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La montée alarmante de l’islamophobie en France

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
La montée alarmante de l’islamophobie en France

Par Ghorbanali Khodabandeh

Les Musulmans de France sont confrontés à de nombreuses difficultés qui compliquent leur quotidien : la discrimination, le racisme et la violence étant les principales sources du malaise qu'ils éprouvent chaque jour.

Le racisme et l’islamophobie touchent des niveaux très hauts en France. Ces derniers mois, de nombreuses mosquées ont été ciblées par des actes islamophobes visant la communauté musulmane dans l’Hexagone.

D’ailleurs, les dernières données du Collectif Contre l’Islamophobie en Europe (CCIE), détaillent une hausse alarmante de l’islamophobie et de la discrimination en France.

Ce phénomène ne touche pas seulement les lieux de culte : les établissements scolaires français enregistrent plus souvent des cas similaires. Cela a suscité de nombreuses réactions de la part des internautes et des organisations qui dénoncent « un racisme et une islamophobie institutionnalisés ».

En outre, sous l’impulsion d’un discours d’extrême droite largement anti-musulman, la haine contre les musulmans ne cesse de se répandre dans les médias, sur les plateaux de télévision, les réseaux sociaux et même dans la vie quotidienne.

La communauté musulmane est inquiète

Bousculés ces derniers mois par les discours politiques et les pressions incessantes de l'administration, les quelque 20 000 musulmans de Nice, dans le sud-est de la France, ont récemment célébré une fête de l'Aïd teintée d'amertume.

Le malaise n'est pas nouveau. L'islam a régulièrement été un thème de campagne politique en France. Cependant, avec l'arrivée en septembre du préfet Hugues Moutouh, puis les contre-coups du conflit israélo-palestinien dans la bande de Gaza, la situation s'est aggravée davantage.

Alors que le maire Christian Estrosi faisait flotter le drapeau israélien sur le fronton de la mairie, le préfet a interdit les manifestations pro-palestiniennes, prétendant que le département était « dans le trio de tête » en matière d'actes antisémites.

Par ailleurs, à Cherbourg-en-Cotentin, l’ordre et le calme qui règnent habituellement dans la commune sont troublés depuis plusieurs semaines par une série d’attaques criminelles qui ont notamment ciblé la mosquée Ar-Rahma. La dernière en date concerne neuf voitures incendiées sur le parking se trouvant en face du lieu de culte. Si les autorités civiles et les membres de l’association culturelle islamique de Cherbourg attendent les résultats de l’enquête pour se prononcer, certains fidèles suspectent « un nouvel acte islamophobe ».

L’inquiétude grandissante persiste au sein de la direction de la mosquée et de la communauté musulmane de Cherbourg. En novembre dernier, plusieurs tags islamophobes ont été retrouvés sur la façade de la mosquée sur lesquels étaient inscrits : « Islam hors de France », « Islam Cancer »...

Une islamophobie omniprésente et institutionnalisée

Les événements qui touchent la mosquée de Cherbourg, sont loin d’être isolés en France. Pourtant face à la réputation de la ville et à la discrétion de la communauté musulmane, les membres de l’association culturelle islamique demeurent dans l’incompréhension.

Au niveau national, les actes islamophobes ont connu une inquiétante augmentation ces dernières années. Selon un rapport du Collectif contre l’islamophobie en Europe (CCIE) en 2023, 828 signalements de faits islamophobes ont été rapportés, soit 57% de plus qu’en 2022. La majorité de ces faits se seraient déroulés en France.

Particulièrement touchées en France, les mosquées ont, selon le rapport, été la cible « de dégradations ou de profanations, de tags, d’attaques à main armée, de menaces de morts, de tentatives de meurtre et d’incendie, d’attaques au cocktail-Molotov, d’alertes à la bombe… ». Des faits en majorité imputés à l’extrême droite, selon le CCIE.

Cette statistique alarmante met en lumière une tendance inquiétante à la hausse de l'islamophobie en France, soulignant l'importance d'une attention accrue et d'actions concrètes pour lutter contre ce phénomène, selon l'organisation européenne.

Discrimination et harcèlement moral contre les femmes

Selon le rapport du CCIE, une augmentation significative des cas de discrimination (+77%) est observée avec 779 cas, notamment le harcèlement moral, et l'attaques contre les musulmans, en particulier les femmes et les institutions musulmanes : deux faits déjà observés dans le temps, mais qui se sont amplifiés.

Le rapport du CCIE souligne la prépondérance des cas de harcèlement moral envers les femmes musulmanes. Sur 828 signalements, 675 concernaient des femmes, soit 81,5 %. Cette tendance persistante depuis les années précédentes révèle une triple discrimination basée sur les motifs tels que le genre, la religion et l'origine ethnique. Des exemples incluent des restrictions vestimentaires abusives et des attaques verbales et physiques dans les établissements scolaires.

Au niveau européen, la montée de l'extrême droite a entraîné une augmentation des discours et pratiques déshumanisantes envers les minorités, en particulier les musulmans, selon le CCIE. Des incidents violents, comme la découverte d'une boucle Telegram d'extrême droite en France nommée « FrDeter », illustrent un climat de violence ciblant spécifiquement les communautés musulmanes, selon ce rapport.

Ces chiffres, établis par le service juridique du CCIE, concernent exclusivement des cas avérés d'islamophobie. Ils offrent une perspective claire sur la réalité de l'islamophobie en France, un pays qui, au fil des ans, a été confronté à la montée des idéologies extrémistes. La hausse significative des signalements reflète non seulement les incidents survenus, mais aussi une prise de conscience et une volonté accrue des victimes et des témoins de signaler ces actes.

Cette tendance croissante en France s'inscrit dans un contexte européen plus large où l'extrême droite et les discours islamophobes gagnent en visibilité et en influence. Elle interpelle sur la nécessité de renforcer les mesures de prévention et d'éducation pour combattre efficacement l'islamophobie et promouvoir le respect mutuel entre les différentes communautés, selon le CCIE. Ces statistiques sont un rappel poignant que la lutte contre l'islamophobie doit rester une priorité pour les autorités et la société civile en France.

La grande inquiétude des électeurs musulmans de France face à la montée de l'extrême droite

A l'approche des législatives anticipées en France, les électeurs musulmans s'inquiètent d'une possible victoire de l'extrême droite, dont ils craignent d'être les premières victimes.

En effet, il y a « un risque réel » de voir le Rassemblement national (RN) gagner les élections législatives », avec à la clé des « lois islamophobes » cherchant à « restreindre les libertés individuelles », en matière de culte ou d'habillement.

Le Rassemblement national n'a pas caché dans le passé son hostilité à l'abattage rituel, qui interdirait de fait la viande halal. En 2021, une de ses propositions de loi bannissait les « idéologies islamistes » et interdisait dans tout l'espace public le port du voile.

Samedi soir 15 juin à Lyon, une quarantaine de personnes d'ultra-droite ont déambulé dans les rues en criant « on est des nazis » et « Islam hors d'Europe », selon des vidéos postées sur les réseaux sociaux. Le défilé a été condamné par le recteur de la Grande mosquée de Paris, Chems-eddine Hafiz, qui a appelé les pouvoirs publics à agir immédiatement face à « la libération de la parole extrémiste ».

M. Hafiz avait déjà fustigé le 11 juin « la montée inquiétante de l'extrême droite », en s'inquiétant de voir que le « Maghrébin » et le « musulman », sont « devenus les boucs émissaires, les symboles de tout ce qui est perçu comme menaçant, comme étranger, comme incompatible avec une identité nationale supposément homogène ». Dans cette évolution, beaucoup de musulmans déplorent le traitement médiatique qui leur est réservé.

Tentatives de diabolisation des musulmans

En France, le soutien populaire à la cause palestinienne est massif. Des dizaines de milliers de personnes comprennent la colonisation et, malgré la couverture médiatique grossièrement unilatérale des massacres et des atteintes aux droits de l’homme en Palestine, beaucoup lisent les rapports de l’ONU, de Human Rights Watch et d’Amnesty International.

En conséquence, la politique coloniale d’Israël et son programme raciste d’extrême droite sont conçus comme relevant de l’apartheid et du nettoyage ethnique.

Sans surprise, ce soutien aux Palestiniens déplaît à l’actuel gouvernement français, dont les positions islamophobes sont désormais une source constante de moquerie et d’inquiétude internationale.

Dans ce contexte, le président Emmanuel Macron et son équipe, désespérée de s’assurer le vote d’extrême droite, accusent Marine Le Pen d’être « trop molle » face à l’islam.

Ainsi, la lutte palestinienne pour la liberté est en partie influencé par les préjugés nationaux contre les minorités religieuses et ethnoculturelles. Nombreux sont les commentateurs racistes ou ignorants dans les médias qui projettent sur les Palestiniens tous les clichés qu’ils peuvent évoquer en puisant dans leur manuel anti-arabe et anti-musulman.

En ce sens, les outils et dispositions juridiques utilisés pour diaboliser les organisations pro-palestiniennes sont les mêmes que ceux conçus pour cibler spécifiquement les musulmans sous couvert de « lutte contre le séparatisme ».

Ghorbanali Khodabandeh est un journaliste et analyste politique iranien basé à Téhéran.

(Les opinions exprimées dans cet article ne reflètent pas nécessairement celles de Press TV.)

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SOURCE: FRENCH PRESS TV