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Zoom Afrique du 4 juin 2024

Zoom Afrique du 4 juin 2024

Les titres de la rédaction :

  • Le Togo bénéficiera d’un financement japonais de 1,2 milliard FCFA pour appuyer son secteur agricole
  • Mali : inauguration de la construction d’une nouvelle centrale solaire de 100 MW
  • Port de Dar es-Salaam : le terminal à conteneur 2 concédé à Adani Ports
  • Le Burkina Faso autorise la production d’or sur un site de résidus miniers

Les analyses de la rédaction :

1. Des bons et des mauvais putschistes ? Les politiques partiales historiques de l’Élysée 

Dans les années suivant les indépendances de ses anciennes colonies africaines, la France a maintenu des liens étroits, souvent marqués par une influence politique et économique considérable, un phénomène fréquemment qualifié de « Françafrique ». Cette période a été caractérisée par une série d’interactions complexes où la France cherchait à préserver ses intérêts stratégiques, notamment l’accès aux ressources naturelles et la maintenance d’une sphère d’influence géopolitique favorable. Plusieurs pays nouvellement indépendants ont vu leurs politiques intérieures fortement influencées, voire dirigées, par Paris, qui n’hésitait pas à soutenir certains dirigeants jugés favorables à ses intérêts ou à en destituer d’autres.  

De nombreux cas de complots et de déstabilisations orchestrés par la France ont émergé durant cette époque. Par exemple, le premier président du Togo, Sylvanus Olympio, a été renversé et assassiné en 1963 dans un coup d’État impliquant des militaires formés par les Français, après ses tentatives de sortir du franc CFA et de nationaliser des secteurs clés contrôlés par des intérêts français. De même, au Gabon, lorsque Léon Mba, un allié proche de la France, a été menacé par un coup d’État en 1964, la France est rapidement intervenue militairement pour rétablir son gouvernement. Ces interventions montrent clairement comment la France a utilisé sa puissance pour façonner les trajectoires politiques dans ses anciennes colonies, mais aussi économiques avec le franc CFA, souvent au détriment de la souveraineté et de la démocratie locales. 

Les relations entre la France et les nouveaux régimes militaires en Afrique subsaharienne révèlent des contradictions marquées entre les déclarations de principes démocratiques et la réalité des actions politiques. Par exemple, avant les récents coups d’État, la France entretenait des relations étroites avec le Mali et le Burkina Faso, caractérisées par une coopération militaire et économique significative. Ces pays faisaient partie intégrante de la stratégie française de lutte contre le terrorisme dans la région du Sahel, notamment à travers l’opération Barkhane. Une stratégie qui n’a d’ailleurs pas porté des fruits. Cependant, le sentiment anti-français a grandi, nourri par des perceptions de néocolonialisme et d’ingérence.  

Après la chute des pouvoirs pro-France à la suite des coups d’État en 2020 au Mali et en 2022 au Burkina Faso, les relations se sont nettement détériorées. Les nouveaux dirigeants ont exprimé une volonté forte de réévaluer leur relation avec la France, demandant même le retrait des troupes françaises après des postures jugées anti-africaines. Ces demandes ont été exécutées, marquant un tournant significatif dans les relations bilatérales. Ce changement radical illustre un désir croissant de ces nations de forger des politiques extérieures moins dépendantes des anciennes puissances coloniales, tout en cherchant de nouveaux partenariats stratégiques, notamment avec la Russie et d’autres acteurs non occidentaux.  

Au Niger, la réaction de la France au coup d’État qui a renversé Mohamed Bazoum a été très vive, contrastant même avec les postures initiales dans les autres pays, avec des critiques sévères et des menaces d’intervention militaire. Cependant, malgré cette posture ferme, la France a finalement été contrainte de voir ses forces expulsées, ce qui illustre un échec à négocier ses positions malgré les enjeux économiques significatifs, notamment dans le secteur de l’uranium.  

Le cas du Tchad montre une approche différente. Après la mort d’Idriss Déby et la prise de pouvoir par son fils Mahamat Idriss Déby, la France n’a pas du tout critiqué ce changement de pouvoir. Au lieu de cela, Emmanuel Macron s’est rapidement rendu au Tchad pour marquer son soutien au nouveau leader, révélant ainsi une priorité donnée aux intérêts plutôt que les précédentes prétendues valeurs démocratiques.  

Pis, au Gabon, le général Brice Clotaire Oligui Nguema a bénéficié d’une intégration rapide dans les cercles diplomatiques après son coup d’État, recevant un accueil chaleureux à l’Élysée tout récemment. Pour les détracteurs de la France qu’il est difficile de contredire sur ce dossier, cela indique une continuité dans la politique française de favoriser des régimes qui soutiennent ses intérêts économiques et stratégiques, en dépit des principes démocratiques souvent mis en avant par Paris.  

La politique française en Afrique montre une réelle disposition à adapter ses principes démocratiques en fonction de ses intérêts stratégiques et économiques. Les actions récentes de la France, de sa virulente réaction au Niger et à son accueil du leader gabonais, montrent clairement que les intérêts nationaux priment souvent sur les valeurs démocratiques et même au-delà, les intérêts desdits peuples. Avec l’accessibilité accrue à l’information via internet, de plus en plus d’Africains expriment leur scepticisme et leur critique face à cette politique, mettant en doute la sincérité et la légitimité de l’engagement français sur le continent, perçu comme un vestige de l’époque coloniale adapté aux réalités modernes. 

2. Niger : après Paris et Washington, l’UE à la porte 

Au Niger, la défense de la souveraineté et de l’intégrité finit par mettre tous les militaires étrangers à la porte. Après la France et les États-Unis, l’Union européenne n’y échappe pas. 

L’Union européenne (UE) a décidé de mettre fin à sa mission militaire au Niger à la fin du mois de juin 2024. Elle a motivé sa décision par la situation politique de ce pays dirigé par un pouvoir militaire depuis le coup d’État du 26 juillet 2023. 

« Le Conseil européen a décidé de ne pas proroger la mission de partenariat militaire de l’Union européenne au Niger (EUMPM) au-delà du 30 juin 2024, compte tenu de la gravité de la situation politique actuelle dans le pays », a précisé le communiqué de ladite institution. 

La mission, déployée en décembre 2022, compte entre 50 et 100 soldats chargés de renforcer les capacités des forces armées nigériennes à contenir la menace terroriste et à protéger la population du pays. La durée initiale convenue de la mission était de trois ans. 

Il faut préciser que les Occidentaux étaient beaucoup trop présents au Niger avec la fausse bannière de la lutte contre les groupes terroristes dans la région du Sahel. Mais leur collaboration a pris du plomb dans l’aile depuis l’arrivée des nouvelles Autorités en juillet 2023.  

Le Niger s’inscrit dans la même lignée que le Mali et le Burkina Faso qui ont tourné le dos à l’Occident impérialiste, et se sont rapprochés militairement et politiquement de l’Iran, de la Russie, de la Chine ou même de la Turquie. 

La France est devenue la cible des militaires au pouvoir et du peuple nigérien. Ces derniers ont dénoncé les accords de coopération militaire et exigé le départ des 1 500 soldats français stationnés au Sahel. 

Le gouvernement nigérien, avec l’appui du peuple du Niger, a également annulé l’accord de coopération militaire de 2012 avec les États-Unis, entraînant le retrait d’un peu plus de 1000 soldats américains présents au Niger. 

Deux contingents d’instructeurs militaires russes ainsi que du matériel militaire sont arrivés à Niamey au cours des deux derniers mois pour former l’armée nigérienne.  

3. Guinée-Russie : quand la France cherche à saper les liens 

Le chef de la diplomatie russe s’est rendu cette semaine en Guinée. 

Sergueï Lavrov et Morissanda Kouyaté ont eu un long tête-à-tête ce lundi 3 juin 2024. Pendant près des deux heures d’horloge, les ministres guinéen et russe des Affaires étrangères ont abordé des sujets divers et variés. 

Au sortir de cette rencontre, aucune déclaration n’a été faite. Toutefois, certaines sources ont pu obtenir quelques confidences auprès de certains cadres qui ont pris part aux discussions. 

D’après certaines informations lors de ce tête-à-tête, la partie guinéenne a souhaité auprès de la partie russe que sa dette évaluée à 30 millions de dollars américains soit épongée. Un avis favorable a été donné par Sergueï Lavrov par rapport à cette requête, a-t-on appris. L’autre requête de Conakry concerne le rapatriement d’un ressortissant guinéen condamné en Russie afin qu’il purge sa peine dans son pays. Mais celle-ci serait en suspens. 

Lors de cet entretien, le ministre des Affaires étrangères de Russie aurait évoqué la question de la Cédéao et la possibilité du retour des 3 pays de l’AES (Niger, Burkina, Mali) au sein de l’organisation. Sergueï Lavrov aurait demandé la position de la Guinée. La réponse de son homologue guinéen a été sans équivoque. 

Selon certaines sources, le chef de la diplomatie guinéenne a martelé que « la Guinée en tant que pays souverain, respecte la position souveraine des autres pays ». Il aurait d’ailleurs souligné que la Cédéao est une organisation créée par la Guinée. 

« La Guinée va œuvrer à ce que l’organisation se réforme afin qu’elle soit une Cédéao des pays et non une Cédéao de syndicat des chefs d’États, des présidents des pays membres. Sur ce, il n’y a pas de pression de la part de qui que ce soit », aurait-il dit, insistant sur le fait que la Guinée est un pays indépendant, souverain. 

« Toute décision que le pays va prendre concernant la vie de sa population, celle-ci restera souveraine et indépendante. Il aurait également signifié à ses hôtes que la Guinée, en tant que pays fondateur, ne laissera pas la Cédéao partir en éclat. Et, donc, elle s’emploiera à soigner les blessures de l’organisation. Mais pour ce faire, mieux vaut rester à l’intérieur et apporter des solutions pour parfaire la Cédéao que de la laisser disloquer. Néanmoins, la Guinée respecte tout de même la décision des États qui ont décidé de se retirer », confie une source. 

La partie russe aurait évoqué aussi le cas de la Cour Pénale Internationale, qui a émis en mars 2023 un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine dans le cadre d’une enquête sur le conflit en Ukraine. Sur ce sujet, le ministre guinéen aurait insisté sur le caractère souverain de la position de la Guinée sur cette autre question. 

En revanche, nous a-t-on confié, le ministre russe des Affaires étrangères aurait salué la position de neutralité qu’a observée la Guinée depuis le début du conflit en Ukraine. 

Au cours des échanges, il a été question également de la nécessité de la relance de la commission mixte de coopération économique entre les deux pays et du soutien mutuel au sein des institutions multilatérales. 

Le Général Mamadi Doumbouya a livré également son message à Sergueï Lavrov. Lors de sa rencontre avec le chef de la diplomatie russe, l’actuel dirigeant guinéen a réitéré que la Guinée reste un pays ouvert, souverain, mais qui coopère avec tout le monde. 

« Le Président a été très clair : nos relations sont anciennes, mais elles restent dynamiques », a révélé le ministre des Affaires étrangères, citant le Général Mamadi Doumbouya. 

Il a ajouté que « la Guinée reste un pays ouvert, souverain, mais qui coopère avec tout le monde ». Le chef de la diplomatie guinéenne précise que le chef de l’État a assuré aussi que « la Guinée reste un ami de la Fédération de Russie ». 

« On a parlé des mines et des sociétés russes qui sont en Guinée. Nous avons dit à nos partenaires que la Guinée ne renonce pas à ces engagements, mais la Guinée peut revoir ses engagements pour les réajuster. Cela avec tous nos partenaires. Et c’est pourquoi toutes les questions qui ont été posées sur les mines sur d’autres sociétés, nous avons dit que la Guinée a un comité stratégique qui travaille dans ce cadre-là et nous allons traiter toutes ces questions à ce niveau. Et ça a été bien apprécié par la partie russe. C’est pour dire que nous sommes disposés à travailler avec ces sociétés qui ont beaucoup duré en Guinée… », a expliqué le Dr Morissanda Kouyaté. 

« Depuis le 5 septembre, le nouveau gouvernement sous le leadership d’un nouveau Président tient à ce que la Guinée appartienne aux Guinéens en termes économique, social et politique. Ce qui n’exclut pas de travailler avec toute la communauté internationale. Nous allons renforcer nos relations bilatérales, comme avec tous les pays. Et la Guinée respectera toujours ses engagements », a précisé le ministre Kouyaté. 

À peine la visite de Sergueï Lavrov bouclée, le Conseiller Afrique du président français a couru, ce lundi 3 juin 2024 vers Conakry pour voir ce qui s’y passe. Lors de ce voyage éclair qui était soi-disant « prévu de longue date », Jérémie Robert a eu une série de rencontres et d’échanges avec les autorités de la Transition au plus haut niveau. 

Selon certaines sources, avant de quitter Conakry l’envoyé spécial d’Emmanuel Macron s’est entretenu notamment avec le ministre des Affaires étrangères, Morissanda Kouyaté, le Premier ministre Bah Oury et Président de la Transition, Général Mamadi Doumbouya. 

Selon certaines sources, l’objectif de ce déplacement était de faire le point sur le « contenu » et la « trajectoire » de la Transition, suite à la visite du ministre russe des Affaires étrangères. « C’est une visite d’amitié pour accompagner la sortie de Transition », a confié une source diplomatique. 

Mais il n’y avait pas que ça. En plus du sujet relatif à la transition, les questions liées à l’économie, à la sécurité et la défense étaient au centre des discussions entre Jérémie Robert et les responsables guinéens. Ce, dans un contexte où l’influence de la France s’érode dans ses anciennes colonies en Afrique. 

« Nous avons échangé sur les différents chantiers de la relation bilatérale… j’ai porté un message de solidarité, d’amitié et de soutien de la part du Président de la République française. Nous avons tracé un tour d’horizon bilatéral, en terme économique, régional de sécurité et défense. 

Nous avons aussi apporté notre solidarité vis-à-vis de la transition guinéenne en discutant aussi des prochaines étapes qui sont très importantes », a expliqué le Conseiller Afrique d’Emmanuel Macron au terme de sa rencontre avec le Premier ministre. 

Les pays africains veulent se rapprocher de la Russie après avoir secoué le joug colonial occidental, comme le prouve la récente visite du ministre russe des Affaires étrangères en Guinée-Conakry, a déclaré Sébastien Périmony, membre de l’Institut Schiller. 

La visite du chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov en Guinée est symptomatique d’une volonté de rapprochement entre Moscou et les pays africains qui se sont libérés du néocolonialisme occidental, a expliqué Sébastien Périmony, membre de l’institut allemand Schiller et auteur du livre « Voir l’Afrique avec les yeux du futur ». 

« Il y a un rapprochement très net, du fait de la volonté des pays africains de travailler avec la Russie et du fait de la Russie de s’impliquer sur le continent africain. Il est important que Monsieur Lavrov puisse se rendre dans un pays d’Afrique de l’Ouest pour montrer justement cette convergence de volontés », explique-t-il. 

Depuis Conakry, le ministre russe des Affaires étrangères a d’ailleurs appelé à reprendre au plus tôt les travaux de la Commission intergouvernementale avec la Guinée. Une initiative qui permettra de renforcer concrètement les liens entre les deux pays, en supplément des rassemblements importants, comme le sommet Russie-Afrique, souligne Sébastien Périmony. 

« Cette commission permet en effet d’approfondir les parties stratégiques, de mettre en place de vraies politiques de développement autour de projets concrets, que ce soit dans le domaine agricole, dans le domaine des infrastructures ou autres », explique-t-il. 

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SOURCE: FRENCH PRESS TV