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Hiérarchie violente, origine coloniale qui lie le sionisme et le kémalisme des Pahlavi

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Une récente visite de Reza Pahlavi (C) dans les territoires palestiniens occupés met en lumière les similitudes entre le sionisme et la vision politique représentée par la dynastie Pahlavi.

Par Xavier Villar

Reza Pahlavi, le fils peu connu de l’ancien dirigeant déchu de la dynastie Pahlavi d’Iran, Mohammad Reza Pahlavi, s’est récemment rendu dans les territoires palestiniens occupés.

De son propre aveu, le but de son voyage était de « faire passer un message d’amitié » et de « renouer les liens anciens entre l’Iran et Israël ».

Pahlavi est arrivé dans l’entité sioniste lundi dernier, où il a été accueilli par la ministre du Renseignement (espionnage) du régime, Gila Gamliel, qui l’a accompagnée tout au long de sa visite.

Au cours de son séjour, il a tenu des réunions séparées avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le président Isaac Herzog, sans protocole officiel.

Comme prévu, Pahlavi n’a fait aucune mention de la situation en Palestine et n’a pas non plus visité la mosquée Al-Aqsa, qui a fait l’objet de violents raids par les forces sionistes pendant le mois sacré du Ramadan. Selon certaines informations, il a visité le Mur des Lamentations et il lui a même « offert une prière ».

Bien que le jeune Pahlavi vit hors d’Iran depuis la Révolution islamique de 1979 et qu’il ne soit pas une entité politique, sa visite à l’entité sioniste met en lumière les similitudes méthodiques entre le sionisme et la vision politique représentée par la dynastie Pahlavi, ce que nous pouvons appeler du « kémalisme ».

Le kémalisme fait référence aux transformations menées par des gouvernements musulmans autoproclamés qui ont sapé la possibilité d’une auto-gestion politique musulmane.

Tant le sionisme que le kémalisme, représentés par Reza Pahlavi, ont l’Occident comme point nodal dans la construction de leurs visions politiques.

Dans ces visions, il y a aussi un désir d’être blanc. La blancheur ne se réfère pas tant à la couleur ou au phénotype de la peau qu’à une structure et à un paradigme politiques. Le terme « blancheur » fait référence à une subjectivité politique liée au concept de suprématie blanche, souvent utilisé dans la théorie critique de la race.

Ce concept décrit une conjoncture historique dans laquelle les différences sociales, culturelles, économiques et philosophiques se reflètent dans une hiérarchie violente entre l’Occident et le reste.

La hiérarchie violente et l’origine coloniale qui relient le sionisme et le kémalisme des Pahlavi sont les mêmes qui les relient à l’Occident en tant que centre de leurs visions politiques, dans un cadre orientaliste qui considère les musulmans comme dépourvus de pouvoir.

Malgré cette vision raciale, le pouvoir musulman a été le facteur déterminant derrière la Révolution islamique, la même révolution qui a mis le dernier clou au cercueil kémaliste en Iran.

C’est cette même identité politique musulmane qui est derrière la résistance contre l’entité sioniste illégitime. On peut dire que la République islamique et la Palestine sont deux moments d’un même ordre anti-hégémonique qui permet aux musulmans de vivre en tant que musulmans dans le monde contemporain.

En effet, c’est à travers ce discours que l’on peut expliquer la visite de Reza Pahlavi dans l’entité sioniste. Les deux ont une origine clairement coloniale, et les deux, l’Iran sous le régime Pahlavi et l’entité sioniste, sont considérés comme des porteurs de la civilisation occidentale et une frontière qui défend le discours occidental contre le « terrorisme » et la « barbarie » de ceux qui cherchent à renverser cette frontière.

Tous deux partagent également l’idée que ces frontières qui servent à séparer les « civilisés » des « barbares » servent aussi à délimiter la civilisation.

Comme le déclare la théoricienne politique Wendy Brown, « Au-delà de la ligne, c’est là que la civilisation s’arrête, mais c’est aussi là où la brutalité des civilisés est autorisée, où la violence peut être librement et légitimement exercée ».

La violence, à la fois physique et épistémique, contre ceux qui vivent hors des murs de la civilisation, relie également les deux articulations, le Pahlavi et le sioniste.

De nombreux Iraniens se souviennent encore de l’héritage des services secrets de l’ancien Pahlavi, SAVAK. Ce service secret était connu pour avoir réprimé les dissidents pendant la dictature soutenue par les États-Unis et pour son recours effréné à la torture. SAVAK a été créé en 1957 avec l’aide de la CIA et du Mossad.

Lors de la visite de Reza Pahlavi, sa femme Yasmine a posté sur son compte Instagram une image d’une jeune femme soldate sioniste avec l’équivalent farsi du hashtag « femme, vie, liberté ».

Il est important d’analyser cette image en termes déductifs, car elle nous montre que les Pahlavi considèrent la femme sioniste armée comme un modèle, sans tenir compte des horizons éthiques de ce modèle ni de l’oppression et de l’occupation sur lesquelles il repose.

La visite met en évidence que nous sommes face à deux ruines coloniales. Personne ne croit que Reza Pahlavi puisse revenir au pouvoir en République islamique d’Iran, et l’on ne peut croire non plus l’affirmation de Netanyahu il y a quelques semaines d’avoir isolé l’Iran.

Les deux moments manquent de possibilités politiques et n’offrent rien pour l’avenir, sauf une répétition de la violence coloniale sur laquelle ils ont été construits.

Le sionisme et le kémalisme des Pahlavi sont inutiles comme horizons politiques. La tragédie est qu’ils détiennent toujours le pouvoir matériel, principalement le sionisme, pour continuer à infliger des souffrances.

Xavier Villar est docteur en études islamiques et chercheur qui partage son temps entre l'Espagne et l'Iran.

(Les opinions exprimées dans cet article ne reflètent pas nécessairement celles de Press TV.)

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SOURCE: FRENCH PRESS TV