égard, Mong Palatino, secrétaire général d’une coalition progressiste de la société civile philippine, a déclaré au site The Intercept que son pays « sert de terrain d’essai pour les systèmes de missiles américains ».
« Cela met en danger notre population et notre sécurité. La leçon à tirer est que nous ne pourrons pas être autonomes tant que nous dépendrons d’un ancien maître colonial comme les États-Unis pour protéger notre souveraineté », a-t-il déclaré.
L’expansion du partenariat de sécurité Washington-Manille s’est accélérée sous le président Ferdinand Marcos Jr., le fils du dictateur philippin.
La présence militaire américaine aux Philippines a longtemps été combattue par l’opinion publique philippine, des mouvements populaires ayant réussi à faire pression sur le gouvernement pour qu’il expulse les troupes américaines au début des années 1990. Cette victoire est survenue après des décennies de lutte sous une dictature soutenue par les États-Unis et, aujourd’hui, avec le retour de Marcos au pouvoir, les États-Unis renforcent leur alliance.
À la tête de cette relation sécuritaire croissante se trouve Pete Hegseth, secrétaire à la Défense des États-Unis, une nomination controversée et peu expérimentée en Asie du Sud-Est. Ancien présentateur de Fox News, Hegseth a même fait parler de lui en raison de son manque de connaissance de la région. Lors de son audition de confirmation, il n’a pas pu nommer un seul membre de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN).
Cependant, sa proximité avec Donald Trump et son soutien total à une stratégie offensive contre la Chine renforcent sa position dans ce poste.