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L’Iran met en garde l’UE-3 contre une « stratégie de confrontation » concernant son programme nucléaire pacifique

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi. (Photo d'archives)

Le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, a mis en garde la troïka européenne (UE-3) contre une « stratégie de confrontation » concernant le programme d’énergie nucléaire pacifique d’Iran, soulignant que cette décision pourrait risquer de provoquer une crise de prolifération nucléaire.

Selon une note écrite par Abbas Araghchi et publiée exclusivement par l’hebdomadaire français Le Point, ce dimanche 11 mai, un siècle après que le Royaume-Uni et la France ont tracé les frontières modernes du Moyen-Orient, l’Europe se trouve de plus en plus absente de l’avenir diplomatique de la région. Au cours des discussions importantes – y compris les négociations indirectes en cours entre l’Iran et les États-Unis – les diplomates européens ne jouent souvent guère plus qu’un rôle d’observateurs passifs. Le passé colonial est désormais derrière l’Europe, mais l’inertie actuelle de celui-ci, fruit de ses propres choix stratégiques, nuit à toutes les parties.

Lorsque le président américain Donald Trump s’est retiré unilatéralement du Plan global d’action commun (PGAC) de 2015 – un accord nucléaire signé par l’Iran et six grandes puissances, dont le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne –, le moment appelait à une fermeté européenne. Le ministre français de l’Économie et des Finances de l’époque, Bruno Le Maire, avait alors déclaré que l’Europe ne serait pas un « vassal » de Washington. Pourtant, dans les faits, la troïka européenne (Royaume-Uni, France, Allemagne) n’a pas été à la hauteur. Les avantages économiques promis dans le cadre du PGAC ne se sont jamais matérialisés, les entreprises européennes ayant préféré se conformer aux sanctions américaines plutôt que de respecter les engagements de leur gouvernement.

« Le même schéma d’indécisions stratégique se répète. »

Dans sa note, Abbas Araghchi a indiqué que le même schéma d’indécision stratégique se répète actuellement en Europe, où Washington traite avec Moscou sans grande considération pour les capitales européennes.

Cela est particulièrement visible dans l’approche récente de la troïka européenne vis-à-vis du mécanisme de « snapback » (réimposition automatique des sanctions) du PGAC – initialement conçu comme un outil de règlement des différends en dernier recours, désormais utilisé comme levier diplomatique. Cette stratégie de confrontation risque de provoquer une crise mondiale de prolifération nucléaire qui affecterait au premier chef les Européens eux-mêmes.

L’Iran a clairement fait connaître sa position et officiellement averti tous les signataires du PGAC qu’un abus du mécanisme de « snapback » entraînera des conséquences – non seulement la fin du rôle de l’Europe dans l’accord, mais aussi à une escalade des tensions pouvant devenir irréversibles.

La troïka européenne doit se demander comment il a pu arriver à cette impasse. Sous l’administration américaine précédente, l’UE-3 jouait le rôle d’intermédiaire clé entre Téhéran et Washington, et l’Iran y participait de manière constructive. Mais lorsque la volonté politique a faibli à Washington, les Européens ont progressivement abandonné leurs efforts. Au lieu de réajuster leur stratégie, ils ont adopté une posture de confrontation – invoquant les droits de l’homme ou les relations légitimes de l’Iran avec la Russie comme prétextes pour prendre leurs distances diplomatiquement. 

(...) Cette approche a non seulement détérioré les relations entre États, mais elle a aussi eu des conséquences humanitaires bien réelles. Par exemple, l’interdiction l’année dernière par l’UE de la compagnie aérienne nationale iranienne Iran Air – fondée sur des allégations d’exportation de missiles ensuite démenties par des responsables ukrainiens de haut rang – a gravement limité l’accès à des médicaments vitaux, y compris les traitements contre le cancer.

« Doubles standards de l’Occident »

Ailleurs dans ses propos, le ministre iranien a dénoncé les doubles standards de l’Occident en particulier sa position vis-à-vis des guerres à Gaza et en Ukraine.

« Nos liens se distendent alors que le monde observe les catastrophes qui se déroulent simultanément à Gaza et en Ukraine révéler les doubles standards de l’Occident. Les Iraniens, comme d’autres, constatent l’indignation sélective et posent la question : où est la cohérence ? »

Araghchi a également passé en revue la position de l’Occident, en particulier la France, face aux évènements difficiles en Iran.

Comme l’indique la note, en 2003, après le séisme dévastateur qui a frappé la ville iranienne de Bam, la France avait rapidement déployé un hôpital de campagne. Mais en avril dernier, lorsqu’un incendie massif a ravagé le port iranien de Bandar Abbas – menaçant de perturber l’économie de l’Asie centrale au Caucase –, seule la Russie a offert une assistance immédiate. Les condoléances de l’UE ne sont arrivées qu’une semaine plus tard, bien après que la crise a été maîtrisée.

Et pourtant, malgré les tensions, l’histoire entre l’Iran et l’Europe reste riche. Les liens culturels, académiques et économiques – dans les domaines de l’énergie, de la technologie, de l’automobile et de la coopération environnementale – se sont depuis longtemps révélés fructueux. Sur le plan diplomatique, l’engagement européen a permis des collaborations significatives sur des sujets allant de l’Afghanistan à la Méditerranée orientale.

Conscient de cette histoire, le chef de la diplomatie iranienne a lancé plusieurs invitations à reprendre un dialogue sérieux. « Lors de l’Assemblée générale des Nations unies à New York en automne 2024, j’ai proposé une coopération – non seulement sur le dossier nucléaire, mais sur l’ensemble des préoccupations communes, y compris l’Ukraine. Ces propositions sont restées sans réponse. Je demeure néanmoins attaché à la diplomatie », a-t-il fait remarquer.

« Ce moment crucial déterminera l’avenir des relations entre l’Iran et l’Europe »

Selon la note, à la suite de consultations récentes en Russie et en Chine, Araghchi a exprimé sa disponibilité à se rendre à Paris, Berlin et Londres pour entamer un nouveau chapitre.

Dans ce droit fil, il a ajouté : « Cette initiative a conduit à des discussions préliminaires au niveau des vice-ministres des Affaires étrangères – un début fragile, mais prometteur. Mais le temps presse », indique le ministre iranien.

« La manière dont nous répondrons à ce moment crucial déterminera l’avenir des relations entre l’Iran et l’Europe bien plus profondément que beaucoup ne l’imaginent. L’Iran est prêt à tourner la page. Nous espérons que nos partenaires européens le sont aussi », a-t-il conclu.

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SOURCE: FRENCH PRESS TV